Pas une jour ne se passe sans un torrent d’attaque contre Mélenchon dans la presse, les médias des oligarques. En utilisant les procédés les plus grossiers, jusqu’aux provocations les plus vicieuses (lire ci après l’analyse par A Leéaumant des méthodes scandaleuses de Quotidien, l’émission du milliardaires Bouygues). Ce « mélenchon bashing » qui n’a rien à envier aux pires heures des campagnes menées contre les candidats du Parti Communiste. Comme quoi il ne suffit pas de ne pas être communiste – et même de faire parfois professions de déclarations anticommunistes – pour ne pas subir la vindicte anticommuniste de la dictature du Capitalisme en Marche et de ses médias totalitaires.
.Et ce climat de haine de classe s’est traduit par des actions violentes à Marseille, le candidat dans la Ve circonscription ayant eu à affronter une tentative d’aggression par quelques individus en service commandé de ses adversaires politiques durant un meeting tandis que des affichettes anonymes – probablement du candidat PS Menucci – tapissent certains murs de menaces à peine voilée sous le slogan « A Marseille, on ne craint pas Mélenchon..; »
Le très respecté et multi primé journaliste de télévison Jacques Cotta dénonce dans une lettre ouverte ces attaques tout azimut ciblant Mélenchon pour mieux promouvoir Macron – le candidat du CAC40 contrôlant l’essentiel des médias en France – et épargner totalement le FN, épouvantail qui a servi à faire élire le banquier de chez Rotchild et ex conseillé et ministre de Hollande.
Lettre à mes consoeurs et confrères journalistes… … qui n’ont de cesse d’enjoliver Macron et de noircir Mélenchon.
par Jacques Cotta, journalsite
Chers Collègues,
Notre profession a toujours été soumises à des effets de mode. Nous nous en sommes toujours défendus, préférant ramener notre production journalistique à notre talent personnel. Mais la mode existe et s’impose de fait au plus grand nombre, sous la pression d’une hiérarchie déterminée qui pousse à une surenchère dans laquelle l’information ne trouve pas son compte. J’ai décidé cette lettre après avoir pris connaissance d’une critique me concernant. Pour annoncer mon dernier documentaire « dans le secret de la violence sociale » (diffusé le 23 mai sur France 2) un confrère en explique l’intérêt et souligne « le côté militant du film, ce qui fait sa force et sa faiblesse. Jacques cotta a soutenu publiquement jean Luc Mélenchon ». Cela m’a d’abord fait sourire. Puis réflexion faite, je me suis demandé ce que ma position vis à vis de la « France Insoumise » et de Jean Luc Mélenchon venait faire au milieu. La mode actuelle, nous y voilà ! Dans la presse, tous supports confondus, il est de bon ton de diaboliser Mélenchon, et de n’épargner nul qui l’approche. Mode qui n’est pas innocente.
Avant de vous parler de ce que cela m’inspire précisément pour notre profession, je voudrais dans cette lettre aborder trois points pour tenter de bien me faire comprendre.
- Quelques exemples illustratifs de ce que je nomme « la mode journalistique ».
- La « mode » actuelle, un anti mélenchonisme d’une violence inouïe qui n’a d’égal que la promotion éhontée d’Emmanuel Macron.
- Les conséquences qui risquent d’en découler.
Quelques exemples de mode journalistique
Dans les années 1985-1990, les plus anciens l’auront en mémoire, la victoire de Mitterrand, quelques années avant, avait libéré un espace que nous étions prompts à occuper. Les fausses factures étaient exhibées, les financements illégaux étaient dénoncés, et les arguments étaient sans détour. Lorsqu’il nous semblait que le mensonge voulait l’emporter, nous tenions bon, étions fermes, attachés à une enquête dont la rigueur était la seule exigence. Pour une catégorie de journalistes, l’impertinence –parfois excessive- et la ténacité étaient la marque d’un exercice professionnel sans concession. Il n’était au moins pas question de plier devant les puissants. Tout au contraire.
