initiative-communiste.fr s’est intéressée aux résultats catastrophiques obtenus par les petits Français en mathématiques et aux causes de cette régression majeure.
Cet article regroupe une série de trois articles déjà parus sur le site et publiés en intégralité dans la revue Étincelles.
Alors qu’une note de la DEPP vient de sortir et montre que la contre réforme Blanquer du Lycée a fermé les portes d’accès aux mathématiques aux jeunes filles et aux jeunes des classes populaires ou ruraux (avec un effet cumulatif des trois facteurs) initiative-communiste.fr fait le choix de vous donner accès ici à son enquête sur la destruction de l’enseignement des mathématiques sous l’égide des stratégies européennes visant à privatiser l’enseignement et à limiter les mobilités sociales tout en privilégiant l’employabilité.
Ces stratégies sont par ordre chronologique de mise en œuvre: Bologne, Lisbonne puis Europa2020
Allègre, Fillon, Chatel, Vallaud-Belkacem, Blanquer, ils ont détruit l’excellence mathématique française: la France sur la voie du sous-développement !
Les enquêtes internationales se succèdent et leurs résultats sont sans équivoque. Les élèves français qui étaient parmi les meilleurs du monde développé en 1995 sont maintenant parmi les pires, avec des résultats qui les classent au niveau des Balkans dans la dernière enquête TIMSS 2019. (Ces mauvais résultats sont constants quelles que soient les enquêtes : PISA, Cedres, TIMSS.)
En 25 ans de réformes de Fillon à Blanquer, un effondrement des élèves en mathématiques. D’après les enquêtes TIMSS
Un rapport remis en octobre 2006 par l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale nous apprend par ailleurs que :
« Ainsi l’on a pu constater, dans l’enquête PISA 2003, que les élèves de 15 ans scolarisés en France se situaient au-dessus de la moyenne en culture mathématique et en culture scientifique et à la moyenne en compréhension de l’écrit »
Si les collégiens français avaient maintenu le niveau de 1995 ils se classeraient à la septième place du classement TIMSS juste derrière la Russie.
Mais depuis 1995, de nombreuses contre-réformes de l’Éducation nationale ont été imposées, et à chacune d’entre-elles les enseignants du primaire comme du secondaire ont, dans leur majorité, dénoncé leurs conséquences néfastes.
Les écoliers français sont avant-derniers de l’OCDE dans l’enquête TIMSS 2019.
Ce n’est pas un naufrage, c’est une mise à mort de l’enseignement des mathématiques au pays de Viète, de Descartes, de D’Alembert, de Monge, de Germain de Laplace, de Fourier, de Cauchy, de Galois, de Lebesgue, de Cartan, de Choquet, de Dieudonné, de Grothendiek de Schwartz de Lafforgue, de Connes… La liste est si longue de ces mathématiciens français brillants qui ont tant apporté à l’Humanité….
Il ne s’agit pas ici de faire du nationalisme scientifique mais de saluer l’École mathématique française qui a placé la France en tête des médailles Fields (équivalent du prix Nobel pour les mathématiques) avec les États-Unis. Or il n’y a pas d’excellence de la recherche sans un système de formation robuste et démocratique.
Des CONTRE-réformes au service du marché européen de la connaissance et de la compétence ont ravagé l’école de la république et violenté les enseignants. Le niveau des élèves s’effondre.
Cette agonie douloureuse et qui va en s’accélérant n’est pas la conséquence d’erreurs de jugements, elle est la conséquence d’une stratégie politique et systémique méticuleusement mise en place depuis des décennies et dont les effets délétères éclatent maintenant au grand jour.
Depuis 2002 et le sommet européen de Lisbonne, tous les ministres de l’Éducation, qu’ils soient réactionnaires de droite ou réactionnaires de « gauche » ou les deux « en même-temps », ont mené en européistes fidèles avec un acharnement systématique un train continu de contre-réformes structurelles et pédagogiques afin d’ériger une économie de la connaissance et de la compétence. Ces contre-réformes profondément corrosives ont eu pour but :
- de s’en prendre à l’universalisme scientifique hérité des Lumières, en arasant dans les programmes les notions liées à la preuve scientifique pour les remplacer par du pragmatisme d’inspiration libérale.
