Par Hamdan Al Damiri
Depuis une semaine se déroule devant nos yeux, une guerre destructive menée par l’Arabie saoudite et ses alliés, une guerre contre un pays voisin qui est le Yémen, un pays pauvre et important sur le plan géopolitique, une guerre qui vise à détruire ses infrastructures et surtout son armée, la plupart de ces alliés sont loin de Yémen, quel est leur intérêt d’envoyer leurs avions de chasse bombardant le territoire d’un pays dont ils ne sont pas en guerre? Qu’est qu’elle cherche réellement l’Arabie saoudite par sa guerre contre son voisin du sud ?
Ces lignes tentent de répondre à ces deux questions principales, mais avant, je souhaite marquer mon dégout de rôle mensonger joué par la plupart des médias, une nouvelle fois, l’opinion publique est victime d’une manipulation médiatique mensongère, plusieurs points font partie de cette manipulation, il s’agit sans être complet:
1) Les Houthis au Yémen sont-ils chiites et quelle est la vérité historique sur ce point ?
Les Houthis sont partisans de Zaid Ibn Ali, considéré comme cinquième imam chez les musulmans chiites, ,c’est pourquoi depuis des siècles sont appelés les Zaydites , une partie des enseignements religieux dans lesquels s’inscrivent leurs convictions, se trouvent en partie chez les Sunnites, les Zaydites par exemple ne partagent pas avec les chiites majoritaire ( Duodécimaines) le grand principe de retour de douzième Imam disparu vers 873 (Al-Mahdi), leur approche sur les 3 premières Califes qui ont dirigés la communauté musulmane après la mort de prophète Mohammed est différente de celle des chiites musulmans majoritaire, ils ne croient plus au besoin de la présence d’une autorité religieuse chiite pour tous les chiites dans le monde, pour eux dans chaque pays, on peut choisir un Imam pour la communauté, d’autres points peuvent être également avancés pour conclure que les Zaydites, ne sont pas tout à fais des chiites même s’ils partagent avec eux la croyance de l’importance de place accordée à la famille d’Ali ( quatrième Calife et cousin de prophète ).
Le nom Houthis (Zaydites) est très récent dans l’histoire du Yémen, c’est en 2001 que ce nom est utilisé par les médias, il s’agit de désigner les partisans de Hussein Badreddin AL-Hoithi, d’autre part les Zaydites ont gouverné le Yémen à partir de 898, c’est avec l’arrivée des militaires en 1962 et la création de la république arabe du Yémen, que le pouvoir de l’Imamat des Zaydites a connu sa fin.
2) les Houthis sont-ils hostiles au régime saoudien et aux monarchies du Golfe parce qu’ils sont alliés de l’Iran ?
Dans les années 60, l’Egypte de Nasser a envoyé ses troupes au Yémen pour donner un coup de main aux insurgés républicains qui voulaient abattre le régime de l’Imamat dirigé depuis des siècles par les Zaydites, il s’agit d’un système tribale féodal et rétrograde, ce sont les Zaydites (aujourd’hui les Houthis) qui ont combattu les troupes de Nasser avec l’aide militaire saoudienne, ils étaient le principale allié de la monarchie saoudienne contre le nationaliste arabe Nasser.
Oui, pour la monarchie saoudienne, les amis et alliés d’hier sont les ennemies d’aujourd’hui, les Houthis quant à eux, ils n’ont pas changés depuis les années 60 leur croyances religieuses, les intérêts et alliances saoudiens ne sont plus les mêmes, c’est bien ça qui change dans les rapports entre les deux parties.
Qu’est qu’ils cherchent les Houthis ? Deux choses, avoir un allié régional et avoir leur place dans un nouveau système politique yéménite, il faut reconnaitre que depuis les années 60, les Zaydites (Houthis) et leurs régions sont complètement ignorés et marginalisés par le pouvoir central à Sanaa.
L’Iran est le seul pays qui leur apporte son soutien pour des raisons sans doute géopolitiques, l’Iran comme une puissance régionale importante et montante, cherche à s’assurer la présence d’acteurs régionaux à sa coté et pas contre lui, c’est une approche politique et pragmatique de sa part.
3) Le président Mansour Hadi est le seul qui représente la légitimité au Yémen ?
Revenant sur les événements de contestation contre le régime de Président Ali Saleh de 2011 à 2013, l’objectif de cette révolte très populaire dans laquelle les Houthis étaient très mobilisés, est de renverser le régime sur place depuis 1978, néanmoins l’Arabie saoudite sous la bannière de conseil de coopération du Golfe (CCG) est intervenue , elle a proposé une initiative qui remplace la tête du régime(Ali Saleh) par l’installation à la tête de l’Etat du vice-président (Mansour Hadi), la durée de son mandat était fixée pour 2 ans et pendant lesquelles, un dialogue inter-yéménite dirigé par lui doit préparer et mettre en place un autre régime politique dont les bases doivent être acceptées par les différents partis dont Ansarollah (Parti politique des Houthis), l’objectif saoudien en mettant en avant cette initiative politique est double, d’un côté éviter l’arrivée au Yémen suite à la révolte populaire d’un régime politique hostile à la politique régionale de la monarchie saoudienne, et de l’autre côté maintenir ce pays sur le plan géopolitique dans le jardin arrière de l’Arabie saoudite, un peu comme le cas de certains pays de l’Amérique latine dans leurs liens avec les U.S.A pendant longtemps.
