Révisionisme, négationisme, censure… au 21e siècle l’effacement de l’histoire et sa réécriture bat son plein jusque sur les plateaux des chaînes de télévision du service public. C’est qu’il est important pour le pouvoir que le peuple ignore l’histoire. Comme durant l’occupation et la collaboration, les médias des milliardaires et de leur pouvoir font tout pour censurer la résistance dans un anticommunisme virulent. France 24, la chaîne de télévision créée par le gouvernement pour porter sa voix urbi et orbi a ainsi diffusé un soi-disant documentaire sur la Résistance à Lyon qui réussit le scandale de censurer totalement la principale force armée de résistance de l’agglomération lyonnaise, les FTP MOI. D’origine étrangère, ouvriers et communistes, les résistants du bataillon Liberté sont purement et simplement effacés de ce documentaire. Scandaleux, car à Lyon et Grenoble, les détachements « Carmagnole » et « Liberté » furent parmi les tous premiers à se lancer dans la lutte armée et occupèrent jusqu’à la Libération une place déterminante dans le combat contre l’occupant. Et, au delà des FTP MOI, également avec eux, les communistes des FTPF. À l’image d’André TOURNÉ, commandant FTPF de Lyon, qui dirigea la délivrance des camarades du Fort Montluc. André TOURNÉ, dont l’agent de liaison Marie France deviendra son épouse et la mère de notre regretté camarade Claude-Emile TOURNÉ, connu sous son nom de résistance de «colonel Le Petit », mitraillé par les Américains au moment de la libération de Lyon, sa voiture portant sur le toit l’insigne FFI bien visible, se retrouva pour le reste de sa vie Grand Mutilé de guerre, avec une main en moins remplacée par une pince et, à l’autre main, seulement le pouce et l’auriculaire. Il vécut toute sa vie avec des balles logées dans son corps. Il témoigna au procès Barbie. Il fut ensuite élu et réélu député communiste des Pyrénées Orientales.
Malheureusement ce n’est pas surprenant. Immigrés, ouvriers, communistes, ces résistants doivent être effacés de l’histoire officielle réécrite par le pouvoir capitaliste. Non seulement les évoquer c’est obligatoirement rappeler l’héritage de leur lutte et leur engagement, celui du programme du Conseil National de la Résistance(CNR), Résistance à qui on doit la sécurité sociale, les statuts de la fonction publique et conventions collectives, les nationalisations et services publics construits à la libération, mais c’est également rappeler que ceux qui n’étaient pas dans la résistance mais bien dans la collaboration, c’était la classe capitaliste. Y compris l’écrasante majorité de l’appareil médiatique et de ses journalistes. Au moment où le régime Macron, sous les ordres des institutions supranationales d’une Union Européenne conduite par l’Allemagne, parachève la destruction de tous les droits sociaux et démocratiques construits par les résistants et les ministres communistes à la Libération, effacer la mémoire même des résistants communistes de la tête des Français est une entreprise qui fait partie de l’offensive idéologique contre la France des travailleurs, la souveraineté populaire et l’indépendance nationale. Un révisionnisme historique de la bourgeoisie. À Lyon, comme partout sur le territoire métropolitain, malgré l’interdiction du Parti Communiste dès 1939 par un gouvernement et un pouvoir social démocrate uni à la droite qui fit massivement le choix de la collaboration et les vagues d’arrestations qui s’en sont suivi, la Résistance en France fut principalement le fait des communistes, des syndicalistes. De la grande grève des mineurs du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais en passant par les actions de l’OS à Paris, de la manifestation des JC avec Guy Moquet le 11 novembre 1940, aux bataillons communistes de la Corrèze de Guinguoin, en passant par la guérilla urbaine menée par les FTP MOI et jusqu’à la libération de Paris, sous la conduite là encore des résistants communistes avec Rol Tanguy, c’est bien le Parti Communiste, le parti des 75 000 fusillés qui a écrit les pages les plus importantes de la résistance, de 1939 à 1945 et tout particulièrement de la résistance armée qui contribua de manière décisive à la libération du territoire national non seulement de l’occupant nazi mais ensuite de la tutelle que voulaient lui imposer les États-Unis.
