Jack Ralite est décédé le week-end dernier. Parlementaire, maire et ministre, il avait 89 ans.
Après le comité central d’Argenteuil (1966), où, partant de problèmes très réels, l’orientation droitière alors portée par Garaudy et Aragon avait marqué de sérieux points, le PCF refusa de s’ingérer plus avant dans les choix esthétiques jusqu’alors effectués sur la base d’une conception plus ou moins bien comprise du « réalisme socialiste ». Le PCF d’après Argenteuil multiplia toutefois les compromis avec les figures institutionnelles de la culture en place, ce qui était encore, fut-ce inconsciemment, une forme d’ingérence tendant à valoriser les formes dominantes de la culture. Encore puissantes, les municipalités communistes restaient cependant à l’avant-garde de l’accueil d’artistes novateurs, en particulier dans le domaine du théâtre où l’influence de Jean Vilar, et plus largement, de l’apport brechtien, restaient heureusement prédominantes. Les pratiques populaires se séparaient pourtant de la vie artistique, à l’inverse de ce qu’avait expérimenté la Révolution d’Octobr qui fit confluer les avant-gardes politiques et culturelles du mouvement progressiste. Ce phénomène fut alors malheureusement méconnu. Jack Ralite était alors Maire-adjoint à Aubervilliers puis député. Il manifesta l’exigence d’un investissement culturel public accru. Avec succès, il mobilisa en faveur de l’”exception culturelle” française.
Le P.C.F. se voulait “parti de gouvernement”. Il chargea Ralite de cultiver les rapports avec les artistes professionnels.
Son accord avec les orientations eurocommunistes de l’époque était total, et l’on peut voir a posteriori combien il est contradictoire de cultiver l’exception française sur le plan culturel tout en adhérant à une « construction » européenne dont le principe même heurte de front l’existence même d’une République française souveraine et sociale.
Ralite devint ministre des premiers gouvernements Mauroy puis maire d’Aubervilliers. Bien que, globalement, cette caution apportée par le PCF au gouvernement social-démocrate (atlantiste, antisoviétique, européiste, anticommuniste…) de Mitterrand (81/84), d’emblée dénoncée comme telle par les militants communistes qui fondèrent ultérieurement le PRCF, se soit avérée désastreuse, il faut reconnaître que la passion, le talent personnel et le travail propre de Ralite au ministère de la Santé fut généralement bien accueilli par les personnels hospitaliers.
La gestion locale de Ralite évolua hélas vers des pratiques d’accompagnement de la crise et, sur le plan constant, Ralite fut aux avant-postes de la mutation, voire de la « refondation » antiléniniste du parti, donc chacun mesure aujourd’hui les effets calamiteux pour le communisme français et pour la classe ouvrière. Ralite prit ses distances avec la base militante. Par souci de maîtriser l’équipe municipale, il entreprit d’y mettre les communistes en minorité. Une opposition locale: « convergence démocratique » se constitua alors. Des militants communistes l’animaient. Parmi eux, Patricia Latour et Jean-Jacques Karman publièrent l’ouvrage « Il y a quelque chose à faire ». Ce livre parut en 1995. Il stigmatisa une certaine dérive des municipalités P.C.F démunies de toute boussole.
Conséquence logique de ces dérives droitières, c’est en 2007, qu’un socialiste fut élu dans la circonscription qui avait été celle de Jack Ralite. Celui-ci déclara alors » « Perdre ce siège est une douleur mais, le principal, c’est qu’il reste à gauche. « , ce qui mesure bien l’effet sur l’ancrage communiste de certains élus d’une idéalisation de l’union de la gauche sous dominance socialiste. Son évolution politique diffère donc radicalement de celle des militants franchement communistes. Mais il sut insuffler du panache à toute une époque et, sans disculper en quoi que ce soit les « ministres communistes » de Mitterrand (tous critiquèrent le PCF sur des bases droitières et seul Ralite y resta!), on ne saurait pour autant exonérer de sa responsabilité, principale, la direction du PCF d’alors.
Olivier Rubens, responsable de la commission culture et société d’Etincelles.