7 novembre 2024, 107e anniversaire de la Révolution d’Octobre – Par Georges Gastaud, auteur du Nouveau défi léniniste (Delga).
Quand des acteurs un peu sérieux du mouvement populaire s’efforcent de comparer objectivement la situation des travailleurs de France telle qu’elle est aujourd’hui à ce qu’elle était quand la classe ouvrière disposait d’un PCF de combat (le Parti des Thorez, Duclos, Frachon, Croizat et autre Marcel Paul…), leur conclusion ne peut qu’être univoque: « II n’y a pas photo! »
Et en effet, tant qu’il y eut en France un grand parti issu de l’Internationale communiste, ancré dans la classe ouvrière, affinant sans cesse l’analyse marxiste-léniniste renouvelée de la société, solidaire de l’expérience socialiste et anti-impérialiste internationale issue d’Octobre 17 et de la victoire stratégique de Stalingrad, la paix mondiale était défendue, l’indépendance nationale était préservée, les avancées sociales (36, 45 ou 68) étaient au rendez-vous (avec la contribution décisive de la CGT de classe), les luttes anticoloniales disposaient d’un « arrière » solide en France. Et surtout, la perspective révolutionnaire assumée d’une société socialiste en marche vers le communisme offrait aux luttes une perspective stimulante. Nul ne dit certes que le PCF de jadis ne s’est jamais trompé, ni que tout était parfait dans la première expérience socialiste de l’histoire qu’a sabordée la clique contre-révolutionnaire de Gorbatchev alliée à l’impérialisme occidental; pour autant l’ouvrier, l’employé et le paysan de France, le patriote antifasciste, l’ami de la paix savaient alors qu’un grand parti de classe, le Parti communiste français, montrerait invariablement le chemin des combats émancipateurs pour la paix, la liberté, l’égalité et la fraternité. En porte encore témoignage la magnifique chanson de Jean Ferrat intitulée Ma France.
À l’inverse, depuis qu’à l’Est la contre-révolution a démantelé l’URSS, depuis qu’en France la « mutation » euro-compatible a aidé les Hue, Buffet, Laurent et autre Roussel à dénaturer le PCF tout en désorientant la CGT, notre peuple essuie défaite sociale sur défaite sociale, sa souveraineté s’efface devant le « saut fédéral européen », ses libertés sont broyées par un processus de fascisation mâtiné de lepénisme galopant, sa langue chère à Aragon et à Elsa Triolet fait précipitamment retraite devant le tout-anglais de l’Empire euro-atlantique ; et, pire que tout, la France officielle devenue Macronie se transforme en fer de lance de la marche vers une guerre antirusse potentiellement mondiale (et nucléaire!) sous l’égide de l’UE-OTAN d’Ursula von der Leyen!
Dès lors la voie juste pour le mouvement populaire n’est nullement celle que lui propose la social-démocratie ancienne ou nouvelle, celle d’un abandon du Parti de classe, d’une acceptation a minima du syndicalisme euro-compatible, et encore moins celle d’une dérisoire « réorientation progressiste » de la « construction » européenne que lui propose le PCF-PGE. Le renouveau ne viendra pas davantage, quoi qu’en disent certains renégats du communisme, d’un « mouvementisme » de façade marginalisant les ouvriers et piloté en sous-main par tel « présidentiable » supposé. Ni même d’un néo-gauchisme minimisant la lutte stratégique pour le Frexit progressiste et ce qui va nécessairement de pair avec cet objectif de rupture révolutionnaire : l’exigence absolue d’un parti de classe et d’avant-garde démocratiquement centralisé, de manière à soutenir les affrontements de classes imminents.
