Les affaires se succèdent, non pas seulement celles qui éclatent concernant les Fillon, Le Pen, Cahuzac, Macron et cie dans le milieu des politiques du système capitaliste, mais également celle des rémunérations indécentes des patrons du CAC40 à l’image des scandales récurent des patrons de Renault ou Peugeot. Ou encore ces scandales concernant cette presse aux ordres. Ce qui frappe c’est l’omerta qui règne généralement sur ces affaires, car entre toutes ces belles personnes des médias de l’oligarchie, de la classe politique au service du capital, et bien sûr du patronat, on est de connivence. Robert Charvin explique dans une tribune ce qu’est cette connivence, une connivence de classe. Justifiant que la classe des travailleurs s’empare effectivement du slogan anticapitaliste repris par la campagne de Mélenchon, « qu’ils dégagent tous ».
La connivence des importants (ou les élections présidentielles en France)
par Robert Charvin
La plus grande partie de l’opinion française s’étonne des comportements de son élite politique auto-proclamée, de la dissimulation et des mensonges sur ses pratiques concernant les petits et grands profits personnels et partisans, de la variation de ses engagements d’un jour à l’autre sur la base d’un calcul de rentabilité électorale.
Rien de très nouveau pourtant si ce n’est la médiatisation renforcée de ses insuffisances, et pour certains de ses membres d’une grande médiocrité. Des jugements radicaux ont été prononcés : « tous pourris » !
La réalité est plus subtile.
La fausse aristocratie (« noblesse » d’État et oligarques), comme celle de l’Ancien Régime, se croît tout permis en toute impunité. Les « châteaux » n’étaient pas ouverts à tous, tout comme les palais de la République aujourd’hui et leurs coulisses, dans les fiefs « décentralisés » comme dans la capitale.
Le fait que ces néo-aristocrates soient en interconnexion constante, malgré leurs rivalités, et sont en mesure de contrôler la plupart des centres de décision, en bref qu’ils soient les dominants de toute la société, supprime tout scrupule et toute préoccupation réelle de la « France d’en-bas ». Leur légitimité est leur notoriété (largement préfabriquée par des médias sous influence) : ils s’estiment être les seuls qui « comptent », les « meilleurs » et donc leurs agissements, à leurs yeux, sont dans « l’ordre naturel des choses ». Le « petit » peuple est ailleurs, sur une autre planète sans intérêt ; par précaution, il faut détruire les « démagogues », c’est-à-dire ceux qui s’en réclament et qui n’auraient, selon eux, pour but que de prendre leur place si confortable !
Ces dominants n’ont pas conscience qu’ils trafiquent, qu’ils manipulent, qu’ils se servent au lieu de servir et cet aveuglement est plus fort chez les « héritiers » que chez les « nouveaux riches » !
Lorsqu’ils sont accusés, ils crient au complot, au désordre anarchique, sans doute, en toute sincérité. De Jacques Médecin, le féodal niçois qui a terminé sa carrière en prison au « pauvre » Fillon, à l’apparence si élégante, mis en cause de toutes parts, via l’aventurier politique Sarkozy et sa camarilla et tous les énarques soi-disant « socialistes », ces Importants constituent une caste imbue d’elle-même, se voulant intouchable et dotée d’un profond mépris pour les dominés sans importance que sont les simples citoyens. Ils ne les « voient » pas davantage que les milliardaires sur leur yacht ne voient leurs domestiques, y compris lorsqu’ils assistent à leurs frasques estivales dans le port de Saint-Tropez !
Leur pourrissement n’est pas le fruit de leur fonction mais de leur appartenance stable au monde des pouvoirs (financiers, politiques, médiatiques, etc.).
C’est pourquoi les appels mélenchonistes à ce qu’ils « dégagent » l’espace public sont fondés, même si l’Histoire, après leur départ, continuera !
Le drame, c’est qu’en dépit de l’exhibitionnisme indécent dont font preuve ces « Importants », nombre de citoyens persévèrent dans leur fidèle soutien ! Il est vrai que l’esclavage a duré des millénaires et que la noblesse s’est imposée durant plus de mille ans dans le royaume de France à des sujets plein d’illusions, renforcées il est vrai par une Église liée au pouvoir royal !
Le neuf est que ces fidèles serviles sont moins crédules ; néanmoins il font tout de même acte d’allégeance : certains restent accrochés aux basques du parti « républicain » qui sévit depuis des décennies, car tout vaut mieux que la « barbarie » socialiste ! D’autres se rallient au « pasteur évangéliste » Macron, qui fait du neuf avec du vieux, en jouant de la soi-disant nécessaire « union » nationale qui n’engage à rien : « tout changer pour que rien ne change » est le nouveau produit-mode de la vie politique française !