Léon LANDINI, résistant toujours et président du PRCF, durant les années terribles de la Seconde Guerre mondiale a été un résistant de ces bataillons FTP MOI, combattant de Liberté, torturé par Barbie. Il dénonce dans une lettre ouverte les agissements de France 24. Gageons qu’il se trouvera des citoyens honnêtes sur cette chaîne pour refuser la censure et rétablir la vérité historique… ou au moins de donner lecture de cette lettre à l’antenne.
Bagneux le 24 décembre 2018
Monsieur le Président
Chaîne de Télévision N° 24 – France 24
5, rue des Nations Unies
92130 Issy les Moulineaux
Objet : Emission sur la Résistance à Lyon.
Monsieur le Président.
Le 23 décembre 2018 vous avez, sur votre chaîne présenté pendant plus d’une heure un film retraçant la Résistance à Lyon.
Je suis stupéfait devant l’ignorance ou plutôt la malhonnêteté du réalisateur du film, qui traitant de « La Résistance à Lyon », a présenté pendant plus d’une heure ce sujet, sans jamais avoir évoqué, ne serait-ce qu’une fois, la participation des Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) et des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’œuvre Immigrée (FTP-MOI).
La volonté de faire disparaître la participation de certaines unités de résistance armée à la libération de Lyon est scandaleuse.
Comment peut-on évoquer la Résistance à Lyon pendant plus d’une heure, sans prononcer une seule fois le nom des deux plus prestigieuses unités de Résistance Armée, qui ont œuvré dans la capitale des Gaules pendant plus de deux ans.
La volonté de faire disparaître la participation des FTPF et FTP-MOI en devient écœurante et révoltante.
De tout le film, pas un seul mot n’a été réservé à l’insurrection de Villeurbanne, qui pendant trois jours, les 23 – 24 et 25 août 1944, les FTP-MOI seuls, avec l’aide de la population villeurbannaise accomplirent des prouesses en libérant la ville et en tenant tête à l’occupant avec des moyens dérisoires.
C’est devant cette insurrection que le 24 août les nazis pris de peur après avoir vu plusieurs de leurs blindés incendiés, abandonnèrent la prison du Fort-Montluc, ce qui permit la libération de 950 internés (parmi lesquels je me trouvais) qui étaient tous destinés à une mort certaine, comme le prouve le massacre du 20 août 1944 où 120 prisonniers et prisonnières furent emmenés à Saint-Genis Laval, tous massacrés et leur corps brûlé ensuite à la grenade incendiaire.
Pas un mot non plus sur le 15 mai 1944, suite à une trahison, la quasi-totalité de l’État-Major des FTPF de la Zone Sud fut arrêtée et fusillée et pour que la vérité soit respectée il aurait été également normal de rappeler qu’à partir de ce jour-là et jusqu’à la Libération de Lyon, il ne resta dans la ville, comme seule unité en armes pour mener la vie dure à l’occupant, que les FTP-MOI du bataillon Carmagnole.
Dans un livre, Stéphane Hessel a écrit, que résidant à Lyon, il n’avait connu la Résistance Armée, que dans les derniers mois qui avaient précédé la Libération de Lyon. C’est un sacré coup de chapeau, peut être involontaire, qu’il a ainsi donné aux FTP-MOI, car je le répète c’était la seule unité armée qui désobéissant aux directives du colonel Descours, qui avait ordonné fin mars-début avril 1944 à toutes les unités en armes de quitter la ville.
Ce n’est pas la première fois que je m’élève contre la falsification (soi-disant par omission) de la vérité historique. C’est régulièrement que je vois supprimé des livres ou des films, les combats et les sacrifices consentis par les FTP-MOI.
Cela se reproduit assez souvent et je devrais y être habitué mais je n’y parviens pas, car le souvenir de 52 de mes camarades morts sous la torture sans avoir lâché un seul nom à Barbie et à ses sbires, m’empêche de rester placide.
Alors malgré mon âge (93 ans) rester silencieux lorsque des malotrus nous font disparaître de leurs documents et pire encore lorsque des résistants de la dernière heure, qui afin de parfaire leur biographie s’attribuent des opérations militaires réalisées par Carmagnole me hérissent et m’obligent à intervenir énergiquement malgré mes maigres moyens.
Je vous indique que Monsieur Claude Colin, professeur à l’Université de Grenoble, a effectué il y a quelques années déjà une étude sur la participation aux combats des différentes unités de Résistance à Lyon. Il a estimé qu’environ 80 % des opérations militaires effectuées contre l’occupant en région lyonnaise ont été accomplis par les combattants FTP-MOI du bataillon Carmagnole.