- de s’en prendre à l’universalisme républicain permettant un égal accès à tous à une école de la République performante. C’est un système scolaire à plusieurs vitesses, profondément inégalitaire qui n’a eu de cesse d’être promu. Nivellement par le bas pour les enfant du Peuple, écoles d’Élite pour la progéniture de la Caste dominante.
- de briser la liberté pédagogique et de piétiner les garanties statutaires des professeurs afin d’imposer à des enseignants violentés, méprisés, et caporalisés ces réformes injustes et nuisibles.
- De détruire un système d’enseignement public efficient et gratuit pour ouvrir la voie à sa marchandisation. Rappelons que l’UE est une économie de marché ouverte sur le monde dans laquelle la concurrence et le marché sont sacrés : rien ne doit échapper au profit !
- De faire des économies dans le cadre de la politique d’euro-austérité permettant de satisfaire aux critères de convergences de Maastricht et de l’euro.
Une stratégie systémique s’appuyant sur un agenda politique de long terme.
Cette stratégie systémique s’appuie sur un agenda politique de long terme. Depuis les grandes grèves de 1968 et le voyage de De Gaulle à Baden-Baden, le choix de la désindustrialisation du Pays a été fait par des élites dirigeantes ayant définitivement peur du Peuple des usines. Dans le cadre de la désintégration de la République française dans l’espace marchand européen, l’industrie a été sacrifiée, et avec elle toutes les entreprises industrielles grosses et moyennes qui faisaient battre le cœur de l’innovation scientifique du Pays, mais aussi, et c’était inacceptable pour les Pompidou, les VGE et les Mitterrand le cœur de la lutte des classes. Ainsi, le pays qui avaient vu naître la science moderne et avec elle des industriels puissants et innovants (et réactionnaires) d’Eiffel à Citroën (premier constructeur automobile et ingénieur de talent tout comme Louis Renault !) se retirait sur la banque, le tourisme et pour seul secteur réellement productif, l’agro-industrie. L’élite intellectuelle qui se formait à l’École Normale Supérieure, l’École Polytechnique, à l’École Centrale des Arts et Manufactures, à l’École des Arts et Métiers, dans les Écoles des Mines ou des Ponts, se dirige maintenant massivement vers les Écoles de Communication ou de Commerce. Sciences-Po et HEC sont maintenant le creuset d’une élite qui vomit le Creusot autant qu’elle méprise le peuple et l’ignore… Il n’est que de voir le CV de nos gouvernants et de constater que le Bac Blanquer est dépourvu de mathématiques pour 40% des élèves, tandis que son épreuve majeure est un grand oral directement inspiré de Sciences-Po et de son directeur Pierre Mathiot. De plus, la désintégration de la République Française dans l’UE ne peut se faire qu’au prix de l’extermination des grands corps républicains qui la structurent. Une politique de terre brûlée à l’encontre des fonctionnaires d’État et des services publics nationaux a donc été menée. L’éducation nationale n’y a pas échappé, elle est le premier employeur de fonctionnaires d’État. Elle n’a pas été la seule, les agents de l’Équipement, grand corps scientifique et technique ont subi dans le même temps une quasi-extinction oblitérant toute planification effective pour faire face aux enjeux majeurs du changement climatique.
Pour ce qui concerne spécifiquement la discipline scolaire mathématique, l’élan émancipateur issu de la Libération avait permis, sous l’influence de différents scientifiques et mathématiciens progressistes, la mise en place d’un enseignement des mathématiques efficace et surtout suffisamment démocratique pour permettre à un nombre non négligeable d’enfants de la classe ouvrière d’accéder aux grandes écoles scientifiques, à l’enseignement et à la recherche. Cette atteinte à l’entre-soi des Élites gouvernantes était insupportable, elle voulait absolument y mettre fin : nuire à l’efficience de l’enseignement mathématique à la française était indispensable pour y parvenir. À la suite de différents coups portés d’abord par Jospin, puis Allègre et Lang en 2001, le très réactionnaire Fillon mit en place une école à deux vitesses via la loi portant son nom et mettant en place l’École du Socle de Compétence. Ce coup fatal sera complété par le Socle de Compétence et de Culture de Peillon, puis par la réforme du Collège de Vallaud Belkacem, chaque réforme diminuant le nombre d’heures d’enseignement des mathématiques, vidant les programmes de leur contenu et arasant les dispositifs d’aide aux élèves sous couvert de mettre l’élève au centre de son parcours. Blanquer n’avait plus qu’à finir d’achever un lycée bien abîmé par Darcos en rendant les mathématiques optionnelles en Première.
