Le PRCF n’est pas « keynésien » mais marxiste. Il n’empêche qu’il est intéressant pour les visiteurs de notre site de lire la virulente critique que Paul Krugman, Nobel d’économie, vient de faire de la politique économique du sieur Hollande. Qu’au moins les ténors de la prétendue « gauche » du PS, les Hamon, Lienemann, Montebourg, Guedj, etc. aient la pudeur de ne pas continuer à feindre que le gouvernement qu’ils cautionnent et servent (la soupe est bonne, au moins ?) est, ne serait-ce que partiellement, « keynésien », voire « rooseveltien ».
Un scandale Français – P Krugman
Voici-i après la traduction par les soins de la RTBF (audiovisuel public belge!) de cette tribune parue dans le le New York Time sous le titre « Un scandale français »
Je n’ai pas prêté beaucoup d’attention à François Hollande, le président français, puisque clairement, il n’allait pas vraiment se démarquer de l’orthodoxie politique d’austérité destructrice européenne. Mais aujourd’hui, il a fait quelque chose de réellement scandaleux. Bien entendu, je ne parle pas de sa prétendue liaison avec une actrice, ce qui, même si c’est vrai, n’est à la fois ni surprenant (eh oui, on est en France) ni dérangeant. Non, ce qui est choquant c’est sa façon d’accueillir favorablement les doctrines de droite qui ont été discréditées. Cela nous rappelle que tous les maux actuels de l’économie européenne ne peuvent être attribués entièrement aux mauvaises idées de la droite. Oui, des conservateurs impitoyables et butés ont mené l’économie, mais ils ont été en mesure de le faire grâce à des politiques de la gauche modérée manquant de cran et de volonté. Aujourd’hui, l’Europe semble émerger de sa récession à deux vitesses et la croissance se relancer un petit peu. Mais ce léger frémissement fait suite à des années de performances désastreuses. A quel point ? Voyons : en 1936, sept années depuis le début de la Grande Dépression, la plupart des pays européens connaissait une croissance rapide, avec un PIB réel par habitant qui avançait vers de nouveaux records. En comparaison, le PIB réel par habitant aujourd’hui est toujours en dessous de son pic de 2007 – et, au mieux, il avance lentement. Faire pire que lors de la Grande Dépression est, on pourrait le penser, un formidable accomplissement. Comment les européens ont-ils réussi ? Eh bien dans les années 1930, la plupart des pays européens ont finalement abandonné l’orthodoxie économique : ils sont sortis de l’étalon or ; ils ont cessé d’équilibrer leurs budgets ; et certains pays ont lancé d’importantes dépenses militaires qui eurent l’effet secondaire de provoquer une relance économique. Il en résulta une forte relance à partir de 1933. L’Europe moderne est un endroit bien meilleur, que ce soit sur un plan moral, politique ou humain. Un engagement partagé envers la démocratie a amené une paix durable ; les filets de sécurité sociale ont limité les souffrances dues aux fort taux de chômage ; des actions menées conjointement ont permis de contenir la menace d’un effondrement financier. Malheureusement, le succès du Vieux Continent à éviter le désastre a eu l’effet secondaire de laisser les gouvernements conserver les mesures habituelles. Personne n’a quitté l’euro, même si c’est une camisole de force monétaire. Sans le besoin de donner un coup de fouet aux dépenses militaires, personne n’a rompu avec l’austérité fiscale. Tout le monde fait ce qui est censé être sûr et responsable – et la crise persiste. Dans ce paysage déprimé et déprimant, la France ne s’en sort pas forcément si mal. Bien entendu, elle reste derrière l’Allemagne, qui a été gardée à flots grâce à son secteur d’exportation incroyable. Mais les performances françaises sont meilleures que la plupart des nations européennes. Et je ne parle pas seulement des nations frappées par la dette. La croissance française a dépassé celle de certains des piliers de l’orthodoxie, que sont la Finlande et les Pays-Bas. Il est vrai que les derniers chiffres montrent que la France peine à prendre part au frémissement général de l’Europe. La plupart des observateurs, et notamment le Fonds Monétaire International, attribuent cette faiblesse récente en grande partie aux mesures d’austérité. Mais aujourd’hui, Hollande a parlé de ses projets pour changer le destin de la France – et il est difficile de ne pas être désespéré. Car Hollande annonce son intention de réduire les impôts des entreprises tout en coupant (sans précisions) les dépenses pour compenser ce coût, déclarant « il nous faut agir sur l’offre« , et encore un peu plus loin, déclarant que « c’est l’offre qui crée la demande« . Oh punaise. Voilà qui fait écho, presque mot pour mot, à cette théorie fallacieuse aujourd’hui abandonnée connue sous le nom de la Loi de Say – l’affirmation selon laquelle une demande trop faible ne peut se produire parce que les gens