La Dr Marie Nassif Debs est une figure dirigeante du mouvement communiste au Liban. Dans une tribune qu’elle a fait parvenir depuis Beyrouth à Initiative Communiste elle explique les enjeux de l’agression conduite par Israël et l’impérialisme américain contre le Liban ainsi que les plans développés à l’encontre de Gaza et de la Palestine. Un point de vu libanais utile à la réflexion, alors que suite aux attaques de l’armée israélienne jusqu’au coeur des capitales du Liban et de l’Iran, la conflagration d’une guerre internationale est un risque imminent.
La guerre génocidaire que le régime israélien mène contre le peuple de Gaza depuis neuf mois va-t-elle se poursuivre, et pour combien de temps ? Les destructions et les dévastations causées par l’agression sioniste en Cisjordanie et au sud du Liban, et récemment au Yémen, vont-elles cesser, ainsi que le massacre délibéré de dizaines de milliers de civils, surtout après les positions claires prises par la Cour internationale de justice ? La conscience des régimes de la planche à billets sera-t-elle amenée à se rétracter et à rompre leurs relations avec le régime de Tel Aviv qui aspire la richesse des Arabes « de l’océan au Golfe » ? De nombreuses questions nous taraudent l’esprit. Alors que les peuples du monde continuent de se mobiliser contre le crime organisé commis par Netanyahou et sa clique, sans se soucier de la répression et des arrestations, un silence de mort enveloppe nos peuples, […]
Quelle est la réalité aujourd’hui et où va-t-elle ?
Si nous partons du discours de Netanyahou devant le Congrès américain, qui a reçu des dizaines de fois les applaudissements de ses membres, nous concluons que le plan d’extermination dans la bande de Gaza ne s’arrêtera pas ; au contraire, le massacre des civils et la privation d’eau, de nourriture et de médicaments continueront jusqu’à ce que le contrôle « total » de l’occupation sur le territoire et la population soit achevé. Netanyahu a insisté sur la nécessité de lui fournir rapidement des armes et du matériel pour accomplir son crime, qu’il a appelé « la lutte entre la civilisation et la barbarie » et qui, selon lui, constituerait une victoire pour les « forces de la civilisation » dirigées par les États-Unis… Bien sûr, nous n’oublions pas son attaque féroce contre les manifestations étudiantes, qu’il a qualifiées de suspectes et d’antisémites, ainsi que son ignorance des propositions du président américain Joe Biden en ne mentionnant pas l’accord de libération des « otages » et en contournant la question d’un État palestinien…
Nous attirons l’attention sur ces rubriques fondamentales de la position du régime de Tel Aviv, en particulier l’objectif d’un contrôle sécuritaire total sur la bande de Gaza, car elles exposent le plan en cours de préparation pour le soi-disant « Jour d’après » dans la bande de Gaza et le projet de s’emparer du territoire libanais occupé et de remplacer les frontières terrestres internationalement reconnues par la « Ligne bleue » tracée par l’ennemi après son agression en 2006, y compris 13 points frontaliers dont elle cherche à s’emparer avec le soutien de l’administration américaine, représentée par son représentant Amos Hochstein, qui a joué un rôle majeur dans la conquête par les colonialistes israéliens de 1240 kilomètres carrés des eaux territoriales libanaises.
Quel est le plan israélo-américain pour le soi-disant « jour d’après » ?
Selon le « Washington Post » et le site américain « Axios », ainsi que certains sites de médias sionistes, une réunion secrète s’est tenue le 18 juillet à Abu Dhabi. L’objectif de la réunion était de discuter du plan « Le jour d’après » de Netanyahou, c’est-à-dire après la fin de la guerre sioniste contre Gaza (1).
Ce plan comprend trois volets sionistes-émiratis-palestiniens.
- Premièrement, les Émirats arabes unis acceptent de financer la reconstruction de la bande de Gaza et d’envoyer une force militaire pour « maintenir la paix » dans la bande, en plus de travailler à imposer la normalisation à ses citoyens en changeant ses systèmes éducatifs.
- Deuxièmement, il implique que les forces d’occupation assument la supervision complète de la sécurité sur la bande de Gaza, comme c’est le cas en Cisjordanie occupée.
- Troisièmement, il comprend un aperçu préliminaire de l’autorité qui gouvernera la bande de Gaza après l’élimination des mouvements de résistance.