En France, l’avenir est à la spéculation no border et à la communication made in fake news. La discipline à la mode pour se distinguer de la plèbe est devenue l’enseignement du globish (Wall Street English of course !), et la maitrise du PowerPoint passeports indispensables des anywhere… Plus prosaïquement cela se paye aussi dans nos chairs : en pleine pandémie, aucune ligne de production de masques n’a pu être mise en œuvre par un industriel français sur le territoire national, tandis que la médecine et la pharmacie françaises montraient d’immenses lacunes tant scientifiques que matérielles, les plaçant de fait à la remorque du monde anglo-saxon ! Le naufrage de l’enseignement des mathématiques, c’est d’abord celui de l’émancipation intellectuelle et productive. Le choix de la spéculation et de la dissolution dans l’UE, c’est celui du boniment et de l’obscurantisme.
Les facteurs matériels et organisationnels qui ont permis l’avilissement de l’enseignement des mathématiques
Après être revenu sur les choix politiques de long terme qui sous-tendent cet effondrement, il faut néanmoins revenir sur les facteurs matériels et organisationnels qui ont permis cet avilissement d’un enseignement qui faisait l’admiration du monde entier. Ces causes sont nombreuses et ne doivent surtout pas être ignorées tant dans leur diversité que dans leur mesquinerie pour bon nombre d’entre-elles. Un management par la peur et la division. En effet, toutes ces politiques anti-éducatives n’ont pu être mises en place sans une campagne de terreur et de mépris qui a visé l’ensemble de la profession enseignante et en particulier ceux de la discipline par nature la plus réfractaire à ce basculement obscurantiste : les mathématiques, par nature. L’enseignement des mathématiques est consubstantiel de celui de la Raison et au-delà de celui de la Démocratie, il devait être attaqué. À la suite de ses ministres, des hiérarchies serviles sont comptables de cet effondrement. Ce sont elles qui ont littéralement tordu le bras de l’institution rendant de fait la tâche impossible aux enseignants de mathématiques. Dans un bel ordonnancement descendant, recteurs, directeurs académiques des services de l’éducation nationale, inspecteurs du primaire et du secondaire, personnels de direction, tous ont porté le fer contre un enseignement qui réussissait et qui avait permis la mise en place réelle de la méritocratie républicaine. À coup de menaces, d’humiliations, de sanctions, de divisions des équipes professionnelles, ils ont imposé dans les salles de classe de nouvelles pratiques qui ont conduit à remplacer l’enseignement rigoureux des mathématiques par des activités occupationnelles pseudo-ludiques et débilitantes tout en clamant que ces nouvelles pratiques réduiraient inégalités et échecs scolaires.
- L’apprentissage rigoureux du calcul et particulièrement du calcul mental a été découragé en primaire.
- L’apprentissage procédural et conceptuel a été remplacé par une approche par compétences mettant en avant une visée utilitariste et contextualisée : les compétences.
- La différenciation pédagogique a institué le renoncement à instruire tous les élèves.
- Au collège, l’enseignement de la démonstration et des procédures algébriques (calcul littéral et résolution d’équations) a été fortement réduit et réservé aux meilleurs élèves tandis qu’un enseignement simpliste et inutile du langage informatique venant en complément de l’invasion irréfléchie de l’outil informatique.
- L’évaluation honnête des élèves a été remplacée par le passage systématique de classe en classe et la réussite pour tout le monde au diplôme quel que soit le niveau réel de l’élève.
Le niveau s’est effondré y compris chez les meilleurs. Dans l’enquête TIMSS 2019, seuls 3% des élèves de CM1 sont très bons en mathématiques contre 7% en moyenne dans l’OCDE. A contrario 12% des petits Français sont en très grande difficulté contre 8% des élèves de l’OCDE. En toute logique, les résultats des collégiens de Quatrième sont du même acabit accablants. Ces résultats corroborent ceux de l’enquête Cedre 2014 qui montrait une maîtrise du calcul littéral très insuffisante en Troisième.