Puis sont arrivées les années 1995. La grande grève contre la réforme des retraites a constitué un tournant. Rappelez-vous cette page peu glorieuse. Un soir venteux et pluvieux, des grévistes convoqués autour d’un brasero pour 18 secondes de temps de parole alors que sur le plateau, bien au chaud, ministres et spécialistes pouvaient déverser leur version, leur savoir, leurs justifications sans contradiction durant plus de deux heures. Rappelez-vous cette haine de la profession montant du fond de la société, des confrères cameramen notamment se faisant prendre à partie dans les manifestations au cri de « politiques vendus, journalistes complices ». Un triste retour de balancier. La mode était alors à la « complaisance », à la « soumission ».
Il y a eu ensuite les années 2000 marquées par l’épisode référendaire. La « mode » précédente était poussée jusqu’à la caricature. Le « Oui » à la constitution européenne avait droit exclusif d’expression dans les médias, tous supports confondus. Un espoir cependant surgissait. Alors que nous n’étions qu’une poignée à lancer un appel « le Non censuré dans les médias, ça suffit ! », en quelques jours, des centaines de confrères de toute la France signaient, des centaines qui jusque-là étaient demeurés silencieux empruntait une voie enfin ouverte, celle de la contestation à l’intérieur du système médiatique. Des centaines, confortés par la signature de milliers de nos compatriotes. Des centaines qui jusque-là rasaient les murs de peur d’être traités de lepénistes, de fachos, d’arriérés, de peur d’être d’abord « blacklistés » dans leur rédaction, avant d’en être virés. Car apparut alors clairement que les patrons des journaux, radios, télévisions, les employeurs des journalistes, avaient partie liée avec de grands groupes industriels, souvent côtés au Cac40, et avec le personnel politique en place, de « gauche » comme de « droite ». Le pouvoir de cette oligarchie s’imposait.
L’aggravation de l’exercice de notre profession allait connaître de nouveaux développements. La « mode » voulait alors que les « importants » fassent ouvertement partie de la cour. Nicolas Sarkozy notamment a ramené une partie de la presse au rang de « subordonné de sa majesté ». Les patrons des grands groupes imposaient leur choix. Subtilement le plus souvent, mais leur choix était clair, la presse comme auxiliaire du pouvoir, ni plus, ni moins. Des confrères ont participé à la cour. Certains ont joué des coudes pour y avoir une place de choix. L’osmose presse-politique est apparue au grand jour, d’autant plus scandaleuse qu’elle était revendiquée, comme légitime.
C’est alors que survient cette incroyable élection présidentielle de 2017. Evidemment c’est de cela surtout que je veux vous parler, mais pas sans avoir tenté à grand trait de la replacer dans le contexte historique qui touche notre profession. Car si dans le domaine vestimentaire il est fréquent de dire que « les modes se suivent mais ne se ressemblent pas », dans le domaine médiatique, elles se suivent mais depuis maintenant plus de 20 ans grossissent le trait commun qui les définit, la subordination au pouvoir et plus encore, au système, quel que soit d’ailleurs le pouvoir en place.
La mode actuelle : un anti mélenchonisme d’une violence inouïe qui n’a d’égal que la promotion sans mesure du macronisme
Deux ans avant les élections présidentielles, la promotion d’Emmanuel Macron a occupé tous les médias. Chers collègues, peut-être la plupart d’entre nous, emportés par la rapidité et la densité du flux, ne s’en est pas rendu compte. Dans les hautes sphères des différents organes de presse –pour la défense d’intérêts économico-financiers- les choix ont été faits, les hiérarchies intermédiaires étant chargées de faire passer la ligne –sans le dire ouvertement, ça va de soi- et les journalistes de terrain ayant pour tâche d’appliquer les consignes avec le sentiment évidemment qu’ils font le boulot, ni plus ni moins.