Il est dit que la délégation de Tel Aviv a également apporté à la réunion le refus de Netanyahu de mettre fin à la guerre génocidaire à l’heure actuelle, et son rejet catégorique de la solution à deux États… Selon le Washington Post, la réunion était un examen préliminaire de la manière de gérer les questions politiques « Le jour d’après », sous prétexte de la nécessité d’une « Autorité palestinienne réformée » pour aider à mettre en œuvre ce qui est requis… (2)
Il convient de noter ici que le groupe qui dirige aujourd’hui le régime de Tel Aviv tente, que ce soit dans le calendrier de la visite de Netanyahu à Washington ou dans la présentation de son plan post-agression à l’administration américaine, de profiter de la bataille électorale présidentielle, en particulier après le débat qui a mis fin aux chances du « candidat » Joe Biden et l’a forcé à quitter la bataille, afin de faire chanter le Parti démocrate et sa candidate Kamala Harris… Notez que la politique étrangère des deux partis qui contrôlent le destin des États-Unis a convergé, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, vers le soutien à Israël en tant que base avancée de l’impérialisme dans la région… Cela s’est manifesté elle-même dans toutes les guerres d’agression menées par cette entité, ainsi que dans la position de Washington sur les résolutions émises par les Nations Unies et son utilisation récurente de son droit de véto… Sans oublier l’aide militaire et financière apportée chaque année à Tel Aviv, ainsi que l’arsenal d’armes stratégiques mis à sa disposition, y compris les armes nucléaires, et rappelons les sanctions financières et économiques imposées à un certain nombre de pays de la région, et à certains de leurs groupes politiques, en raison de leur refus d’accepter de normaliser leurs relations avec ce pouvoir usurpateur.
Parmi ces pays figure le Liban, dont le peuple a refusé de rejoindre la conférence de Manama et le processus de normalisation des « accords d’Abraham » qui l’accompagnait. Depuis 2019, qui a vu l’explosion d’une crise économique et financière sans précédent qui a précipité l’écrasante majorité de sa population sous le seuil de pauvreté, et l’agression militaire israélienne qui a suivi, qui a conduit au martyre de plusieurs centaines de ses fils et filles, à l’incendie de ses forêts et de vastes étendues d’oliviers et d’autres avec du phosphore blanc internationalement interdit, et à la destruction de villes et villages libanais adjacents à la frontière avec la Palestine occupée ; sans parler de la crise politique qui a conduit à la dissolution des institutions de l’État et à une crise constitutionnelle étouffante. Cela s’ajoute aux tentatives susmentionnées de s’emparer d’une partie de la frontière terrestre libanaise, que Hochstein cherche à mettre en œuvre selon un plan en trois phases, en agitant en échange « d’un paquet économique pour le Liban et en s’assurant que la communauté internationale montre au peuple libanais que nous investissons en lui », en d’autres termes, en achetant les consciences par l’impérialisme américain en échange de l’acte de haute trahison consistant à céder une partie du territoire national sur la frontière terrestre reconnue internationalement depuis 1926, en complément de ce qui a été volé en délimitant la frontière maritime (3).
Comment faire face à ce nouveau schéma ? Nous pensons donc que le plan d’expansionnisme israélien sous sa nouvelle forme, soutenu par l’impérialisme mondial et les États-Unis en particulier, se poursuivra, peut-être en adoptant une politique de la carotte et du bâton, dans une tentative de réaliser ce que Netanyahou a proposé dans son projet de reprendre le contrôle total de Gaza et d’annexer une nouvelle partie des terres frontalières du Liban, en plus des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba, qui sont toujours sous occupation et ont fait l’objet d’une colonisation israélienne, à l’instar de la Cisjordanie.
Nous pensons que la seule façon d’empêcher ce plan de réussir est d’unir les forces qui lui résistent dans tous les domaines de la lutte. À notre avis, plus les forces de gauche et de progrès pourront retrouver leur rôle dans le conflit arabo-sioniste, plus cette résistance pourra atteindre les objectifs de libération de la terre arabe et de l’homme arabe, ainsi que les objectifs de progrès pour les peuples arabes, et le succès de la cause centrale, la libération de la Palestine et le retour de son peuple en Palestine afin de construire un État national unifié avec Jérusalem comme capitale.
Notes :
1) – La réunion comprenait Brett McGurk, conseiller principal du président américain Joe Biden pour les affaires du Moyen-Orient, ainsi que le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdullah bin Zayed, et une délégation sioniste dirigée par le ministre des Affaires stratégiques Ron Dremer, proche de Netanyahu…
(2) – Se référer à l’interview réalisée par le journal britannique « Financial Times » avec la ministre adjointe des Affaires étrangères des Émirats arabes unis pour les affaires politiques, qui a annoncé la volonté de son pays de participer à une force multinationale de maintien de la paix dans la bande de Gaza.
(3) – Reuters a publié le texte textuel de la déclaration (26 juillet 2024)