doivent bien dépenser leur argent dans quelque chose. Cela n’est simplement pas vrai, et ça l’est encore moins, dans les faits, au début de 2014. Toutes les preuves attestent du fait que la France déborde de ressources productives, à la fois en main-d’œuvre et en capital, qui restent assises à ne rien faire parce que la demande est inadaptée. Pour s’en convaincre, un seul regard à l’inflation suffit, puisqu’elle baisse rapidement. En effet, la France et l’Europe toute entière se rapprochent dangereusement d’une déflation à la japonaise. Que veut donc dire le fait qu’Hollande ait choisi particulièrement ce moment-là pour adopter cette doctrine qui a perdu de sa crédibilité ? Comme je l’ai dit, c’est le signe de l’échec du centre gauche français. Pendant quatre ans, l’Europe a été sous la coupe de la fièvre de l’austérité, avec des résultats largement désastreux ; il est révélateur que le léger rebond actuel soit annoncé comme si c’était un triomphe politique. Etant donnée la dureté infligée par ces mesures, l’on se serait attendu à ce que les politiques de centre gauche réclament avec acharnement un changement de cap. Pourtant, partout en Europe le centre gauche a, au mieux (comme en Grande Bretagne par exemple) fait de faibles critiques, à demi-mots, et le plus souvent s’est contenté de grincer des dents et de se soumettre. Lorsque Hollande a pris la tête de la seconde économie de la zone euro, certains d’entre nous avons espéré qu’il pourrait faire une différence. Au lieu de ça, il est tombé dans le grincement de dents habituel – une posture qui se transforme aujourd’hui en effondrement intellectuel. Et la seconde dépression de l’Europe continue, encore et encore. Paul Krugman
Voici également un commentaire de cette tribune publié sur le site du journal le Parisien
Paul Krugman fait partie de ceux qui ont découvert que François Hollande était social-libéral. Et pour le prix Nobel d’économie 2008, cela a apparemment été une très mauvaise surprise ! Sa tribune, intitulée «Scandal in France» publiée par le «New York Times», et traduite en français par la RTBF, se révèle être une charge contre la politique menée par le président de la République et contre ce qu’il appelle le «centre gauche» en général. Je n’avais pas prêté beaucoup d’attention à François Hollande (…) depuis qu’il était devenu clair qu’il n’allait pas aller à l’encontre des politiques d’austérité destructives menées en Europe, commence par écrire l’économiste américain. Mais là, il a clairement fait quelque chose de vraiment scandaleux.» «Je ne parle pas, bien sûr, de sa prétendue liaison avec une actrice qui, même si elle est vraie, n’est ni surprenante (hé, c’est la France) ni dérangeante, poursuit Krugman. Non, ce qui est choquant, c’est son affection pour des doctrines économiques de droite discréditées.»
Une attaque en règle du pacte de responsabilité
L’économiste fustige ainsi les annonces faites par le président français lors de sa conférence de presse de mardi. Hollande s’est prononcé pour «la poursuite de l’allègement du coût du travail». Avec son «pacte de responsabilité», il a notamment annoncé la fin des cotisations familiales sur les entreprises (35 milliards d’euros) d’ici 2017. Des annonces applaudies par le patronat et par une partie de la droite. Pas par Krugman. «En annonçant son intention de réduire les charges sur les entreprises tout en taillant dans les dépenses, il a déclaré qu’il faut agir sur l’offre et a poursuivi en disant que c’est l’offre qui crée la demande», précise Krugman. Or, selon l’économiste, cette loi énoncée par l’un de ses ancêtres, le Français Jean-Baptiste Say (1767-1832), réputé pour ses théories libérales, est une hérésie.
Il dénonce la poursuite des politiques d’austérité
En clair, ce néokeynésien (école de pensée adversaire du libéralisme) estime qu’il faut agir sur la demande et en finir avec les politiques d’austérité qui plombent la croissance. C’est en tout cas ce que l’économiste attendait du Hollande président de gauche… «Cela rappelle que les malheurs économiques de l’Europe ne peuvent être attribués qu’aux seules mauvaises idées de la droite, remarque l’Américain. Oui, des conservateurs impitoyables et butés ont mené l’économie, mais ils ont été en mesure de le faire grâce à des politiques de la gauche modérée manquant de cran et de volonté.» Une attaque en règle qu’il conclut avec une pointe de déception. «Lorsque Hollande a pris la tête de la seconde économie de la zone euro, certains d’entre nous avons espéré qu’il pourrait faire une différence. Au lieu de ça, il est tombé dans le grincement de dents habituel – une posture qui se transforme aujourd’hui en effondrement intellectuel. Et la seconde dépression de l’Europe continue, encore et encore.»
Ce néokeynésien nous donne comme modèle l’Europe des années 1933 !
C’est très rassurant en effet!!