Ce sont ces chaînes hiérarchiques serviles qui sont responsables d’une école primaire qui envoie 40% de ses élèves au collège alors qu’ils sont, selon l’enquête officielle Cedre, incapables de suivre au collège. Ce sont eux qui ont décidé de « réformer » et changer les programmes à un rythme effréné, allant même pour Vallaud-Belkacem jusqu’à imposer sa réforme à quatre niveaux en même temps et pour Blanquer à imposer sa destruction du lycée public et du baccalauréat national qui rend l’enseignement des mathématiques optionnel à partir de la première à coup de matraques et de LBD contre la Jeunesse et de conseils de discipline pour le corps enseignant. Ils devraient être virés, ils ont tous été promus touchant des salaires à cinq voire six chiffres et des primes indécentes, tandis que les salaires enseignants touchent le fond. Il faut ici saluer les courageux enseignants qui résistent pied-à-pied pour continuer à enseigner les mathématiques avec rigueur et passion car à la suite de Socrate enseignant à l’Esclave Ménon, ils ont compris la vertu profondément émancipatrice de la rigueur mathématique et son rôle indispensable contre l’obscurantisme, quel qu’en soit l’origine et la hauteur dans la hiérarchie sociale. Cela se paye par des avancements ralentis et des mesures vexatoires. Cela se paye aussi par un isolement professionnel de plus en plus grand, car il ne faut pas cacher que les salles de professeurs possèdent aussi leur lot de manœuvriers habiles, avides d’appliquer les dernières consignes à la mode, fût-ce au détriment de leurs élèves, de leurs collègues et de leur Nation, si cela est payé de quelques compliments, de quelques primes rachitiques voire, espoir ultime, d’un petit pouvoir local. Combien « d’Avenir professeurs » en gestation ? Et puis il y a la masse immense de ceux qui ont renoncé par manque de courage ou épuisement, baissant la tête et suivant les consignes à contrecœur, tout en grommelant contre « les syndicats » et en renonçant tout autant à lutter qu’à enseigner pendant que l’État fait semblant de les reconnaître et de les payer. Des campagnes médiatiques haineuses. Afin de faire passer ces politiques de destruction, les hiérarques zélés ont pu compter sur le soutien indéfectible des éditocrates haineux qui à longueur de tribunes n’ont cessé d’accuser les enseignants – d’abord coupables d’être fonctionnaires – de tous les maux. Successivement trop nombreux, fainéants, pédophiles, harceleurs, malveillants, malcomprenants, puis décrocheurs et apeurés du COVID, ils n’eurent droit qu’à quelques fugaces et hypocrites instants de commisération lorsque Samuel Paty fut décapité en pleine rue au sortir de son collège par un fanatique religieux à qui il avait été désigné par ses propres élèves. Quelques jours auparavant il avait été soutenu comme la corde soutient le pendu par un inspecteur pédagogique régional venu pointer ses « maladresses ». Las, depuis la machine à casser du « prof » a repris son rythme de la haine et les enseignants sont devenus dans la bouche du ministre Blanquer (qui annula l’hommage au professeur républicain assassiné) des « islamo-gauchistes » et dans le porte-voix fielleux de ses éditocrates affidés des géniteurs de black blocks. La dernière insulte à la mode sur BFN-TV est devenue « fils de profs » ! Comment s’étonner dans ces conditions que l’opinion publique et donc les parents d’élèves se montrent de moins en moins solidaires et de plus en plus agressifs envers les enseignants, accroissant ainsi le climat de violence envers des professeurs désarmés et rendus incapables de faire fonctionner l’ascenseur républicain auxquels nombres de parents croient et aspirent encore ? Comment s’étonner, alors que les conditions de travail sont épouvantables à tous points de vue et que les salaires enseignants tutoient le salaire minimum, que les concours de recrutement de professeurs de mathématiques et de professeurs des écoles n’arrivent plus à recruter des étudiants compétents, nourrissant ainsi le cercle vicieux du déclassement pour la profession et du sous-développement pour le pays. Qu’est-ce qu’une puissance nucléaire et spatiale qui n’arrive plus à former et recruter 1 000 professeurs de mathématiques par an ? Car oui, il faut le dire et le redire, nous en sommes là ! Les viviers de recrutement ont été volontairement taris. Là aussi d’ailleurs il faut revenir sur les causes et les renoncements qui expliquent cet effondrement. Alors même que le gouvernement Sarkozy (actuellement multi-poursuivi) fermait à double tour les robinets de recrutement des professeurs de mathématiques: le nombre de places au concours fut diminué de plus de 60%; la formation des enseignants fut profondément abîmée avec la disparition de la formation professionnelle et le recrutement au niveau du master dans des pseudo-Masters enseignement dont le contenu disciplinaire complètement vide et l’organisation n’ont cessé de varier jusqu’à aujourd’hui, démontrant, s’il le faut, l’inanité de cette contre-réforme. Le but :
- en finir avec le recrutement par la voie du concours et du statut pour le remplacer par celui de contractuels (recrutés parfois jusqu’à Pôle Emploi comme l’a montré la récente annonce visant à recruter un enseignant d’Histoire-Géographie dans le collège de S. Paty !) ;
- dans le même temps, satisfaire des directions syndicales euro-compatibles (FSU en tête) avides de gloriole et de diplômes ronflants, et préférant surtout se payer de mots et de groupes de travail plutôt que d’organiser et soutenir la lutte pour la défense du statut de la fonction publique hérité de Thorez et des concours hérités de Monge. C’est qu’une lutte conséquente obligerait à aborder la question fâcheuse de la rupture nécessaire avec l’Union Européenne, et plus près avec la profitable Confédération Européenne des Syndicats.