J’attire votre attention sur le fait que le bataillon Carmagnole a été officiellement homologué comme unité combattante par le Ministère des Armées à partir du premier décembre 1942 jusqu’au 3 septembre 1944. Ce qui en fait la première unité combattante homologuée dans le département du Rhône.
Mais pour que vous compreniez bien pourquoi je trouve scandaleux que l’on puisse faire un film sur la résistance à Lyon, sans qu’à aucun moment le nom de la plus prestigieuse unité de Résistance armée de cette cité ne soit prononcé une seule fois, je vais porter à votre connaissance l’ordre de bataille de notre unité, qui figure dans les archives du Ministère de la Défense.
- Morts au combat, officiellement dénombrés 97.
- Nombre d’opérations militaires homologuées par les services de l’Armée 261 (auxquels s’ajoutent tous les combats de la Libération).
- Attaques contre les usines, officiellement homologuées 46.
- Attaques directes contre les troupes d’occupation, homologuées 51 (Plusieurs centaines de morts ou de grièvement blessés).
- Déraillements et sabotages de dépôts ferroviaires homologuées 52, (Plusieurs centaines de locomotives et wagons détruits).
- Attaques contre les garages allemands officiellement homologuées 14. (Plusieurs centaines de véhicules détruits).
Si le réalisateur de votre film ne connait pas les FTP-MOI, des personnalités et pas des moindres, ont fait sur notre unité des remarques plus qu’élogieuses, reconnaissant ainsi que Carmagnole a grandement contribué à faire de Lyon la Capitale de la Résistance.
FRANÇOIS MITTERRAND, Président de la République,
a déclaré le 28 septembre 1993 à Besançon, au cours de l’inauguration d’un monument destiné à rendre hommage aux combattants « Étrangers »:
« Trop nombreux sont encore ceux qui veulent oublier ce que la France doit à des hommes et des femmes venus de partout, qui ont répliqué à une politique d’exclusion systématique en s’intégrant, parmi les premiers, aux mouvements de Résistance Française….. Mais tous on peut le dire, tous étaient animés par la volonté de combattre pour la liberté des autres ».
PIERRE VILLON, un des fondateurs du Conseil National de la Résistance.
« Les FTP-MOI, fer de lance de la Résistance armée française se sont couvert de gloire dans la lutte contre l’occupant ».
CHARLES TILLON, Commandant Militaire National de tous les FTPF et FTP-MOI.
« Carmagnole un des plus beaux fleurons, si ce n’est le plus beau fleuron de la résistance armée française ».
SERGE BARCELLINI, historien, directeur de Cabinet du Ministre des Anciens Combattants.
« Les FTP-MOI ont été le fer de lance de la Résistance armée dans nos villes ».
FRANCOIS MARCOT , Conservateur du Musée de la Résistance de Besançon
« Quelle que soit la forme de combat des « étrangers » ce qui frappe c’est son extrême intensité ….. La guérilla urbaine est sans doute l’activité des « étrangers » qui a le plus modifié le cours de la Résistance en France ».
SERGE RAVANEL, Colonel, ancien Commandant des FFI de la région de Toulouse Compagnon de la Libération.
« Nos groupes n’étaient pas les seuls. D’autres organisations s’y employaient également. Les FTP notamment et parmi eux cette formation d’élite que l’on connaissait sous le nom de MOI (Main Œuvre Immigrée) …. Nous connaissions leur présence et souvent leurs exploits. Nous reconnaissions parfois leur signature à la façon dont ils effectuaient leurs actions.
RALP SCHOR, historien
« Morts sous la torture, fusillés ou décapités, les « étrangers » payèrent un lourd tribut ».
J’espère et souhaite qu’après ces quelques explications, lorsque vous présenterez à nouveau un film traitant de la Résistance vous serez plus attentifs à ce que vous allez montrer à vos téléspectateurs.
- Président de l’Amicale des Anciens FTP-MOI des bataillons Carmagnole et Liberté.
- Officier FTP-MOI.
- Officier de la Légion d’Honneur.
- Médaille de la Résistance
- Interné de la Résistance
- Grand mutilé de guerre, suite aux tortures endurées au cours de mon internement au Fort Montluc.