« INTERACTIVE, vraiment, la « matinale » de France-Inter ? ».
Ou : pourquoi « je ne remercie pas France Inter de ne pas avoir pris ma question ! »…
Difficile d’intervenir sur l’émission « interactive » de France-Inter* quand on est, au choix, un défenseur de la francophonie opposé au tout-anglais (sujet quasi-tabou à l’antenne), un adversaire de gauche de l’UE, un auditeur indigné par le fait que chaque matin M. Guetta diffuse unilatéralement sa « géopolitique » atlantiste, russophobe, et ses appels à la guerre en Syrie. Que dire de D. Seux – du journal patronal Les Échos – qui dispose sur le service public payé par tous les Français d’une chronique quotidienne pour attaquer les acquis sociaux et encenser les « recettes » du MEDEF !
Au demeurant, quelle réalité cette « interactivité » radiophonique présente-t-elle quand la parole n’est jamais rendue à l’auditeur critique pour lui permettre de répondre à l’ « invité ». Ou que, pis, l’intervenant mal-pensant se fait méthodiquement « moucher » par toute la rédaction, Guetta en tête, quand il conteste les orientations euro-atlantiques et social-libérales de cette radio faussement progressiste. Faut-il que Mme Le Pen soit aveuglée par ses préjugés d’extrême droite pour qualifier de « Radio-Bolcho » cette radio anticommuniste, anti-soviétique et anti-castriste!.
C’est pourquoi nous publions les commentaires d’ ACRIMED à propos de la matinale pseudo-démocratique de France-Inter.
Terminons par une interpellation politico-linguistique : pourquoi le CSA, censé appliquer la loi Toubon sur les médias, ferme-t-il les yeux quand il s’agit de l’émission « Boomerang », volontiers truffée d’anglicismes, ou contre Pascale Clark, qui intitule systématiquement en anglais (« Come on ! » et maintenant « Alive ! ») ses émissions où l’insolence gratuite tient lieu d’esprit critique ?
Quant aux critiques de J.-L. Mélenchon, elles sont mille fois justifiées tant est grande l’agressivité journalistique à son encontre quand il passe, bien rarement pourtant, sur France-Inter !
Prenons-nous à rêver d’une matinale réellement informative et démocratique où les journalistes laisseraient s’exprimer les auditeurs de différents courants (et non, principalement, les bobos qui commencent par « remercier France-Inter pour la qualité de ses émissions »…), où ils les laisseraient dialoguer avec l’homme politique invité et où ils permettraient à ce dernier d’aller au bout de son argumentation quand celle-ci est un peu dérangeante !
*… presque aussi duraille que d’être publié dans le courrier des lecteurs de Télérama, autre monument de la bien-pensance faussement de « gauche » ou de la fausse gauche….
La direction d’Inter le promettait : la radio saurait « entendre le pays », voire « proposer une photographie du monde ».
On a écouté, donc, curieux.
Finalement, les classes populaires sont exclues de la photo.
La Maison ronde tourne en rond, n’entendant du « pays » que les ministres, les patrons, et surtout les artistes.
Et avec ce constat, accablant, la directrice Laurence Bloch est presque d’accord…
Une arrogante réplique de Patrick Cohen à Jean-Luc Mélenchon… et ce qu’elle révèle
par Julien Salingue, le 17 novembre 2014
Lors de la soirée de soutien à « Là-bas si j’y suis » (résumée en vidéo ici), organisée le 31 octobre 2014 à la Maison des Métallos à Paris, Jean-Luc Mélenchon s’est laissé aller à quelques « confidences » (face caméra) à propos des matinales radiophoniques. Et le moins que l’on puisse dire est que l’ex-candidat à la présidentielle n’a pas été tendre au sujet des interviews – et des interviewers – du matin, ciblant notamment la matinale de France Inter. Quelques jours plus tard, comme l’a relevé le site la-bas.org, l’animateur de cette matinale, Patrick Cohen, a (pitoyablement) répliqué à Jean-Luc Mélenchon.
Un festival de critiques (sensées) de Mélenchon
Voici quelques extraits des critiques de Jean-Luc Mélenchon (vidéo intégrale en fin d’article) :
« Alors on nous raconte des histoires, on nous dit « oui mais France Inter c’est le service public, c’est différent ». Oui c’est différent parce que non seulement ils sont d’accord avec les autres mais en plus ils sont arrogants, parce qu’ils voudraient qu’on avale le potage sous prétexte qu’ils sont censés être de gauche ».
Jean-Luc Mélenchon critique également, entre autres, le principe des « questions des auditeurs » :
« On a droit à un festival de soi-disant questions des auditeurs, qui sont toujours les mêmes. Moi j’ai droit aux questions des auditeurs, toujours les mêmes. Pourquoi je suis un tyran dans mon parti ? Sinon, pourquoi je soutiens Chavez ? ».
Et de s’en prendre à l’orientation politique des matinales :
« Donc ce n’est pas des matinales. C’est le début de la grand’ messe du libéralisme qui commence avec les émissions du matin. Et alors on nous dit « allez une petite cuiller pour tonton Sarkozy, une petite cuiller pour tata Merkel, une petite cuiller… » et on commence à absorber le catéchisme, mais même pas avec des nuances, quelque chose qui rendrait ça supportable ».