C’est pourquoi nous, militants du PRCF, disons clairement, à l’heure où le peuple travailleur affronte la méga-austérité portée par l’eurocrate Barnier soutenu en douce par Bardella, que les communistes de France, les syndicalistes désireux de « marcher sur leurs deux jambes » (celle d’une CGT redevenant rouge et celle d’un Parti d’avant-garde de la classe ouvrière) doivent choisir entre deux manières opposées de concevoir et de reconstruire le parti ouvrier :
- soit la voie perdante du néo-menchevisme : en effet, quelle que puisse être sa forme organisationnelle présente ou future, ce dernier a et aura toujours mieux à faire que d’affronter concrètement la « construction » euro-atlantique, ce programme commun oligarchique qui fédère en sous-main le Parti Maastrichtien Unique du grand capital de Le Pen à Glucksmann. En effet, qu’il soit occulte ou franchement assumé (chose rare !), le néo-menchevisme refuse et refusera toujours en pratique le centralisme démocratique en lui préférant ouvertement des « palabres » sans fin (conclues d’avance par quelque chef occulte tirant les ficelles !). Et toujours, au nom de la lutte contre le « nationalisme », le néo-menchevisme rejettera le Front patriotique, populaire et antifasciste qui fit la force du grand PCF agissant en accord avec le VIIe Congrès de l’Internationale communiste. Encore et toujours, ce néo-réformisme fustigera comme « imbuvable » l’indispensable travail marxiste d’élaboration théorique : car l’important pour la nébuleuse rose vif n’est pas d’actualiser l’héritage léniniste (« Pas de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire ! », disait Lénine), ni a fortiori de produire de véritables novations théoriques, mais de ne jamais rompre le fil de servitude qui l’enchaîne, et avec lui la classe ouvrière, à la gauche bourgeoise euro-soumise, à l’ « extrême gauche » petite-bourgeoise « libertaire » ou euro-trotskiste, si ce n’est carrément, et par l’intermédiaire des premiers nommés, aux Macron, Darmanin, Hollande ou Élisabeth Borne, ces « remparts » bien connus à la poussée lepéniste[1].
- soit la voie combative d’une renaissance bolchevique du Parti communiste. Elle combine notamment le primat politique de la classe ouvrière (priorité militante aux entreprises, et notamment aux usines, chantiers, ports, gares, dépôts EDF, raffineries, aide décomplexée au renouveau syndical rouge…), promotion d’un marxisme-léninisme de notre temps et refus assumé du négationnisme antisoviétique et antijacobin. Cette orientation conséquemment communiste et prolétarienne suppose inflexiblement d’associer étroitement les luttes pour l’indépendance nationale (Frexit progressiste et à bas l’euro et l’OTAN !), pour la République une, laïque et indivisible (à bas le « Pacte girondin » macroniste et l’euro-fédéralisation de la France dont se réclame Macron[2]), pour la paix mondiale et contre l’hégémonisme euro-atlantique, à la perspective d’un socialisme-communisme de nouvelle génération rétablissant le rôle central de la classe travailleuse, nationalisant les secteurs-clés de l’économie, tendant la main à toutes les expériences anti-impérialistes de notre temps. Y compris celles, faut-il le dire, de l’Afrique francophone en rupture de néocolonialisme…
1 – RÉAFFIRMER LA CENTRALITÉ STRATÉGIQUE DE LA CLASSE OUVRIÈRE ET DU MONDE DU TRAVAIL
Ni par passéisme ni pour des raisons dogmatiques, mais bien parce que la classe des travailleurs salariés est, dans l’unité combative de toutes ses composantes anciennes et nouvelles, la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout, c’est vers le prolétariat, et plus centralement encore vers la classe ouvrière (le prolétariat le plus aguerri qui travaille dans l’industrie, l’énergie, les transports et la logistique, les chantiers, l’agroalimentaire, voire dans la grande distribution et le conditionnement final des marchandises) qu’un vrai parti communiste doit se tourner en priorité. Dans les années 1920/30, ce virage vers les usines qui prépara la victoire de 36 et les occupations d’usine, fut un élément majeur de la bolchevisation prescrite aux PC nationaux par