- Passer sur les fonds baptismaux du système européen LMD et de ses crédits d’enseignement, tout en donnant un os à ronger aux élites universitaires qui depuis leur mise en concurrence par la loi LRU font feu de tout bois pour enfler par tous les moyens possibles (et s’en prendre au passage aux classes préparatoires aux grandes écoles dont l’efficacité n’est plus à prouver notamment pour la promotion des enfants de la classe ouvrière, tout en créant des filières sélectives de plus en plus onéreuses).
Las, le lien entre les parcours de recherche et d’enseignement a été rompu avec pour première conséquence, la baisse catastrophique du niveau réel de recrutement des enseignants de mathématiques (nombre de capésiens étaient titulaires d’une maîtrise en mathématiques pures, d’un DEA ou avaient préparé l’Agrégation). Seconde conséquence encore plus pernicieuse, la sélection par l’argent des étudiants recrutés du fait de l’augmentation du nombre d’années d’études à payer conduisant en sus à creuser le fossé sociologique entre enseignants et élèves. Troisième conséquence, une attaque sans précédent contre l’Agrégation, clef de voûte du système éducatif et garantie du haut niveau de compétence des enseignants tout comme du lien entre le second degré et l’enseignement supérieur. Au vu des conditions de travail et de salaire, il n’est pas étonnant que les meilleurs étudiants, qui sont par ailleurs de moins en moins nombreux, se détournent des carrières de l’enseignement, le phénomène étant dramatique dans le premier degré où nombre de néo-titulaires ont un niveau en mathématiques équivalent à celui du collège ! L’abandon par les milieux universitaires. Il faut alors regretter le silence assourdissant des milieux universitaires mathématiques qui, en dehors de quelques voix courageuses mais isolées, ont laissé faire, ont laissé passer et même ont soutenu ou mis en place ces contre-réformes mortifères, laissant le champ libre, ou participant aux attaques contre leur propre champ disciplinaire en échange d’un quelconque hochet vite repris. Comment accepter que l’école du socle de compétences utilitariste et réactionnaire de Fillon ait pu être mise en place, rayant du même coup tous les acquis universalistes hérités de Descartes, de Galois et de Bourbaki, sans que les milieux universitaires s’insurgent ? Comment comprendre que la mise à sac de l’enseignement des mathématiques par Vallaud-Belkacem avec une diminution équivalente à cinq semaines de cours en troisième et le remplacement de pans entiers du programme par un pseudo-enseignement informatique n’aient pas fait lever le petit doigt à nombre d’universitaires? Comme ne pas pleurer de rage quand une médaille Fields, issue du creuset républicain et nourrie de l’excellence de l’enseignement des mathématiques en France, s’est précipitée pour mettre son nom sur une contre-réforme du lycée et du baccalauréat qui ferme l’accès à l’enseignement des mathématiques à 40% des bacheliers, au premier rang desquels les jeunes filles, tout en transformant cet enseignement devenu optionnel en un tri social ignoble et insupportable tant pour les élèves que pour les professeurs ? Pourtant, alors que l’École mathématique française vit sur ses derniers acquis, la destruction de l’enseignement de la discipline dans le primaire et dans le secondaire se paye déjà de la difficulté à recruter des enseignants compétents dans la discipline. Les viviers sont taris, qui seront les médailles Fields de demain ? D’autant plus que la Recherche et l’Université sont désormais attaquées de front et se trouvent esseulées maintenant que le « mammouth » est à terre… Les jeux dangereux de parents complices et d’élèves paresseux. Enfin, il serait injuste de ne pas évoquer la démagogie et le jeu dangereux des associations de parents d’élèves et la démission de nombreux