Dans mon article « La Fabrication du produit Macron et la soumission de la presse » (qu’on trouvera à l’adresse suivante: javascript:void(0);/*1496402743232*/ ) j’indique dans le détail la complicité objective, sinon souvent consciente, entre la presse dans son ensemble et le candidat Macron qui passera en quelques mois d’un anonymat pratiquement total à celle de « candidat préféré des français ». Je n’y reviens pas, mais les chiffres suffisent à eux-mêmes. En deux ans, Macron aura bénéficié de 8000 articles, soit plus de 10 par jour (Nouvel Obs, de l’Express de Libération et du monde), de centaines de reportages (LCI, BFM, I-télé, France télévisions), sans que les radios ne soient en reste…
Le candidat du système jouit donc de bout en bout d’une adulation médiatique sans précédent. Voilà le rôle que nombreux d’entre nous ont joué, consciemment ou malgré eux.
Mais il y a plus.
Le sort réservé à Jean Luc Mélenchon a quelque chose d’incroyable. Durant la présidentielle déjà, dans la dernière ligne droite, tous les organes de presse s’y sont donnés à loisir. Chavez, Maduro, Poutine, le Venezuela, Cuba et Castro exhumé pour l’occasion, tout y est passé. Aidé il est vrai par la « maladresse » de Clémentine Autain venu mettre ce thème dans le débat public, même « l’alliance bolivarienne » est devenue un argument anti Mélenchon de circonstance.
Pour la campagne législative, voilà que ça repart de plus bel. Sur France Inter, sur Euronews, sur CNews, sur BFM, dans les colonnes du Figaro, de Libération, du Monde, etc… il est question du candidat de la France Insoumise comme d’un gourou, un chef de secte, un illuminé, un autoritaire qui a bien caché sa véritable nature durant les présidentielles, etc… Cela évidemment pendant que les « anonymes » macroniens bénéficient de portraits flatteurs et que les sondages sont rabâchés à longueur de colonnes, d’éditoriaux, de papiers oraux ou écrits, pour expliquer que Macron aura une majorité et que la France Insoumise retombe tel un soufflé. La hargne est telle qu’elle n’épargne aucun des soutiens déclarés de Mélenchon, pas même un journaliste documentariste auquel on trouve comme défaut suprême d’avoir appelé à voter pour la France Insoumise.
Chers collègues, chacun a évidemment ses sympathies et ses antipathies. Jean Luc Mélenchon ne laisse pas indifférent. Ce qui est en cause, ce n’est évidemment pas cela. Car pendant que les critiques fusent sur sa personne, pendant que les louanges se répandent sur celle de Macron, pendant qu’on s’attarde sur le côté renfrogné de l’un et le sourire enjoliveur de l’autre, on évite l’essentiel : quelle est la politique que proposent les uns et les autres, ce qui à priori devrait être le contenu principal du travail journalistique pour informer nos concitoyens, leur exposer les enjeux, leur permettre de choisir en toute connaissance de cause.
La concentration des attaques sur Mélenchon aura des conséquences
Le débat de fond est évacué. Pourtant, c’est lui qui nous concerne en tant que citoyens, qui devrait nous concerner et nous intéresser en tant que journalistes.
Les mesures politiques pour lesquelles le président de la république veut une majorité absolue à l’assemblée nationale sont claires. A titre d’exemple :
- « Réformer » jusqu’au bout le code du travail dans la foulée de la loi El Kohmri.
Alors que la loi El Kohmri permet de négocier entreprise par entreprise le temps de travail, une nouvelle déréglementation de taille se dessine : négociation par entreprise des salaires par exemple ou de tout ce qui relève aujourd’hui de la loi concentrée dans le code.
- L’utilisation des ordonnances pour accomplir ce que le nouveau chef de l’état a défini comme étant sa priorité.
Il y a là une conception de la démocratie, du fonctionnement des institutions, de l’autoritarisme au sommet de l’état illustré par les propos du porte-parole du gouvernement Christophe Castaner lorsqu’il déclare « que ne sera pas toléré le blocage du pays ».
- La suppression des cotisations maladies et des cotisations chômage et l’augmentation massive de la CSG.
