Les prochaines élections présidentielles se déroulent dans un contexte inédit!
Depuis des dizaines d’années l’enjeu se résume à la répétition lancinante d’échéances électorales où il faut choisir entre le candidat du Parti Socialiste, le candidat de droite ou d’extrême-droite. La finalité demeure toujours la même, à savoir: qui va le mieux mettre en oeuvre le programme du Capital? Cette impasse a engendré chez les travailleurs une perte de confiance, une lassitude, un découragement. La main du capital s’est faite plus lourde au point qu’on peut parler de régression sociale sans précèdent, de recul de civilisation.
Ce partage des rôles entre « les élites au pouvoir de droite comme de gauche » a fonctionné jusqu’à présent dans une “consanguinité de classe”.
Elle est aujourd’hui en question. Ce qui était vécu comme un horizon, un mur indépassable, mondialisation oblige, a commencé à se lézarder! La conscience se fraye son chemin, une conviction largement partagée est que “ça ne marche plus”, le système est à bout de souffle, il est en crise profonde.
Une chose est certaine, la fuite en avant de celui-ci à laquelle on assiste va entrainer toujours plus d’injustices sociales, plus de richesses accumulées dans les mains de quelques uns, plus de violences et de guerres. On peut tordre les faits comme l’on veut, les interpréter, une réalité concrète et incontestable s’impose à tous, il suffit de voir les conséquences de la faillite de l’Union Européenne, ou l’extrême tension internationale pour s’en convaincre.
Nous vivons la fin d’une époque, il est urgent d’en tenir compte. Comme disait Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent des monstres ».
J’ai la faiblesse de penser que comme on l’a vu ailleurs, les peuples consciemment ou confusément ou parfois les deux, on envie de dire : « Assez » !
Ne faut-il pas déjà réapprendre à dire Non, avant de dire Oui à autre chose.
Pour ma part, ce qui change radicalement à travers ces élections présidentielles et de manière imprévue c’est que le peuple prend conscience que les choses sont liées et que leur condition de vie et de travail en dépend. On parle de nouveau de classes sociales, de mode de production, de propriété, de justice sociale, de partage des richesses, d’environnement comme notre richesse commune, de paix, de sortie de l’OTAN, d’une critique radicale de la finalité même de l’Union Européenne, d’égalité, de fraternité, de liberté. Dans ces circonstances, peut grandir l’idée de rupture avec l’ordre des choses existant, avec la crise capitaliste, avec la cause des inégalités en France, en Europe et dans le Monde! C’est un changement qualitatif qu’on ne saurait sous-estimer!
Certes ce n’est pas une révolution, mais c’est déjà plus qu’une rébellion contre les idées reçues ! Cette évolution même si elle est modeste est réelle, palpable, visible !On ne supporte plus les diktats d’en haut, les décisions prises à votre place, l’idée même de souveraineté populaire, d’indépendance, de libre choix , bafouée ou considérée comme obsolète. On veut dire son mot, ce choix peut devenir une force matérielle si l’on s’en empare, c’est de cela qu’il s’agit aussi avec cette élection présidentielle.
Le printemps de la colère en 2016 n’avait-il pas déjà donné un avant-goût des choses, révélé un mouvement beaucoup plus profond qu’il n’y paraissait. La combativité, l’enthousiasme que l’on retrouve dans les meetings de Jean-Luc Mélenchon ne sont-ils pas le prolongement de ce que nous avons connu voici un an. L’espoir serait-il de retour ?
Si comme je le pense c’est le cas, alors il faut le soutenir, faire en sorte qu’un plus grand nombre se réapproprie la politique. Il faut les encourager à aller au fond des choses. Cela doit se faire en toute lucidité, les yeux grands ouverts.
Il faut bien admettre que ces exigences rencontrent les positions, les arguments, les discours tenus et défendus par Jean-Luc Mélenchon.
Alors devrait-on faire « la fine bouche » comme le suggèrent certains ? Ne devons-nous pas plutôt faire le choix d’encourager le mouvement populaire, nourrir sa combativité et sa réflexion, cultiver chez lui l’idée qu’il est la force qui peut tout quand il est rassemblé, qu’il veut se faire entendre et prendre ses affaires en main. Il faut pour cela se saisir de cette opportunité, « l’histoire ne repasse pas les plats deux fois » !
On me répondra sans doute : « d’accord, mais peut mieux faire, ou encore ça ne fait pas le compte ». Voyons les choses en face telles qu’elles sont non pas comme on se les imagine.