l’Internationale communiste. Alors que les Partis socialistes d’avant 1917 étaient surtout organisés sur une base locale et, de facto, électorale, les jeunes partis communistes se tournèrent avant tout vers les usines, les mines, les ports et les gares avec la mission d’y créer des cellules d’ouvriers industriels, de mineurs, d’électriciens et de cheminots. Tâche difficile certes, mais indispensable pour lier l’avant-garde révolutionnaire à sa classe-support sur le lieu même de son exploitation. Ce lieu où, directement, et au jour le jour, le travailleur exploité (qui peut de nos jours porter un col bleu ou un col blanc) crée les richesses et doit se défendre contre les empiétements du capitaliste s’efforçant de grappiller sur son dos un peu de plus-value supplémentaire au risque. Ce tournant vers la classe et vers les usines est-il périmé de nos jours? Nullement. Il n’est que de voir comment les ouvriers américains ont bloqué de grandes usines et obtenu d’impressionnantes victoires chez John Deer, Chrysler-Stellantis, sur les docks, souvent avec piquets de grève à l’appui. A contrario, il n’est que de voir comment, chez nous, la gauche politico-syndicale réformiste et ses pseudopodes gauchistes essaient d’enfermer la lutte dans le « quartier » (lieu important, certes, mais en rien exclusif ni même premier du combat de classe !), comment le spontanéisme antibolchevique ambiant idéalise les « périphéries » (bloquer les ronds-points est important mais ne saurait suffire à bloquer l’économie capitaliste !) ou comment les directions syndicales euro-formatées nous enferment dans de bêlantes manifs saute-moutons sans jamais tenter de bloquer les profits capitalistes… dont le cœur est évidemment, répétons-le, l’entreprise privée (ou publique qui n’est nullement indépendante du capital en pays capitaliste : cf. EDF, la SNCF, la Poste, etc.) ou la zone industrielle ou commerciale de rattachement.
Alors oui il faut lutter partout, sur les marchés populaires, dans les quartiers, les « périphéries urbaines » et sur les ronds-points, mais le cœur de l’affrontement de classes fédérant les autres terrains de lutte à l’initiative du prolétariat demeure l’entreprise, ne serait-ce que parce que c’est là que, ensemble, les ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens, informaticiens, ingénieurs de production, qu’ils soient hommes ou femmes, athées ou croyants, français ou immigrés, jeunes ou vieux, dotés ou non de « papiers », sont exploités ensemble par le capital et, soit résistent et gagnent ensemble, soit se laissent diviser et se font écraser séparément. En France, pensons aux grandes grèves avec occupations d’usine et blocage de sites industriels de 36 ou de 68, voire à celles de 95 à la SNCF où, certes, les manifs de rue ont joué un rôle important, mais où la grève reconductible a nourri en permanence le mouvement général, le cœur et le cerveau de la lutte de mai 68 étant incontestablement la grande usine de Renault-Billancourt comme ne cessait d’y insister notre défunt camarade Roger Silvain. Du reste la grande bourgeoisie française ne s’y est pas trompée, qui a rapidement liquidé cette usine et qui, plus largement, a répondu à la mobilisation potentiellement révolutionnaire de 68 par une casse géante du « produire en France » industriel qui est la racine profonde du délitement actuel de notre pays!
Cela reste vrai du reste, y compris quand l’appropriation ouvrière du lieu de production nourrit la forme insurrectionnelle de la lutte directe pour le pouvoir d’État comme ce fut le cas en novembre 1917 avec le rôle organisateur central des travailleurs des aciéries géantes Poutilov, poumon de l’organisation bolchevique de Petrograd et bastion des Soviets ouvriers. Militer d’abord en direction des entreprises capitalistes et des grands services publics en voie de privatisation est donc prioritaire et c’est aussi, à notre époque, la meilleure manière de riposter à la tentative du capital d’opposer les « quartiers » aux « périphéries », les villes aux villages, les « tours » aux « bourgs » pour emprunter à Ruffin l’assonance, sinon le fond même de son analyse.
