Voici une note du blog Le Yéti sur Rue89 publié le 4 mai 2014. Elle est tout à fait édifiante
Herman Van Rompuy est le président du Conseil européen. Et il n’a pas sa langue dans sa poche. Quitte à donner du grain à moudre aux abstentionnistes déclarés pour les prochaines européennes. Logique qu’ils s’abstiennent, déclare en substance Van Rompuy dans une interview au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, tout se décide ailleurs qu’au Parlement de Strasbourg.
Oh, Van Rompuy consent à admettre, à demi-mot et surtout à plein contrecœur, que le traité de Lisbonne a donné un petit surcroît de pouvoir au Parlement. Mais à peine. Et les citoyens, électeurs ou non, le savent bien :
« La différence entre le Parlement et ceux qui décident vraiment est très claire pour les citoyens. »
Mais alors, Monsieur Van Rompuy, qui « décide vraiment » ? Réponse sans ambage du président du Conseil européen au Süddeutsche Zeitung : le Conseil européen.
Trop de préoccupations nationales pour les européennes
Question à deux balles… pardon, à deux euros : qui, parmi les prochains électeurs du 25 mai, sait vraiment ce qu’est le très puissant Conseil européen, l’étendue de ses attributions, ou même le nom de son président ?
Eh bien, c’est cet organisme très démocratiquement opaque qui va entre autres choisir réellement le prochain président de la Commission européenne. Et le Parlement n’aura qu’à s’exécuter en validant gentiment ce choix.
C’est en tout cas l’avis éclairé de notre Van Rompuy, très peu chaud à l’idée que ce président soit obligatoirement issu du groupe sorti vainqueur des prochaines européennes, surtout si par malheur et « boycott citoyen », il advenait que cette majorité tombe entre les pattes d’eurosceptiques forcenés. Van Rompuy, nez pincé :
« Le résultat [des élections européennes, ndlr] dépend de beaucoup d’autres facteurs, de sensibilités nationales qui n’ont rien à voir avec l’Europe ou avec les meilleurs candidats. »
Entre le Parlement et la puissance des lobbies, y a pas photo
Mais alors, les consignes du traité de Lisbonne sur les pouvoirs accrus du Parlement ? Herman Van Rompuy s’en fait une idée bien particulière :
« Le traité de Lisbonne prévoit de négocier avant [les élections européennes, ndlr]. Le Conseil européen nommera donc quelqu’un qui ira parler et se confronter avec le Parlement. »
Suffisance cynique ou pure bêtise, la conclusion de Van Rompuy vaut son pesant d’euro surévalué :
« L’Europe est différente. Vous avez 28 grandes villes. Certaines sont plus importantes que d’autres. Et vous avez les institutions européennes. Nous dépendons des marchés financiers. »
Bref, pour notre président du Conseil européen, entre le Parlement-prétexte de Strasbourg et la puissance de ces lobbies que Van Rompuy, de son propre aveu, voit en permanence rôder « dans les espaces de [vraie] décision », y a pas photo.
Paraît que le journaliste du très microcosmique Süddeutsche Zeitung, qui attendait de son interlocuteur des propos autrement motivants pour décider la masse des électeurs récalcitrants, n’en est pas revenu.