Outre les conséquences craintes de voir une diminution de la consommation populaire et une baisse de l’activité en découler, cela devrait aboutir à une ponction massive sur les retraites notamment, de l’ordre de 250 euros par an pour une pension de 1200 euros par mois.
- La suppression de 120 000 postes de fonctionnaires…
- La poursuite de la politique scolaire des gouvernements précédents, et leur aggravation…
Sur tout cela et sur d’autres questions, il devrait y avoir débat, et ce devrait être notre fierté que de l’impulser, nous journalistes dont le travail indépendant devrait primer sur toute autre considération. Nous sommes nombreux à avoir cette conception du métier. Mais dans la réalité, qu’en est-il ?
C’est « Challenges » qui résume le mieux possible l’affaire. Alors que toutes ces questions sont évincées, on s’attarde sur le changement de ton de Mélenchon, sur la mort de Rémi Fraisse et Bernard Cazeneuve, l’ex ministre de l’intérieur, mis en cause par le leader de la France Insoumise au détour d’une phrase dans un discours de 40 minutes, sur le « tournant gauchiste bien loin de la campagne hugolienne à la présidentielle ». Tout y passe sauf l’essentiel, le principal, les programmes. Il est question de « nationalisme », de « sectarisme », « d’absence de tempérance », de « populisme », et de bon nombre d’autres amabilités lorsqu’il n’y a pas un mot sur la politique proposée et sur les mesures combattues. Enfin, dévoilant les motivations réelles d’une telle hargne, il est indiqué à l’encontre de la « France Insoumise » « une logique politique sectaire, décidée à rompre toute attache avec les partis républicains modérés ».
Chers collègues, comment ne pas voir là le cœur du problème pour lequel des centaines de nos confrères sont en fait manipulés. Ce qui est reproché à Mélenchon et ce pourquoi journalistes de presse écrite, de télévision ou de radios sont instrumentalisés, c’est son refus, contrairement à ce qui reste du parti socialiste, à ce qui se débat dans « LR », à ce qui est envisagé au FN, son refus de tout soutien à quelque mesure anti sociale du gouvernement d’Emmanuel Macron. C’est cela que l’oligarchie lui reproche et c’est cela qu’elle veut d’emblée lui faire payer. Ah, si le leader de la « France Insoumise » avait appelé à voter Macron au prétexte de Le Pen, il n’y aurait plus de problème. Tout le monde serait rentré dans le rang !
Voilà pourquoi plus que Mélenchon, les attaques touchent tout ce qui de près ou de loin le soutient. Il est question de « foules haineuses ». Il y a bien de la haine dans tout cela, mais du côté des accusateurs qui évitent les vraies questions pour demeurer sur les personnes, pratiquer l’anathème, l’injure, les attaques ad hominem. Cette haine contre Mélenchon, ce qui est en soi de peu d’importance, est surtout une haine contre les aspirations qui sont celles de millions qui ont voté « France Insoumise ». Cela se nomme la « haine de classe ». Ni plus, ni moins.
L’avenir sera sans doute marqué par de nouveaux soubresauts tels que l’histoire de notre pays en a déjà connu. Il ne sert à rien de vouloir interdire « le blocage du pays », ou encore les protestations d’ampleur nationale. Lorsqu’une politique s’impose à la volonté majoritaire d’un peuple qui se réveille, voit la réalité telle qu’elle est, rien, aucune menace ne peut interdire de réagir pour sa survie, pour sa vie tout simplement. Le choc qui s’annonce risque d’être d’une grande brutalité, et rendre compte, avertir, révéler, dénoncer, prévenir, doit être notre fierté.
Chers collègues, est-ce pour éviter cela que le président de la république, comme une de ses premières mesures, a indiqué qu’il choisirait personnellement qui parmi vous serait autorisé à le suivre, à l’interroger, à rendre compte ? Tel le roi à Versailles, il choisirait les bons sujets ? Est-ce pour se prémunir de toute activité journalistique qui contrarierait ses projets ? Ce qui sur le plan électoral ne saurait s’affirmer cherchera d’autre voies pour balayer les mesures réactionnaires qui s’annoncent et pour l’emporter sur les forces qui veulent les imposer. Prenons garde à force de ne pas lever le ton à ne pas être emportés par la vague est en train de se former.