Aller aux boîtes est enfin la seule manière de contourner les états-majors syndicaux euro-formatés en reprenant pied sur le lieu central de la lutte des classes, l’atelier, la chaîne de production, le dépôt, l’entrepôt, le dock, la gare, la plateforme multimodale, le service public euro-malmené, bref, le lieu de travail où la haute bureaucratie syndicale ne met jamais les pieds, elle qui passe son temps à créditer le « dialogue social » bidon qu’affectionnent les euro-gouvernements soutenus par la CFDT.
2 – INDÉPENDANCE NATIONALE, INDÉPENDANCE POLITIQUE DE CLASSE, MÊME COMBAT !
Dans la France d’aujourd’hui encore plus peut-être que dans celle de 36 et de 45, où le PCF ouvrier et paysan de Thorez-Duclos-Tillon fut le fer de lance de la Résistance patriotique à l’oligarchie fasciste, la dialectique du combat patriotique et de la lutte prolétarienne internationaliste pour le socialisme revêt une importance stratégique. En effet, ce qui fédère de nos jours les forces convergentes du Parti euro-atlantiste qui va de l’extrême droite en titre (entièrement ralliée à l’UE, à l’euro et à l’OTAN, voir la récente visite de Bardella à Zelensky, ou l’enthousiasme du RN pour l’exterminateur Netanyahou !) à R. Glucksmann et aux bellicistes Verts (nominalement membres du Nouveau « Front Populaire » !!!) en passant par Ciotti, Retailleau et Attal, c’est leur adhésion au projet stratégique de l’oligarchie « française » postnationale: la mise en place de l’empire euro-atlantique dirigé par Berlin et supervisé par Washington, avec à l’arrière-plan les traités euro-atlantiques qui vont atomiser façon puzzle ce qui reste de nos classes populaires (ouvriers, paysans et petits fonctionnaires en particulier) ; le tout « agrémenté » par la marche à la guerre mondiale contre les Russes et les Chinois, par la criminalisation européenne du communisme historique et par l’alliance stratégique (dont l’Ukraine est le banc d’essai avec l’Italie et les pays baltes) entre l’UE et les extrêmes droites racistes. Pour être complet, il faudrait évoquer la
dé-segmentation galopante du marché du travail « transatlantique » (UE + USA + Canada + Mercosur) au moyen de la numérisation massive de la production et de l’imposition continentale de l’anglo-américain comme seule « langue des affaires et de l’entreprise »[3] On imagine la dévastation salariale et sociale que cela pourrait produire via la mise en concurrence sans précédent des salariés, des paysans et des artisans à l’échelle de l’Europe et de l’Amérique du Nord, hors Québec espérons-le !
Dans ces conditions, on voit combien sont menteurs ceux qui continuent à raconter aux classes populaires qu’une « Europe des patries » (RN), qu’une « Europe de l’écologie » (EELV), qu’une « Europe sociale » (PS, et hélas, états-majors syndicaux, PCF-PGE et « Insoumis »… euro-soumis!), qu’une « Europe de la paix » seraient possibles dans le cadre de l’UE, alors même que l’UE et l’OTAN, c’est brun bonnet et bonnet brun tant la « construction européenne », la fascisation continentale et la marche atlantique à la guerre mondiale ne sont que les différents étages du même missile visant les travailleurs d’Europe ! C’en est au point que tous ceux qui mordent si peu que ce soit à ces euro-mensonges infâmes, dont le budget militariste et antisocial Barnier-Retailleau-Bardella (en réalité cadré par l’UE) est le démenti total, ne peuvent en aucune façon doter la classe laborieuse d’un parti de classe indépendant de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie européistes. En effet, l’ABC d’un parti de classe indépendant, c’est-à-dire d’un parti communiste (comme l’a démontré dès 1848 le Manifeste du Parti communiste de Marx), c’est de rompre les