Dans ces élections présidentielles françaises de 2017, les tricheurs en col blanc ne manquent pas, qu’ils soient mouillés d’eau bénite ou athées modernistes, pourvu qu’ils protègent des revendications salariales et de la lutte des classes les privilégiés du système ! Peu importe qu’ils pratiquent tous les reniements et toutes les contorsions, pourvu qu’ils soient aptes à anesthésier la colère populaire !
Si ces complaisants citoyens les soutiennent encore, c’est qu’il s’agit avant tout de « conserver » : la petite ou moyenne propriété, les habitudes de vie (y compris la fraude fiscale), une pseudo-morale faite d’apparences et toutes les petites « libertés » privées qui n’ont rien à voir avec celles de la République !
Certains citoyens souhaitent même expérimenter un Front néo-fasciste, qui a pour « vertu » d’intégrer un vigoureux programme social (comme l’ont fait dans le passé les Mussoliniens et les nazis …. jusqu’à leur prise de pouvoir pour l’oublier ensuite!), d’être anti-arabe et de se présenter comme le champion du sécuritaire ! La nouvelle Jeanne d’Arc lepéniste doit ainsi sauver la France !
L’essentiel est que le drapeau rouge et les robespierristes du jour (Mélenchon vient de publier un livre intitulé « De la Vertu ») ne bousculent pas ce joli monde, la tentative d’utiliser la rose (fanée) du parti socialiste n’ayant pas abouti ces cinq dernières années !
Le « réalisme » (assimilé à la raison) exigerait non pas de renouveler la médiocratie hollandaise qui semble avoir fait son temps, malgré les efforts déployés dans la société française pour que Hamon (nouvelle mouture social-démocrate améliorée) l’emporte sur la gauche de gauche, mais de s’en remettre à une nouvelle force syncrétique, style « parti-démocrate » américain, pour faire durer un système qui a besoin de nouvelles béquilles !
Il faut sauver la démocratie du bavardage favorisant les banques et bloquant la CGT, couvrant les firmes, offrant quelques coucheries en échange de contrats de vente, dans ce « meilleur des mondes » qu’est l’Occident !
Qui peut nier que ces Importants soient les plus « civilisés », les mieux motorisés, les mieux vêtus, logés avec goût dans le XVI° arrondissement de Paris ou dans de charmants manoirs.
Ces cosmopolites professionnels ne font pas de politique, il font des affaires : ils n’aiment ni réprimer ni discriminer (ils ont des amis juifs, noirs ou même arabes, lorsqu’ils viennent des Émirats). Ils sont parfois généreux et financent des ONG luttant contre la faim ou pour l’environnement ! Ils sont persuadés que la misère du monde et l’injustice sont des fatalités qu’il faut seulement essayer de limiter !
Nul ne peut faire mieux. Dieu lui-même depuis des millénaires n’a pas trouvé les recettes adéquates pour résoudre les problèmes des pauvres. Le Pape François est même passé dans le camp de la subversion sociale sans convaincre ses fidèles, alors que ces Messieurs ne voient ni le mal en eux ni celui qu’ils font, preuve évidente de leur innocence !
Sur leur planète dorée, ils vivent en connivence. Entre eux, ils se pardonnent tout : l’amnistie est la règle. Lorsque l’un d’entre eux tombe sous les coups de la plèbe, ils crient au scandale, à la démesure des peines pourtant si souvent légères ! S’ils sont parfois responsables, ils ne sont jamais coupables, comme a pu le dire la justice statuant sur Madame Lagarde, directrice du FMI !
Il faut les comprendre, ces Importants : ils font beaucoup d’envieux ; ils sont menacés par l’ISF et les petits juges, sans parler des barbares asiatiques qui deviennent concurrents ! Et même par la Russie qui redresse la tête et se réinstalle dans le concert des Nations sans vouloir être un partenaire complaisant ! Certains s’interrogent déjà comme l’ont fait dans l’Histoire les bourgeoisies allemande, italienne ou espagnole : faudra-t-il un jour se « lepeniser » ?
En l’an 2017, au royaume de France, les élections sont incertaines. Les milieux d’affaires hésitent, tout comme les médias qui flottent. Heureusement, il reste le terrorisme islamiste qui rend bien des services à toutes les droites ; il reste les questions tellement floues (telle celle de l’ « identité » nationale) qu’elles ne sont pas budgétisables et autorisent tous les bavardages vides ; il reste Mélenchon (soutenu par les Communistes et les Insoumis) contre qui on peut sortir l’artillerie lourde ; il reste enfin les pressions sondagières qui tentent de faire croire que les vainqueurs du scrutin sont déjà désignés et que la vraie gauche est à coup sûr déjà battue.
Le petit peuple ne peut que jouer le tiercé Macron-Fillon-Le Pen : les autres ne doivent pas compter… Tout comme les citoyens, sauf évidemment s’ils s’éveillent et se refusent à se tirer une balle dans le pied !
Source : Investig’Action http://www.investigaction.net/la-connivence-des-importants-ou-les-elections-presidentielles-en-france