Il y a plus de 70 ans, le conseil national de la résistance réclamait « La pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ».
Indépendamment de la position particulière que nous pouvons avoir sur une question ou une autre, sans doute serait-il bénéfique que tous ceux qui dans la profession jugent nécessaire de renouer avec ces exigences puissent se regrouper, se doter d’un cadre de débat, d’élaboration et d’action. Que tous ceux qui le désirent prennent contact par l’intermédiaire de ce courrier et qu’on puisse enfin s’organiser.Jacques Cotta
Le 1er juin 2017
Les montages malhonnêtes de «Quotidien» pour diaboliser Mélenchon
Dans son édition du 30 mai 2017, « Quotidien », l’émission de Yann Barthès, présente les extraits d’une conférence de presse de Jean-Luc Mélenchon. Avec à l’évidence un objectif : continuer dans la diabolisation de ce dernier entamée quinze jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, et qui n’a pas cessé depuis. « Quotidien » a donc pensé qu’en arrangeant ensemble des extraits, il pourrait raconter l’histoire voulue. Sauf que voilà : la conférence de presse toute entière a été filmée et mise en ligne sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon. Nous pouvons donc comparer les images diffusées par « Quotidien » avec ce qui s’est réellement produit.
Regardons dans le détail comment « Quotidien » s’y prend pour faire dire à des images autre chose que ce qui s’est réellement passé. Il y a d’abord l’introduction du sujet avec des extraits de l’arrivée d’Alexis Corbière, essoufflé après avoir monté à pied six étages (passionnant, non ?). Puis, voici comment le chroniqueur introduit son sujet : « Ça c’était l’apéro en termes de polémique car ça va vite se gâter. Jean-Luc Mélenchon est de très mauvaise humeur ». S’ensuivent des extraits de l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon. Il dit qu’il fait chaud et ajoute « me voilà debout en plus » (c’est passionnant décidément !). Puis il appelle Alexis Corbière à se rapprocher de lui. Le chroniqueur de « Quotidien » reprend la parole pour ajouter « Allez, ici le porte-parole » et enchaîne : « Après 22 minutes de discours, on a voulu revenir sur la polémique sur clash avec Bernard Cazeneuve et ça s’est plutôt mal passé ».
On voir bien ici que, dès l’introduction, les mots (je les ai mis en gras) utilisés par le chroniqueur de « Quotidien » visent à mettre en place un climat de tension qui n’existe pas. Vient alors un premier extrait de la conférence de presse à proprement parler. Le chroniqueur se tient debout. Jean-Luc Mélenchon lui demande de s’asseoir (pour être logé à la même enseigne que les autres, qui étaient tous assis). S’ensuit un petit échange qui est diffusé par Quotidien.
- Monsieur, si vous voulez bien vous asseoir comme tout le monde, ça me ferait très plaisir. Sinon je ne vous répondrai pas.
- (Le chroniqueur fait mine de s’asseoir par terre) Bon… par terre…
- Non, c’est là la chaise.
- (Il s’assoit sur la chaise.) Vous voyez, on obéit !
- Oh, on n’en demande pas tant ! Je ne vous demande pas « d’obéir ». Restez debout, monsieur, si ça vous fait plaisir.
- Non parce que vous ne vouliez pas me répondre.
- Non non mettez-vous debout, ça a l’air de vous faire plaisir. Mettez-vous debout.
- Pas de souci, monsieur Mélenchon.
- Je vous ai invité. Je ne vous ai pas demandé de m’obéir.
- Bah vous m’avez dit que sinon vous ne me répondriez pas. Vous avez dit… c’est pas grave.
- Bon, c’est bon, allez, au suivant.
