Un mot d’abord sur la question des famines dans un pays immense comme la Russie (puis URSS), mais on pourrait dire la même chose de la Chine : nourrir une population nombreuse sur un territoire aussi étendu a toujours constitué un casse-tête pour des pays longtemps confrontés, avant leur développement industriel, aux famines dites « d’ancien type », bien analysés par Pierre Vilar (au passage, professeur de Mme Lacroix-Riz). Rappelons – c’est après tout l’essentiel -, que pour ces deux pays, c’est sous le régime du socialisme réel que le spectre de la famine a été définitivement repoussé et leur indépendance nationale affirmée. La dernière famine en URSS remonte à l’hiver 45-46, et est due bien sûr aux ravages de la guerre, ce qui d’ailleurs montre combien les USA n’ont apporté une aide à l’URSS qu’au compte-goute, de manière à lui garantir les moyens de vaincre l’armée nazie mais d’en sortir très affaiblie (et encore après Stalingrad, ce que nous confirme le livre de Roberts, Les Guerres de Staline, préfacé par Mme Lacroix-Riz).
Quoi qu’il en soit, quelque décisif que fût l’apport des communistes à la disparition définitive des famines, il nous faut toujours tenir compte du fait que dans la propagande anti-communiste – et c’est une loi presque aussi importante que celle de la chute des corps – : toutes les famines dans les pays communistes sont de la faute des communistes, toutes les autres sont dues aux aléas climatiques.
La thèse dite de la famine génocidaire en Ukraine, d’abord forgée par les nazis, comme Douglas Tottle l’a bien montré, n’a été reprise que récemment, à l’époque de Reagan, par un « historien » ancien membre du MI-6, Robert Conquest, décédé d’ailleurs l’année dernière, dans son livre Harvest of Sorrow. Et ce, au mépris de toute rigueur historique, les travaux de Mark Tauger, spécialiste – non communiste, faut-il le préciser – des famines en URSS et en Chine (disponibles en anglais sur internet et en cours de traduction en France) ayant montré 1) que les problèmes de ravitaillement à l’époque touchaient toutes les grandes villes d’URSS 2) que la collectivisation avait été précisément une réponse aux aléas climatiques et non un facteur aggravant. Les récentes réfutations par Grover Furr de l’ouvrage de propagande de Timothy Snyder montrent également que la thèse de Conquest prend l’eau, malgré le soutien officiel qu’elle trouve auprès des agences de propagandes étasuniennes et, surtout, de leurs supplétifs néo-nazis en Ukraine et ailleurs.
Dans cette conférence, plus précisément, Annie Lacroix-Riz reviendra sur l’émergence de la propagande en Occident à propos de la famine de 1933 et ses suite.
Qu’il soit permis par ailleurs de rendre hommage au courage intellectuel de Mme Lacroix-Riz dans cette polémique où il n’y avait pour elle rien à gagner mais tout à perdre, fors l’honneur, l’honneur des communistes qu’il faut parfois défendre à leur place, beaucoup d’entre eux ayant démissionné, prêts à s’incliner devant toute nouvelle provocation des pires éléments impérialistes, ce front étasuno-islamisto-nazi qui sème la terreur dans le monde actuellement.
Le jeudi 14 Janvier à 17h00 – CONFÉRENCE de :
Annie Lacroix-Riz Professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
La campagne internationale sur « La famine en Ukraine », de 1933 à nos jours
Amphithéâtre Roussy aux Cordeliers : 15 rue de l’École de Médecine, 75006 Métro Odéon
Une conférence organisée par Cercle Universitaire d’Études Marxistes (CUEM) en collaboration avec les éditions Delga
Parmi les ouvrages récents d’Annie Lacroix-Riz, notons :
- chez Armand Colin : Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), nouvelle édition augmentée, 2010; De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3e République, 1938-1940, 2008; Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, nouvelle édition augmentée, 2010; Industriels et banquiers français sous l’Occupation, nouvelle édition entièrement refondue, 2013
- chez Delga-Le Temps des cerises : L’histoire contemporaine toujours sous influence, 2012 ; Aux origines du carcan européen, 1900-1960. La France sous influence allemande et américaine, Paris, 2015 Au Temps des cerises : Impérialismes dominants, réformisme et scissions syndicales, 1939-1949, Montreuil, Le Temps des cerises, 2015