Depuis des dizaines d’années, la « gauche » dont la direction du PCF a fait l’impasse sur la critique des causes de la crise du système capitaliste, sur la signification des luttes de classes, en d’autre termes sur le contenu à donner à une stratégie anti-capitaliste et anti-impérialiste. Comment s’étonner qu’il y ait un prix à payer aux abdications et aux renoncements, au recul de l’esprit critique, à la perte des repères de classe. La nature à horreur du vide. Il est d’ailleurs étonnant d’observer que les mêmes qui trouvent que Jean-Luc Mélenchon ne va pas assez loin exigent qu’il s’efface derrière le candidat du Parti Socialiste.
Au fond il est réconfortant de voir que les choses bougent, les jeunes s’impliquer en plus grand nombre, les gens reprendre espoir. C’est sans doute pour cela qu’aux yeux de nombreux commentateurs ce « désordre »est inquiétant. Ils considèrent qu’on ne saurait déranger le bon ordonnancement des choses.
Il est vrai qu’on n’avait pas vu un tel climat depuis longtemps ! C’est sans doute pourquoi réapparaît “le spectre”, son couteau entre les dents. Ainsi on nous annonce pèle-mêle un tsunami économique, financier et social, la révolution voire même la guerre civile et jusqu’à l’adhésion de la France à l’ALBA, cette créature subversive d’Hugo Chavez et Fidel Castro en Amérique Latine. Certains annoncent leur intention de quitter la France si Jean-Luc Mélenchon est élu. La peur, « la trouille » est chez certains chevillée au corps. Ça ne s’arrêtera pas là !
Tout cela confirme bien que la lutte des classes n’est pas une vue de l’esprit, que la contradiction capital/travail doit d’une manière ou d’une autre être résolue. C’est pourquoi on ne se plaindra pas qu’en parle un candidat : Jean-Luc Mélenchon. Il ne fait pas qu’en parler, il propose ce qui, avouons-le est un peu plus qu’un début. On ne s’en contentera pas, certes et alors ! Pourquoi cela devrait-il être un problème et conduire à un soutien a dose homéopathique ?
Une chose est sûre: ne pas s’engager dans la clarté serait jugé sévèrement par le peuple, les travailleurs tout particulièrement, qui eux attendent autre chose que des « jérémiades ». Comme dans les grands mouvements sociaux il faut faire confiance à la clairvoyance de ceux qui agissent. Il est donc important que la candidature de Jean-Luc Mélenchon puisse incarner, même avec toutes ses limites, une alternative. Car c’est de cela qu’il s’agit !
Comme il le propose, je pense qu’annuler la loi El Khomri, combattre « l’ubérisation », relancer l’emploi et la consommation populaire, défendre et valoriser la production française, en finir radicalement avec la dette, quitter l’OTAN, mettre un terme à la monarchie présidentielle, mettre les choses à plat sur l’Europe, agir pour la paix c’est aller dans la bonne direction. C’est le moyen de redonner du sens aux valeurs de l’action collective qu’un grand peuple comme le nôtre a construit par ses révolutions, ses mouvements sociaux, ses résistances, ses combats internationalistes pour la souveraineté et l’indépendance nationales.
Il faut donc encourager le mouvement populaire à faire ce pas en avant. Ce n’est qu’un début mais ce sera le meilleur moyen pour lui de continuer à engranger des progrès tangibles en s’appuyant sur ses nouveaux points d’appui afin de poursuivre le combat transformateur et émancipateur.
Il faudra inventer de nouvelles formes de pouvoir politique, d’autogestion, de contrôle ouvrier. Il ne peut y avoir de processus de transformation sans une vaste expérimentation sociale et politique, aussi bien avant le changement qu’après.
Voilà pourquoi et au-delà du résultat il va s’agir de construire et multiplier les réseaux, les contre-pouvoirs face aux institutions supranationales, politiques, économiques et financières, aux puissance hégémoniques, pour imposer les rapports de force dont le mouvement populaire, les travailleurs ont besoin.
Voilà les raisons pourquoi après une longue réflexion et en réfutant toute idée d’homme providentiel, ou de délégation de pouvoir, je voterai pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
Nous vivons une période inédite de la lutte de classes, nationale et internationale, toute la question, maintenant, est de savoir si nous serons capables de nous hisser à la hauteur de ce qu’elle exige.
Jean-Pierre Page