amarres politiques, idéologiques et organisationnelles qui rattachent de cent façons la classe dominée à la classe dominante. Dans les conditions actuelles, cette rupture, qui doit être politique et idéologique, et pas seulement organisationnelle… en apparence, s’appelle lutte acharnée pour le Frexit progressiste, c’est-à-dire lutte pour une France totalement émancipée de l’UE-OTAN et de l’euro, cette machine à broyer les salaires, le « produire en France » et les services publics. Sont fort éloignés d’une telle rupture ceux qui, tout en disant pour la forme qu’ils sont pour le Frexit (car on attend encore de voir certains d’entre eux mener le début d’une campagne pratico-pratique sur ce thème!), ne bougent jamais un doigt contre l’UE, légitiment l’Europe supranationale en participant aux « élections européennes », s’insèrent dans les structures politiques officielles de LFI (laquelle a enterré la formule euro-critique de Mélenchon 2017 « l’UE on la change ou on la quitte ! »), appellent à sauver Macron et ses séides au nom du « front républicain ». Ou qui, sur un autre plan, cautionnent le démontage macroniste de la République indivisible héritée de Robespierre en s’enthousiasmant pour l’ « autonomie » de la Corse ou de la Bretagne, en attendant de s’exciter pour celle de l’Alsace ou de la « Catalogne-Nord »…
Cette orientation semi-trotskiste (car où est en pratique la différence avec les différentes chapelles issues de feu le NPA ?) n’est pas seulement anti-léniniste et anti-jaurésienne[4], elle est inconsciemment antisocialiste quelque sens qu’on attribue au mot socialisme. En effet, le traité de Maastricht et les traités supranationaux qui lui ont succédé depuis 1992 ont tous défini l’UE comme une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée ». Cela signifie que la « construction européenne » est grossièrement totalitaire[5] en ce sens qu’elle prohibe toute forme de socialisme, y compris le fantasme de socialisme keynésien cher aux réformistes (interdiction de la fameuse « politique de la demande » et a fortiori, du socialisme véritable tel que l’appréhende le marxisme): en réalité, cette Europe ne peut qu’être celle des contre-révolutions et des contre-réformes comme le confirme l’expérience de la lutte des classes depuis l’entrée en vigueur du Traité de Rome et du plan Charbon-Acier de Monnet-Schuman.
En fait, l’indépendance politique et syndicale du prolétariat est indissociable de la reconstruction d’un parti communiste et d’un syndicalisme rouge résolument anti-UE; elle est donc indissociable de la lutte franche, ouverte, centrale, pour le Frexit progressiste qui n’a rien à voir avec la signature à la va-vite d’un document vite relégué dans un tiroir tout en continuant de flirter avec toutes les fractions de la gauche euro-soumise, voire de rabattre sur des maîtres-artisans de la fascisation comme Darmanin. C’est pourquoi ceux qui mégotent sur le patriotisme populaire, ceux qui l’abandonnent de facto aux contrefacteurs du RN, ceux qui méprisent le drapeau tricolore que notre histoire révolutionnaire a toujours lié au drapeau rouge (en 1792 face au fusilleur d’ouvriers La Fayette, en 1871 sous la Commune de Paris, en 1936 au fronton des usines occupées, en 1940/45 dans les maquis FTP de la Résistance, en 1953 face à la « Communauté européenne de défense », cette machine à recycler la Wehrmacht), n’aident pas la classe ouvrière à s’affranchir de l’euro-réformisme. Ni du reste à s’orienter vers le socialisme puisque l’UE-OTAN-euro a été pensée à 200% comme un dispositif contre-révolutionnaire destiné à prohiber le socialisme en Europe.
3 – PALABRES « MOUVEMENTISTES » INCESSANTES OU DISCIPLINE RÉVOLUTIONNAIRE LIBREMENT CONSENTIE ?