Depuis deux ans, les partis Yéménites sont en dialogue sur les bases de l’initiative saoudienne sans arriver à un accord ; sur place les saoudiens ont mené une politique renforçant leurs alliés comme le président Hadi, le parti de réforme (Section des frères musulmans au Yémen) et une partie de tribus yéménites, cette politique de soutien logistique (armes et financements) visait l’affaiblissement des Houthis et d’autres mouvements comme le parti de l’ex-président Ali Saleh, cette situation inacceptable pour les Houthis les a poussé vers la décision de prendre le pouvoir par les armes, ils sont arrivé à contrôler la capital Sanaa, cette prise de pouvoir partielle ne concernait pas l’ensemble de territoire Yéménite, la partie du sud de pays était resté en dehors de leur control, ils ont projeté de continuer leur avancement territoriale, depuis les combats n’ont pas cessé avec leurs opposants soutenus par l’Arabie saoudite, l’intervention saoudienne et leur alliés cherchent, à renverser la réalité sur le terrain qui est favorable militairement aux Houthis et à leur principal allié à savoir l’ex-président déchu Ali Saleh, celui-ci contrôle encore l’essentiel des unités de l’armée Yéménites, il s’agit de créer une nouvelle réalité qui ramène le Yémen sous le contrôle total de la monarchie saoudienne.
Les alliés de l’Arabie saoudite dans la tempête décisive (nom donné à l’agression saoudienne) sont tous sans exception des alliés hypocrites opportunistes, leurs intérêts sont financiers ou géopolitiques, pour certains l’aide financière saoudienne explique leur adhésion, d’autres l’objectif d’une nouvelle alliance régionale large se trouve derrière leur présence à cette alliance, ces pays sont la Jordanie, l’Egypte, les Emirats arabes, le Qatar, le Bahreïn, la Turquie, le Pakistan, le Soudan, le Maroc et les différents mouvements de frères musulmans et derrière lesquels se trouvent évidement les Etats Unis qui ont affiché leur soutien logistique aux bombardements.
La guerre au Yémen cache la confortation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ces deux pays où chacun se trouve dans une alliance régionale différente, tentent de renforcer leur influence au Yémen dont la place géographique contrôlant le détroit de Bab AL-Mandeb est très importante, un passage obligé vers le canal de Suez, par cette donnée géographique, le Yémen peut menacer le passage d’une partie importante du commerce mondial dont 40% de l’exportation pétrolière des pays de Golfe.
L’offensive saoudienne a permis de mettre en place une alliance composée par des acteurs dont certains ont été en désaccord sur certains dossiers régionaux comme celui de la Syrie et de l’Irak, l’exemple de la présence de Soudan, de la Turquie et de Qatar qui représentent un grand soutien aux groupes islamistes , ces pays ne partageaient pas avec l’Arabie saoudite et l’Egypte la même approche vis avis des mouvements islamistes des frères musulmans, le soutien apporté à cette offensive par les mouvements des frères musulmans comme le Hamas en Palestine, Al-Nahda en Tunisie et surtout le parti de réforme au Yémen( frère musulman), montre la possibilité d’une autre recomposition régionale et internationale, elle est chère aux américaines, il s’agit de recomposer les forces en place dans cette région du monde dans une nouvelle alliance plus large, les américains cherchent une recomposition dans laquelle les mouvements des frères musulmans ont leur place, et pourquoi pas être de nouveau dans le pouvoir dans certains pays, les Etats unis ne sont pas hostiles à l’arrivée des mouvements islamistes dites modérés comme les frères musulmans au pouvoir, les américains ont déjà montré cette position lors de l’expérience tunisienne et égyptienne. L’échec de leur stratégie en Syrie visant le renversement de régime du président Assad, le régime syrien n’est pas battu malgré tous les soutiens apportés par des pays de la région et de puissances internationales comme les Etats unis aux groupes armés des insurgés, la défaite amorcée en Irak de l’Etat islamique(Daêch ), les amènent à revoir de nouveau leur plan, ils ont besoin d’une grande alliance comme celle qui entoure la politique saoudienne au Yémen ,de leur point de vue, elle est plus prometteuse pour faire face à l’autre axe regroupant l’Iran, la Syrie, l’Irak officiel, Hezbollah au Liban et certains organisations palestiniennes.
La guerre au Yémen par la force de la géographie est une guerre géopolitique, son peuple a toujours su résister aux envahisseurs, c’est une réalité de son histoire, la force de pétrodollar des monarchies du golfe ne suffit pas à la modifier, l’hésitation saoudienne de lancer une agression terrestre, prouve les craintes saoudiennes de se retrouver dans une nouvelle braisière régionale, ces craintes sont renforcées par l’absence de candidats prêts à porter leur secours terrestre.