Un an après sa disparition le 25 novembre 2016, le leader de la Révolution cubaine perdure dans la mémoire collective comme le Héros des déshérités.
Il est des hommes qui traversent les siècles et s’inscrivent dans l’éternité car ils personnifient des principes. Maximilien Robespierre, l’Incorruptible, l’Apôtre des pauvres, a dédié son existence brève et intense à lutter pour la liberté du genre humain, pour l’égalité des droits entre tous les citoyens, pour la fraternité entre tous les peuples du monde, suscitant la haine féroce des Thermidoriens et de leurs héritiers qui perdure encore à ce jour. Fidel Castro, l’autre nom de la Dignité, a pris les armes pour revendiquer le droit de son peuple et de tous les damnés de la terre à choisir leur propre destin, attisant l’aversion des forces rétrogrades à travers la planète.
Arrière-cour des Etats-Unis pendant six décennies, Cuba était constamment humiliée dans son aspiration à la souveraineté. Malgré les trois guerres d’indépendance et les sacrifices innombrables du peuple de José Martí, Héros national et père spirituel de Fidel Castro, l’île de la Caraïbe a subi le joug oppresseur du puissant Voisin, désireux d’asseoir sa domination dans la région. Occupée militairement puis transformée en république néocoloniale, Cuba a vu ses gouvernements de l’époque contraints de se plier aux injonctions de Washington. Le peuple cubain, fier et vaillant, endurait affront après affront. Ainsi, en 1920, le Président Woodrow Wilson dépêcha le général Enoch H. Crowder à La Havane suite à la crise politique et financière qui frappait le pays et ne daigna même pas en informer le Président Cubain Manuel García Menocal. Ce dernier fit part de sa surprise à son homologue étasunien. La réponse de Washington fut humiliante : « Le Président des Etats-Unis ne considère pas nécessaire d’obtenir l’autorisation préalable du Président de Cuba pour envoyer un représentant spécial ». Telle était la Cuba prérévolutionnaire.
Profondément meurtri dans son désir de liberté, le peuple cubain a accueilli le triomphe de la Révolution cubaine de Fidel Castro en 1959 comme l’aboutissement d’une longue lutte initiée en 1868, lors de la première guerre d’indépendance. Architecte de la souveraineté nationale, Fidel Castro a revendiqué, armes à la main, le droit inaliénable de son peuple à l’autodétermination. En brisant les chaînes hégémoniques imposées par Washington, Fidel Castro a fait d’une petite île de la Caraïbe une puissance morale admirée et respectée par les peuples du Sud pour sa volonté indéfectible à choisir sa propre voie. Il est également devenu le symbole de la résistance à l’oppression et l’espoir des écrasés à une vie décente, loué pour son courage constant face à l’adversité et sa fidélité aux principes.
Malgré des ressources extrêmement limitées et un état de siège implacable imposé par les États-Unis pendant plus d’un demi-siècle, Fidel Castro a fait de Cuba un modèle pour les nations du Tiers-Monde, en universalisant l’accès à l’éducation, à la santé, à la culture, aux sports et aux loisirs. Il a ainsi prouvé aux yeux du monde qu’il était possible de mettre en place un système de protection sociale performant pour l’ensemble de la population, et de placer l’être humain au centre du projet sociétal, en dépit des limites matérielles et de l’hostilité pernicieuse de Washington. Cuba est aujourd’hui une référence mondiale en ce sens et démontre qu’il est possible de placer les catégories les plus vulnérables au centre du processus libérateur.
« La Patrie, c’est l’Humanité », disait José Martí. Fidel Castro, en plus de défendre le droit de son peuple à vivre debout, a fait montre de sa vocation d’internationaliste solidaire en apportant le concours généreux de Cuba pour toutes les causes nobles de l’émancipation humaine, contribuant ainsi de façon décisive à l’indépendance de l’Afrique australe et à la lutte contre le régime ségrégationniste de l’Apartheid. L’inoubliable Nelson Mandela synthétisera cette solidarité sans failles des Cubains en une réflexion : « Quel autre pays pourrait prétendre à plus d’altruisme que celui que Cuba a appliqué dans ses relations avec l’Afrique ? » Aujourd’hui encore, Cuba est toujours assiégée par Washington, et en dépit d’une situation économique difficile, elle continue à apporter son aide en matière d’éducation, de santé et d’assistance technique, aux pays du Sud, en envoyant des dizaines de milliers de médecins, enseignants, ingénieurs et techniciens.
Fidel Castro, l’autre nom de la Dignité, restera dans l’Histoire comme le Héros des déshérités, celui qui aura défendu les droits de la plèbe à une destinée honorable, celui qui aura fait de la souveraineté de Cuba une réalité inaliénable, celui qui aura exprimé une solidarité de tous instants avec les opprimés. Honni par les puissants de son temps – tout comme Maximilien Robespierre – pour avoir osé évoquer une répartition plus équitable des richesses, l’Histoire lui rendra l’hommage que méritent les grands hommes qui se sont indignés contre les injustices et qui ont lutté sans relâche pour défendre le sort des humiliés.
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.