Dis-moi quelle politique tu veux faire – une politique de subordination à l’euro-gauche institutionnelle, voire aux Confédés euro-formatées, et par leur entremise, à l’UE du Capital ou bien une ligne d’indépendance organisationnelle, stratégique et idéologique totale par rapport à l’UE et à ses appendices – et je te dirai quel genre de parti « ouvrier » tu veux reconstituer :
- soit un parti menchevique, dût-il publicitairement s’affirmer « marxiste-léniniste »[6] tout en dénigrant de ci de là la « matrice léniniste » du communisme, refusant la « verticalité » du centralisme démocratique, sanctifiant les « palabres africaines » (merci pour l’Afrique !), cultivant la cacophonie des dirigeants et, en réalité, la mainmise occulte de quelques chefs,
- soit un parti communiste démocratiquement centralisé
- où les dirigeants sont mandatés sur des textes précis discutés et votés par les instances démocratiquement élues et où les conférences nationales et les Comités centraux constituent les moments décisionnels ultimes; et où de la sorte, l’ouvrier, l’employé, l’instituteur, le paysan peuvent dire leur mot en amont des orientations stratégiques
- où les dirigeants sont révocables à tout moment par les instances élues, à commencer les secrétaires nationaux
- où tous les élus s’engagent à respecter les décisions du Parti et à lui reverser leurs émoluments
- où les « figures de proue » sont strictement tenues par les votes,
- où, en effet, le travail syndical, pour peu qu’il existe, ne part pas dans tous les sens, ne « protège » pas les états-majors fédéraux ou confédéraux, mais où tout est fait pour coordonner et unifier l’action de classe, qu’elle soit politique, syndicale ou culturelle: sinon, défaite et écrasement assurés du prolétariat !
- où de ce fait, une fois la décision prise à la majorité, tous les membres et toutes les organisations de base sans exception appliquent la même ligne de Lille à Nice et de Brest à Strasbourg si bien que la classe ouvrière « sait sur quel pied danser » et peut réellement contrôler SON parti sans laisser la bourgeoisie miser sur telle ou telle tendance ou écurie, comme elle le fait au PS, pour choisir la politique qui lui convient en organisant la politique ouvrière sur le modèle d’un MARCHÉ!
Sans de tels choix idéologiques et organisationnels de classe, il n’existe pas la moindre chance pour les travailleurs de peser politiquement si peu que ce soit face à la grande bourgeoisie centralisée disposant de l’appareil d’État : Élysée, police, armée, justice de classe, médias, l’UE verrouillant la dictature de classe à l’échelle continentale, l’OTAN muselant les peuples à l’échelle transatlantique, etc.. Disciplinée comme pas deux quand il faut défendre son coffre-fort et qu’un affrontement de classes national ou mondial se profile, cette grande bourgeoisie « blablate » à l’infini avec l’aide de la fausse gauche sur la « décentralisation » et l’« horizontalité » ; mais dans la réalité, elle prépare le « saut fédéral européen », l’armée européenne arrimée à l’OTAN, la gendarmerie européenne[7], tout cela sur fond de proscription des partis communistes européens et de fascisation galopante : et certes, lire cela n’est pas plus agréable à lire qu’il n’est agréable de l’écrire pour l’auteur de ces lignes, mais « qu’y a-t-il de plus révolutionnaire que de dire ce qui est ? » (Rosa Luxemburg) ?
