Prévoyez-vous le retrait éventuel de la loi suite à un tel mécontentement ?
La position de retrait est la position minimale, déjà partagée, par exemple, par l’ancien président François Hollande, dont Macron était le ministre. Les débats actuels portent plutôt sur la démission du ministre de l’Intérieur ou celle du préfet de police. Sur la plus importante chaîne de service public, donc financée par l’État, et donc assez consensuelle en général, une journaliste a osé demander au ministre pourquoi il était toujours en place malgré les différents scandales que nous avons vus. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y avait une stratégie de sécurité renforcée lorsque Macron a fait appel, il y a cinq mois, à un ami de Nicolas Sarkozy, un ancien président très à droite et très « répressif ». L’objectif était de faire appel aux électeurs d’extrême droite, mais cela a tellement révolté la population que même les milieux bien informés ont réalisé que cela allait trop loin.
À votre avis, ce projet de loi affecte-t-il vraiment la liberté d’expression ?
Oui, car la réalité sur le terrain est que deux cents journalistes ont été battus ou ont vu leur équipement détruit par la police lors des manifestations depuis le début des gilets jaunes (ce sont des chiffres rapportés par la presse). Il y a donc déjà de l’intimidation, elle ne ferait que se renforcer avec cette loi. Et des scandales comme celui-ci montrent qu’avant de voir les images circuler, ces policiers ont eu le réflexe de faire ce qui apparaîtra probablement comme une contrefaçon d’écriture publique, à savoir dire que l’homme battu s’était jeté sur leur arme de service, ce qui est complètement contredit par les images.
Qu’en est-il des policiers ? Qui les protégerait ?
Bien sûr, il y a des individus qui franchissent les limites, mais il y en a aussi beaucoup qui assurent la sécurité…
Il n’est pas nécessaire d’avoir une loi sur la diffusion des images pour lutter contre les appels à la violence contre les policiers. Cela crée un faux problème alors que des solutions juridiques existent déjà. Il faut comprendre que vous avez de véritables ligues d’extrême droite déguisées en syndicats de police qui font pression pour créer ce climat délétère. Et je ne parle pas du président lui-même qui, comme l’a montré l’affaire Benalla, a toléré l’utilisation d’une sorte de milice privée.
Les protestations deviennent plus violentes, comment le gouvernement devrait-il agir ?
Selon un sondage, 85% des Français pensent que « dans les prochains mois, la France pourrait connaître une explosion sociale », contre 72% en janvier 2020 et 66% en novembre 2018. Bien sûr, les gens ont des attitudes différentes face à cette explosion sociale, certains la voient comme un chaos, d’autres comme une promesse de justice. Mais n’oublions pas que pour les Français, le mot « révolution » est souvent positif, représentatif de leur essence nationale, à tel point que pour son livre de campagne, Macron lui-même, devenu une sorte de roi de France, avait choisi un titre séduisant. Devinez quoi ? « Révolution ».