Ici, l’extrait est mis sur pause. Jusqu’à présent, on le voit, alors que Jean-Luc Mélenchon émet une demande simple (que le seul journaliste qui est debout s’asseye « comme tout le monde » pour ne pas avoir un traitement différent des autres), le chroniqueur de « Quotidien » en rajoute, en faisant mine de s’asseoir par-terre alors qu’il a une chaise et en déclarant « on obéit » (gros clin d’oeil, Mélenchon est autoritaire, n’est-ce pas?). Bref, une demande simple se transforme en incident délibérément provoqué par le chroniqueur. Pourtant, ce n’est pas la manière dont les faits sont présentés par « Quotidien ».
Pendant que l’extrait est sur pause, pour en rajouter une couche, le chroniqueur ajoute : « J’ai failli ne pas pouvoir poser ma question, alors il a fallu le brosser dans le sens du poil pour avoir le privilège de faire mon métier ». Cas classique où l’affreux Mélenchon est présenté comme un horrible dictateur qui empêche un « journaliste » de « faire son travail », menaçant la liberté de la presse et, par extension, la démocratie. Que Jean-Luc Mélenchon soit le seul à dénoncer le problème que constitue, pour la liberté de la presse, le fait que 90% de la presse soit détenue par 9 milliardaires n’entre pas en ligne de compte. Surtout pas sur une chaîne du groupe Bouygues, n’est-ce pas ? Passons. L’extrait reprend ensuite :
- Non mais je posais la question
- Non non. Mais si c’est pour créer un incident… tout ça… c’est bon.
- Pardon. Pardon.
- D’accord.
- Si je vous entends bien, vous voulez remettre le fond au cœur de cette campagne.
- Si c’est possible.
- Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique.
- Je n’ai pas provoqué cette polémique, je n’ai pas voulu de cette polémique. Ce n’est pas mon sujet. C’est monsieur Cazeneuve qui l’a lancée en se saisissant d’une phrase dont il estimait qu’elle était de nature à provoquer un intérêt pour lui. Voilà. C’est tout. Mais je n’ai pas déclenché cette polémique. Je ne l’ai pas souhaitée et je ne la souhaite pas.
La dernière réponse de Jean-Luc Mélenchon est faite sur un ton ferme. On a l’impression, en regardant l’extrait de « Quotidien », qu’il s’est agacé de la question. Mais la réalité est que « Quotidien » n’est pas honnête dans son montage. Car entre le « Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique » du chroniqueur et le « Je n’ai pas lancé cette polémique », il y a une réponse très détaillée de Jean-Luc Mélenchon. Voici l’échange qui a réellement eu lieu et que l’on peut retrouver à partir de 23:31 dans la conférence de presse (j’indique en gras les passages délibérément non diffusés par « Quotidien ») :
- Mais c’est vous qui avez lancé cette polémique.
- Sur quoi ?
- Sur monsieur Cazeneuve. Est-ce qu’aujourd’hui vous la regrettez, tout simplement ?
- Ah, d’accord, c’était ça. Bon alors. Non, monsieur, je n’ai pas lancé cette polémique.
- Mais…
- Non non non non, non non non non non. J’ai fais 11 fois un discours sur le code du travail et les conditions de la rentrée scolaire et de l’éducation nationale. Et, à l’occasion d’un de ces discours, pendant une seconde et quart, j’ai répondu à quelqu’un que j’ai pris comme figure emblématique de l’accusation inepte d’après laquelle nous n’aurions pas donné de consigne de vote entre les deux tours de l’élection présidentielle. Et je voulais rappeler, pour les gens qui étaient là, que c’était absolument injuste puisque nous avions appelé à ce qu’il n’y ait « pas une seule voix pour madame Le Pen ». Donc je ne faisais que rectifier. Et je trouvais insupportable de me faire donner des leçons de république par quelqu’un qui ne s’est pas lui-même astreint à la règle minimale d’un ministre de la République qui est d’assumer les actes de l’administration, surtout quand ceux-ci ont débouché sur un homicide. Voilà, c’est tout. Je n’ai pas provoqué cette polémique, je n’ai pas voulu de cette polémique. Ce n’est pas mon sujet. C’est monsieur Cazeneuve qui l’a lancée en se saisissant d’une phrase dont il estimait qu’elle était de nature à provoquer un intérêt pour lui, et qui, maintenant, est en train de découvrir que remettre sur la scène cette histoire de Rémi Fraisse n’était pas spécialement une recommandation pour le parti socialiste. Voilà. C’est tout. Mais je n’ai pas déclenché cette polémique. Je ne l’ai pas souhaitée et je ne la souhaite pas.