Tant pis si certains, qui se veulent sincèrement communistes mais qui rêvent d’un monde de bisounours où la palabre petite-bourgeoise[8] se prolonge indéfiniment pendant que le talon de fer du Capital punit le peuple d’avoir confondu la démocratie véritable avec l’indiscipline anarchiste, si ce n’est avec l’écosystème douillet des appareils sociaux-démocrates anciens ou nouveaux…
Le pendant idéologique de cette reconstruction d’orientation bolchevique ne saurait être que la fermeté théorique sur les positions du marxisme-léninisme sans lequel la classe prolétaire ne peut qu’être le jouet de la grande bourgeoisie. En effet, comme l’avait souligné Marx dans L’Idéologie allemande, « dans toute société divisée en classes sociales opposées, les possesseurs des moyens de production matériels sont aussi les possesseurs des moyens de production spirituels », si bien que, dans toute société de ce type, « les pensées dominantes sont les pensées de la classe dominante ». Il ne suffit donc nullement à la classe dominée d’être nombreuse et « en mouvement » pour dominer à son tour si, dans sa tête (et c’est encore plus vrai à l’époque où les médias sont accaparés par les Bolloré, Drahi, Bouygues, etc.), chaque prolétaire est inconsciemment porteur des idées de son ennemi de classe (par ex. les racistes !), voire des idées de ses faux amis, les théoriciens de la petite bourgeoisie ! Et précisément, les textes souvent ardus des fondateurs du matérialisme dialectique, du matérialisme historique, de l’économie politique marxiste, de l’historiographie marxiste, ne sont nullement ces « textes imbuvables » que dénigrent, faute d’engager le moindre travail théorique novateur, les démagos qui veulent détacher les ouvriers des intellectuels révolutionnaires au lieu de travailler à faire de chaque travailleur communiste un intellectuel organique de sa classe. Or comment s’appelle un parti qui fusionne comme il se doit, et comme y ont appelé Marx, Engels et Lénine, les fondateurs des trois Internationales dont se dota successivement le prolétariat mondial, la théorie scientifique et l’ancrage dans l’action populaire, si ce n’est un parti d’avant-garde, c’est-à-dire un parti communiste ? C’est cela qui nous fait présentement le plus défaut en France, avec un grand syndicalisme rouge, pour résister et gagner à l’époque où s’amoncellent à nouveau, du Donbass à la Corée en passant par Gaza, de noires nuées portées par la crise de la mondialisation capitaliste ?
Conclusion
l y a donc une cohérence forte entre les orientations sociales, stratégiques, organisationnelles, idéologiques qui président à la création d’un parti communiste digne de ce nom. Un parti qui soit autre chose qu’une piétinante lutte de tendances au sein du PCF-PGE dénaturé[9], qu’un supplément d’âme rougeoyant à LFI, qu’une caisse de résonance politico-électorale pour syndicalistes réformistes, en un mot qu’une nouvelle nuance de mouvementisme menchevique vouée à s’éparpiller au premier durcissement des affrontements sociopolitiques. C’est en effet ce qui est arrivé en Italie au Parti de la Refondation communiste présidé par l’ex-syndicaliste populiste Bertinotti, une organisation pseudo-communiste qui, avant de s’auto-liquider piteusement à son tour, n’aura brièvement pris le relais du PCI auto-liquidé que pour enfoncer davantage le peuple italien dans le désespoir… ou dans l’actuelle dérive néo-mussolinienne. Ce n’est pas de ce coup de grâce idéologique maquillé en « nouvel élan communiste » qu’a besoin le mouvement populaire français, qui a donné des preuves éclatantes de combativité durant la bataille des retraites et qui va très vite se retrouver confronté à de vifs affrontements nationaux et internationaux. Oui, nous avons besoin d’un
Parti franchement communiste, c’est-à-dire d’un parti combinant sans complexe l’internationalisme prolétarien au patriotisme populaire le plus ardent, d’un parti démocratiquement centralisé, un parti tourné en priorité vers la classe ouvrière des usines et des autres entreprises, d’un parti fraternellement lié au syndicalisme rouge, d’un parti aspirant à la reconstitution d’une Internationale communiste et ouvrière, d’un parti promouvant un marxisme-léninisme de notre temps. C’est vital, face au capitalisme exterminateur, pour qu’un socialisme-communisme de nouvelle génération advienne à temps en France et dans le monde.
[1] Quitte pour ces rabatteurs politiques à être « cocus la nuit de noces » vu que, sitôt finies les législatives, Macron a appelé à Matignon l’eurocrate Barnier dont le premier acte politique aura été de téléphoner à Marine Le Pen pour l’insérer officiellement dans l’ « Arc républicain ». Alors le vote de second tour pour les macronistes, « barrage » à l’extrême droite ou… rampe de lancement de la conquête lepéniste de l’Élysée ?
