C‘est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès le 15 mai 2017 de notre cher et regretté camarade, communiste allemand, Kurt Gossweiler. Né le 5 novembre 1917 à deux jours des « 10 jours qui ébranlèrent le monde », le coeur de Kurt Gossweiler a cessé de battre et son grand esprit d’analyse matérialiste dialectique, qui a formé de nombreux jeunes communistes, a cessé de fonctionné. C’est une perte immense pour le communisme allemand et international
Kurt Gossweiler, né avec la révolution d’octobre à Stuttgart, est mort le 15 mai 2017 à Berlin. Né dans une famille communiste, il fut un très actif militant clandestin de la Jeunesse communiste dès l’arrivée des hitlériens au pouvoir, assurant notamment le transfert de propagande interdite de Paris et Berlin. Enrôlé dans la Wehrmacht en 1939, il déserta en 1943 pour rejoindre l’armée rouge. Prisonnier de guerre en URSS, membre du comité « Allemagne libre » fondé par les dirigeants soviétiques pour tenter d’arracher au nazisme les soldats allemands prisonniers, il commença là sa carrière de pédagogue et d’historien. Revenu en 1947 en (future) RDA, il s’y consacra à l’enseignement, à la recherche et à la réflexion théorique sur le capitalisme monopoliste allemand, surtout à l’ère hitlérienne, mais pas seulement. Son habilitation de 1971, éditée en 2013 (Cologne, Papyrossa), portait sur la période antérieure : Großbanken, Industriemonopole, Staat. Ökonomie und Politik des staatsmonopolistischen Kapitalismus in Deutschland [Grandes banques, monopoles industriels, État. Économie et politique du capitalisme monopoliste d’ État en Allemagne] 1914-1932.
Du travail important, tant sur l’histoire de l’impérialisme allemand que sur le rôle de l’« antistalinisme » comme « obstacle principal à l’unité de toutes les forces antiimpérialistes et du mouvement communiste », de cet éternel jeune communiste, qui se mit à l’échange électronique à près de 90 ans, n’est disponible actuellement en français qu’un ouvrage, Hitler, l’irrésistible ascension ? Essais sur le fascisme, Bruxelles, Aden, 2006. Cette étude, qui éclaire la fonction d’instrument du grand capital du nazisme et de ses chefs, atteste la vitalité d’un marxisme prétendument mort. Malgré le triomphe actuel de la longue et efficace croisade menée chez nous contre les analyses de classe, c’est du côté des Gossweiler que se trouve l’avenir de l’histoire scientifique.
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7