On voit qu’ont été coupés tous les extraits qui pouvaient être de nature à expliquer la responsabilité de Bernard Cazeneuve dans le lancement de « la polémique » dont le chroniqueur nous rebat les oreilles. L’ancien ministre de François Hollande est ainsi dédouané de son attaque initiale contre Jean-Luc Mélenchon concernant le vote Front national au second tour. On constate aussi que le leader de la France insoumise a précisé les conditions matérielles du discours qu’il avait prononcé. On remarque enfin que toute référence au fond de l’affaire (c’est à dire la mort de Rémi Fraisse alors que monsieur Cazeneuve était ministre) est entièrement gommée de l’extrait diffusé par « Quotidien ». Ne reste que « la polémique » évidemment lancée par le méchant Mélenchon.
Après cette séquence, dans la « vraie vie », d’autres journalistes posent des questions sur le même thème. Jean-Luc Mélenchon répond, précise, détaille le choix de ses mots. La séquence dure de 24:55 à 30:49 sur la vidéo intégrale de la conférence de presse qui peut, je l’ai dit, être consultée en ligne. Jean-Luc Mélenchon indique son souhait de pouvoir parler d’un autre sujet : l’augmentation de la CSG prévue par monsieur Macron. Pourtant, rien de tout cela n’est diffusé sur « Quotidien ». Bien au contraire, on revient au plateau immédiatement après l’extrait précédent. Et c’est reparti pour un tour.
Le chroniqueur conclue la première séquence : « Mouais, enfin il faut quand même le dire hein, c’est bien lui qui a attaqué Bernard Cazeneuve sur l’affaire Rémi Fraisse. Mais on sent qu’il regrette déjà sa sortie et surtout un terme qu’il a utilisé ». Les mots utilisés sous-entendent donc que Mélenchon, en plus d’être un affreux dictateur, est aussi un menteur. Plus c’est gros, plus ça passe. Puis s’ensuit une « explication », code pénal à l’appui, sur la différence entre le terme « assassinat » et « homicide » d’un point de vue juridique. Est diffusé ensuite un nouvel extrait. Rien n’est dit sur la séquence que j’ai évoquée dans le paragraphe précédent. Nul ne peut savoir qu’entre l’extrait qui vient d’être diffusé et celui qui va suivre, près de 6 minutes se sont écoulées, essentiellement sur le même thème. Le seul moyen pour le spectateur de s’apercevoir qu’on a sauté une séquence est d’être assez attentif pour remarquer que Jean-Luc Mélenchon a maintenant un verre qu’il n’avait pas auparavant.
Le chroniqueur lance la nouvelle séquence. Voici ce qui est diffusé :
- Je prie qu’on comprenne que, dans un meeting de trois quarts d’heure, il peut arriver qu’un mot ne soit pas calibré exactement comme la presse, elle, nous habitue à calibrer les mots très exactement, avec précision et soin…
- Parce que là c’est important, monsieur Mélenchon.
- Quoi, monsieur ?
- « Assassinat », c’est important.
- Oui, bon, d’accord, on a compris. À vous, madame.
- C’est pas un détail, pardon hein…
- Mais monsieur, écoutez. Vous devez comprendre que les mots sont importants en effet. Quand quelqu’un meurt et qu’un dispositif a été mis en place, on peut penser qu’il s’agit d’un homicide et pas d’un accident de la route. D’ailleurs, les accidents de la route sont considérés comme des homicides. Je ne vois pas en quoi vous voulez arriver.