[2] Coïncidence des temps, on joue en ce moment à Paris un opéra intitulé André Chénier et la sortie du film « Olympe » (dédié à Olympe de Gouge mais surtout tourné contre la mémoire inlassablement attaquée de Robespierre) qui criminalisent l’un et l’autre à fond la Révolution jacobine. Libre à certains, dans un tel climat contre-révolutionnaire globalisé, de flirter avec le girondinisme « décentralisateur » en Corse, en Bretagne et ailleurs – c’est-à-dire l’éclatement programmé de la France dans l’Europe fédérale des régions -, libre à d’autres de ne voir que le côté bourgeois (et non démocratique-bourgeois) de la Révolution de 1789/94 et d’enterrer du même élan la République une, laïque et indivisible ainsi que la philosophie des Lumières unilatéralement réduites à leurs étroitesses bourgeoises. Pour nous, militants du PRCF, « Elle répond toujours du nom de Robespierre, / Ma France ! », comme le chantait Jean Ferrat avec un grand sens politique et il faut prendre appui sur nos révolutions passées, comme tentèrent de le faire les Gilets jaunes en 2019 (quand ils arboraient le drapeau tricolore et rendaient à la Marseillaise son sens insurrectionnel initial), pour préparer les révolutions prolétariennes de l’avenir.
[3] Un projet politico-linguistique lancé par le baron Sellières (ex-président du MEDEF alors promu au rôle de président du syndicat patronal européen Businesseurope) en 2004. Un projet qu’a commencé de concrétiser Ursula von der Leyen, qui a institué l’anglais comme seule langue de travail des exécutifs européens. Signalons qu’à l’heure où j’écris ceci, le Québec, mais aussi la Chine, l’Inde et la Russie viennent d’édicter des mesures très fermes pour protéger leurs langues nationales respectives et proscrire l’invasion linguistique états-unienne. On mesure l’énorme retard sur ces questions politico-culturelles de la « gauche » française, y compris de nombre de ses composantes « marxistes » qui n’ont lu, bien évidemment, ni Lénine, ni Gramsci ni… Aragon (tous trois théoriciens de la centralité stratégique des batailles politico-linguistiques).
[4] Rappelons ce que Lénine anticipait déjà génialement dès 1915 : « en régime capitaliste, les États-Unis d’Europe ne peuvent être que réactionnaires ou utopiques »; ou ce que disait Jaurès juste avant 1914, à savoir que des États-Unis d’Europe capitalistes ne pourraient donner qu’un « césarisme monstrueux ».
[5] On peut bien sûr critiquer ce mot piégé, mais il n’est pas mauvais de le retourner contre les idéologues anticommunistes en faisant observer qu’ils sont en réalité le principal ennemi du pluralisme véritable à l’échelle continentale.
[6] Le marxisme-léninisme est moins une étiquette, un « identifiant glorieux », qu’il n’est d’abord un travail méthodiquement organisé sur les plans philosophique, économique, historique et culturel. Malgré l’extrême modestie de ses moyens, notamment financiers, le PRCF y contribue deux décennies, nos livres, notre journal I.C. et la revue ÉtincelleS l’attestent.
[7] Déjà en août 2024 des policiers allemands contrôlaient les Parisiens durant les J.O. et seul le PRCF a protesté publiquement par la voix de Léon Landini !
[8] Car à la différence des petit-bourgeois pseudo-démocrates, les ouvriers en lutte ont horreur des palabres et quand ils votent la grève, ça veut dire « on ne passe pas ! », gare aux jaunes qui ne respectent pas la décision majoritaire et qui aident le patron à gagner !
[9] L’abandon de la dictature du prolétariat, de l’internationalisme prolétarien et du marxisme-léninisme des statuts du PCF date de… 1979 !