élèves eux-mêmes. Ces derniers sont certainement plus victimes que responsables. Leur jeune âge en a fait des proies faciles pour la démagogie et la manipulation. Comme l’a démontré le scandale d’État « Avenir Lycéen », si l’on achève bien les professeurs, on achète aussi très bien les élèves. Et si tous ne sont pas élevés dans la macronie et payés en restaurants étoilés ainsi qu’en matériel high tech, tous sont achetés par une surévaluation chronique les empêchant de pallier leurs lacunes et de progresser dans leurs apprentissages tandis que les diplômes ainsi obtenus sont dévalués et discrédités pour le plus grand profit du patronat. Comment expliquer que les taux de réussite au diplôme national du brevet et au baccalauréat explosent, atteignant quasiment 100%, alors même que toutes les enquêtes internationales démontrent un effondrement catastrophique ? Dans le même temps, dans une société qui, on l’a vu, se détourne des sciences et de l’industrie au profit du règne brillant des colifichets de la publicité et de la spéculation, comment les élèves de France ne cèderaient-ils pas à l’attrait du business et de l’argent facile qu’il promet ? Personne n’est dupe, ni les enseignants qui savent trop bien ce qu’ils sont contraints de faire, ni les parents trop heureux de fêter le bac du petit dernier, ni les élèves, qui sont les premiers conscients de leurs difficultés mais qui, baignés dans le monde avilissant des réseaux sociaux et d’Hanouna naviguent entre paresse, consumérisme et peur d’un avenir fait de chômage, de reculs sociaux et de catastrophes écologiques et sanitaires. Il n’empêche, il ne faut pas oublier que les mauvais résultats des élèves français mesurent d’abord une absence de travail et de de volonté. La comparaison avec les pays réussissant le mieux, dans lesquels les élèves sont particulièrement assidus, attentifs et respectueux de leurs enseignants, est ici édifiante. Il serait bien injuste que les élèves français sur qui repose l’avenir du pays ne prennent pas leur part de cette catastrophe. Beaucoup plus coupables que responsables sont les parents et leurs associations, qui en dépit de ceux encore nombreux qui luttent pour la défense de l’école publique et de l’intérêt collectif, n’ont, par facilité et démagogie, eu de cesse de marcher dans les pas des gouvernants, qu’ils soient réactionnaires sarkozistes, jospiniens ou les deux en même-temps. Pour acompte de leur trahison et de leur soutien à ces contre-réformes, les parents se sont vu accorder par l’institution le droit de se livrer à des intrusions plus en plus délétères et violentes dans les établissements scolaires, ouvrant grand la porte des établissements scolaires aux idéologies réactionnaires ainsi qu’à l’obscurantisme. Pour solde de tout compte, ils ont obtenu pour leurs enfants une fausse bienveillance basée sur la disparition hypocrites des mauvaises notes et la distribution en masse de diplômes aussi solides que le pied d’un arc-en-ciel en lieu et place de diplômes nationaux solides, fondations jusqu’à présent des conventions collectives qui garantissaient la défense des salaires de tous. Oui, on le voit, d’attaques en complicités et de complicités en renoncements, la catastrophe est arrivée avec en bout de ligne des élèves et des enseignants qui paient le prix fort et un Pays qui est en train d’hypothéquer son avenir. Oui, il n’y a pas d’alternative, il faut choisir les Lumières et non l’obscurantisme, il faut résolument défendre l’indépendance d’Esprit et la Raison. Il faut lutter pour enseigner les mathématiques et il faut enseigner les mathématiques pour lutter. Pour commencer, il faut que les véritables responsables de ce désastre rendent des comptes et que le ministre Blanquer démissionne suivi de ses affidés noyautant Direction Générale de l’enseignement scolaire et rectorats.