- « Assassinat », il y a préméditation.
- À quoi vous voulez arriver, monsieur ?
- C’est vos propos, je veux savoir…
- Non et bien alors taisez-vous, c’est aussi bien. (là la chaîne écrit à l’écran « taisez-vous, c’est aussi bien ! », au cas où on n’aurait pas compris)
- … si vous les regrettez.
- Voilà, c’est ça. Et vous… écoutez, je vous ai déjà répondu. J’ai raconté dans quelles conditions avait lieu mon discours. J’ai dit comment j’avais utilisé mes mots. J’ai dit ce que je viens de dire. Il me semble que c’est assez. Maintenant, peut-être que vous aspireriez à ce que je me mette un sac de cendres sur la tête, que je me flagelle. Parce que vous vous prenez pour des juges. Vous êtes juste un journaliste, monsieur. Rappelez-vous-le. D’accord ? Donc vous devriez vous poser la question de savoir comment Rémi Fraisse est mort plutôt que de venir me demander des comptes à moi.
On voit que Jean-Luc Mélenchon a clairement envie de changer de sujet. Mais vous savez quoi ? Ce n’est pas le seul dans la salle ! De nombreux journalistes présents ont envie de passer à autre chose et d’enchaîner. D’ailleurs, « Quotidien » a été assez maladroit pour en laisser une trace dans les extraits choisis. En effet, on voit nettement que, quand le chroniqueur revient pour la énième fois sur le même sujet, l’une de ses consoeurs lui fait demande d’arrêter.
La réalité est donc bien différente de ce qu’a présenté « Quotidien » dans ses extraits choisis. Quiconque regarde la conférence de presse en entier pourra s’en rendre compte. Le chroniqueur de l’émission agit clairement comme un perturbateur cherchant à provoquer délibérément un incident en ne faisant pas comme ses collègues, puis en posant plusieurs fois la même question, puis en insistant sur un terme sur lequel Jean-Luc Mélenchon est déjà revenu plusieurs fois. Mais de tout cela il ne reste rien, évidemment, dans les extraits diffusés par « Quotidien ».
Finalement, « Quotidien » n’a pas dû écouter la demande formulée par Jean-Luc Mélenchon au milieu de sa conférence de presse. Voici ce qu’il disait (de 21:26 à 22:11) :
« Je vous demande [aux journalistes] : lâchez-nous. Arrêtez de nous agresser sur nos personnes. Intéressez-vous à ce que nous disons, à ce que nous proposons, à notre programme, à notre campagne. Mais laissez nos personnes, nos morts et nos familles en dehors des vindictes que vous portez contre nous. Vraiment, je ne sais comment exprimer mon indignation : si je le fais trop, je suis accusé d’être trop violent ; si je ne le fais pas, c’est la porte ouverte à tous les abus pour qu’ils continuent. Je demande une trêve. Une trêve médiatique dans l’injure contre moi, contre les miens. Je demande qu’on puisse parler de ce qui nous oppose réellement : je ne suis pas séparé de monsieur Macron par des problèmes de personnes ; je le suis par des problèmes de programme, de fond. »
Il est regrettable que « Quotidien » ait fait exactement l’inverse et ait choisi, une nouvelle fois, de tout concentrer sur les personnes plutôt que sur le fond. Pas un mot sur la CSG. Pas un mot sur la fraude et l’évasion fiscales. Pas un mot sur la révocation des élus. Pas un mot sur le code du travail. Pas un mot sur l’école et l’éducation. Bref, rien de ce qui concerne les objectifs de monsieur Macron ni le programme de Jean-Luc Mélenchon. Les 11 et 18 juin, les citoyennes et les citoyens de notre pays doivent pourtant élire leurs députés, c’est à dire ceux qui gouverneront le pays pour les cinq prochaines années. Il serait bon qu’ils puissent le faire sur la base de programmes et que cessent donc les diversions destinées à protéger monsieur Macron en ne disant jamais rien des mesures antisociales, antiécologiques et antidémocratiques qu’il prévoit.