Avant de dénoncer les modalités mêmes des interviews :
« J’y vais parce que mes camarades me disent « il faut y aller parce que ça fait longtemps que tu y as pas été » mais moi j’ai aucun plaisir à y aller, j’ai aucune émulation intellectuelle, je sais que je vais dans un traquenard, qu’on va me poser des questions pourries, des trucs dégueulasses, et qu’il va falloir que je me réveille à temps pour pouvoir renvoyer les saletés qu’on va me jeter à la figure. […] Les matinales c’est une expérience extrêmement douloureuse, parce qu’il faut se lever tôt, il faut vite regarder ses fiches à nouveau pour se les rappeler, et se rappeler ce qui s’est passé le matin donc vous regardez sur votre truc [tablette] ce qui s’est produit le matin, vite il faut avoir… il faut pas se tromper, si je me trompe moi par exemple je dis « y’avait 27.502 chômeurs » aussitôt « ahaha non 704, il s’est trompé il sous-estime le problème ! ». C’est des chiens, c’est une horde qui se jette sur vous pour vous dévorer ».
Et de conclure, en nuançant quelque peu son propos, mais en ciblant directement Patrick Cohen de France Inter :
« Ce n’est pas tous les mêmes hein. Bon par exemple aller discuter avec Achilli c’est quand même d’un niveau plus élevé que d’aller discuter avec Cohen. C’est moins la propagande quoi. Ça dépend des gens. Bon y’a des gens c’est plaisant, d’autres c’est très désagréable, et je n’hésite pas à leur dire. Je les déteste comme eux ils me détestent ».
La pitoyable « réponse » de Patrick Cohen
Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon sont évidemment – sur la forme et sur le fond – discutables. Mais le moins que l’on puisse dire est qu’il pose un certain nombre de questions sensées, que ses critiques mériteraient donc qu’on s’y attarde et que les journalistes et animateurs des émissions radiophoniques incriminées y répondent.
Or, à notre connaissance, seul Patrick Cohen a relevé les propos de Jean-Luc Mélenchon, non pour leur répondre, mais pour les tourner en dérision, aux dépens (et en l’absence) de leur auteur. Ainsi, une version mutilée de ces critiques (initialement destinées à quelques centaines, voire à quelques milliers d’internautes) a fait l’objet, le 10 novembre, d’une courte chronique adressée à des centaines de milliers d’auditeurs par un tenancier de l’antenne de France Inter…
Reprenons :
« Un cauchemar. Autant alerter les futurs invités de ce 7/9 : ils vont vivre un calvaire. Un supplice dont témoigne Jean-Luc Mélenchon qui a très mal vécu son dernier passage dans la matinale de France Inter début octobre ».
Prendre quelques mots au pied de la lettre permet à Patrick Cohen, satiriste remplaçant, de dépolitiser toute mise en question. Les extraits qu’il a soigneusement choisis font office de censure de toutes les critiques de fond, se concentrant principalement sur les propos portant sur les auditeurs et leurs « questions ». Oubliées, les critiques sur les biais idéologiques. Oubliées, les critiques sur l’absence de singularité de France Inter, radio de service public qui mime les radios privées. Oubliées, les nuances de Jean-Luc Mélenchon et ses attaques contre Patrick Cohen lui-même.
Ce dernier confirme en réalité les propos de l’ex-candidat à la présidentielle, notamment lorsqu’il dénonce l’arrogance supposée des journalistes de France Inter. En digne successeur de Stéphane Paoli et de Nicolas Demorand, comme on peut s’en souvenir en suivant la note [1], il se comporte lui aussi en propriétaire de l’antenne, doublé d’un arrogant polémiste qui tente de ridiculiser Mélenchon et de rire à ses dépens. De rire et de faire rire ses auditeurs, avec parmi eux, présente dans le studio, Léa Salamé qui excelle dans son rôle de bon public.
Voilà qui en dit long sur la haute estime que l’animateur a de lui-même. Un maître de cérémonie sans contradicteur. Un arbitre des élégances dont la majesté, souvenons-nous-en, l’autorise à établir des listes noires de personnalités « ininvitables ». Son méprisable mépris face à des mises en cause qui mériteraient pourtant discussion confirme la tendance de nombre d’éditorialistes et d’animateurs vedettes à se considérer comme des intouchables, alors qu’ils ont eux-mêmes un avis sur tout et sur tout le monde et qu’ils aiment à le faire savoir. En somme, des bénéficiaires d’une exception journalistique, qui interdirait de remettre en question certaines méthodes et certains procédés. Leur pouvoir de nuisance ne doit pas rester sans réplique.
Julien Salingue (avec Henri Maler)
Annexe : l’intégralité des propos de Jean-Luc Mélenchon
Notes
[1] En 2003, déjà « Stéphane Paoli, co-propriétaire de France Inter ». Variante en 2008 : « Nicolas Demorand sur France Inter : « la parole est à moi ! » ».