Par G. Gastaud/ G. Pellet/M. Varnier
Association CO.U.R.R.I.E.L.
Voici la tribune de l’association de défense de la langue française, signée à ce titre par Georges Gastaud ( qui est également secrétaire national du PRCF), qui a été publié par le journal le Nouvel Observateur le 9 février dernier. Après l’hebdomadaire Marianne, c’est un autre magasine qui en publiant cette tribune donne la parole à ceux qui défendent ce service public qu’est notre langue.
LE PLUS. Vous parlez « d’e-mail » et non de « courriel » ? Êtes un adepte du « franglais » ? Vous n’êtes pas le seul, et c’est bien là le problème, estiment Georges Gastaud, Gaston Pellet et Matthieu Varnier, membres de CO.U.R.R.I.E.L., association de défense de la langue française. Selon eux, le français est en train de devenir une langue secondaire. Explications.
Édité par Hélène Decommer
« Happy birthday », « ok »… le français se meurt. Engageons une résistance linguistique
rriel »A chaque fois qu’affleure, d’une manière ou d’une autre, la question de la langue, cela signifie qu’une série d’autres problèmes est en train de s’imposer […] » Antonio Gramsci
Le livre d’A. Borer « De quel amour blessée » a donné lieu dans « L’Obs » à un débat sur la langue française. Le point de vue de J. Drillon, intéressant, revient à déplorer l’utilisation abusive du franglais. C’est l’aspect le plus visible de la question, celui qui choque parce qu’il saute aux yeux au quotidien : commerces, médias, publicité, chanson, voire services publics violant sans vergogne la loi Toubon…
Le phénomène a pourtant des origines plus inquiétantes que le snobisme propres à certains milieux. Le Plan Marshall lui a jadis ouvert les portes, il prépare maintenant le terrain du Grand Marché Transatlantique en gestation, où la langue unique sera de rigueur sous l’égide des transnationales.
C’est désormais de substitution qu’il s’agit
Nous n’en sommes plus au franglais raillé naguère par Etiemble, ni à la surdose des emprunts lexicaux à l’anglais : c’est désormais de substitution qu’il s’agit alors que toute la recherche bascule à l’anglais et que de plus en plus de Grandes Écoles et d’Universités privilégient l’enseignement en anglais sous les quasi-encouragements de la ministre Fioraso.
Au-delà de l’ »air du temps », il faut mettre en cause le capitalisme euromondialisé et ses relais hexagonaux : ceux que Michel Serres appelle les « collabos de la pub et du fric » osent en effet présenter le basculement au toutglobish et la relégation largement engagée du français, comme une « ouverture à la modernité » : comme l’est, sans nul doute, la substitution de l’ultralibéralisme du XIXe siècle aux acquis durement conquis en 1936 ou en 1945 ?
Ce ne sont pas là des fantasmes, hélas : déjà en 2006 l’Union des industries de la Communauté européenne (UNICE, aujourd’hui Businesseurope), promouvait à son de trompes cette politique de substitution et d’arrachage linguistiques en déclarant, par la bouche de son nouveau président d’alors – le Baron Seillière, que l’anglais serait désormais « la langue des affaires et de l’entreprise » dans toute l’U.E. Quant au président de l’Allemagne fédérale, n’a-t-il pas osé conseiller aux citoyens européens de basculer au toutanglais dans l’usage public, pour réserver les langues nationales, ces patois « poétiques », à l’usage domestique ?
Chacun peut réagir individuellement
Si l’on ne veut pas que le français devienne une langue secondaire en France, si l’on veut préserver les promesses d’une Francophonie rénovée et fraternelle, il faut engager la résistance linguistique en la liant aux autres résistances civiques et sociales.
A défaut d’engagement des Confédérations syndicales et des partis politiques en vue, la résistance peut être personnelle. Comme le suggère J. Drillon, « la vraie modernité est celle des prises de conscience ».
Chacun peut d’abord réagir individuellement en suscitant, par son attitude linguistiquement rebelle, la résistance collective qui monte, notamment dans certains syndicats CGT, CFTC, CGC…
Dire haut et fort « courriel » au lieu d’ »imeïlle » (ce qui écorche, non seulement le lexique, mais la phonétique de notre langue), cesser de dire à tout propos « yèèèès ! » ou « OK » (voire, ridiculement, « OK d’accord ! »), souhaiter « bon anniversaire » en chanson et non « happy birthday to you !« , c’est oser parler à contre-courant, c’est offrir à l’auditeur un point d’appui culturel et idéologique, c’est susciter la discussion, ce refuge de l’esprit républicain, et briser le consensus mortifère qui infiltre aujourd’hui nos cerveaux, nos coeurs et… nos cordes vocales !
L’oligarchie transatlantique sacrifie notre langue
Curieusement, les mêmes qui s’enthousiasment pour la Charte européenne des langues au nom de la diversité et de l’égalité entre les parlers, acceptent que les langues de l’immigration de travail ne soient presque pas enseignées à l’école. Quant à Marion Maréchal-Le Pen (on a les Jeanne d’Arc qu’on peut au FN !), elle guerroie contre les cours rarissimes donnés en arabe aux enfants de primo-arrivants, mais elle n’a pas un mot pour condamner la relégation du français dans un nombre croissant de grandes entreprises, tant son nationalisme de classe est l’inverse du patriotisme républicain.
En conclusion, l’oligarchie transatlantique sacrifie cyniquement une langue (cf « Monde Diplomatique », déc. 2010, G. Pellet : « Les élites sacrifient la langue française« ) dont elle rougit car cette langue porte la trace inexpiable d’une histoire populaire qu’elles abhorrent : celle de 1789, de la Commune de Paris ou de Mai 68.
Alors, défendre cette langue désormais « maudite » est un enjeu central pour celles et ceux qui veulent opposer à la mortifère « Union transatlantique » du Medef l’idéal toujours vif de la République sociale et du Printemps des peuples.
A lire sur le site du Nouvel observateur : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1319387-happy-birthday-ok-le-francais-se-meurt-defendons-le.html