La privatisation des emprunts d’État entérinée, organisée par les traités de l’Union européenne (UE) a marqué la fin de la période dite des « Trente glorieuses ». La monnaie, de facilitateur des échanges économiques devient elle-même une marchandise à part entière et objet de transactions. Un tel système a pour fonction d’augmenter les profits des capitaux avec pour corollaire un accroissement de l’appauvrissement de la société civile. Nous évoquerons la mise en œuvre dans l’UE des mécanismes à l’origine des crises que nous connaissons, en Allemagne d’abord où les salariés victimes d’une purge sociale, vont faire les frais de la compétitivité de leur pays. Cette compétitivité qui s’exerce au détriment des autres pays de la zone, conduit ceux-ci à systématiser l’austérité chez eux. C’est à cette contrainte que répond chez nous l’actuelle réforme du code du travail, ce que les responsables politiques se gardent bien de reconnaître. Les règles de la monnaie unique euro systématisent ces contraintes à tous les pays de la zone euro et l’Allemagne qui en est la grande bénéficiaire bloque toute évolution du système.La France dispose pourtant de nombreux atouts pour mettre en œuvre une politique d’émancipation : elle doit retrouver sa souveraineté, reprendre en main son destin et passer de la guerre économique dans l’Union à la coopération européenne.
www.initiaive-communiste.fr se fait le relais en page débat de cette très intéressante réflexion produite par le MS21. Chacun pourra par ailleurs ré-écouter les propositions du MS21 lors de la table ronde autour du FREXIT organisée par le PRCF à la fête de l’Humanité
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L’EURO et l’austérité – par le MS21
Dans l’histoire du capitalisme la période qui a suivi le deuxième guerre mondiale, appelée « les Trente glorieuses » constitue une parenthèse incongrue. L’humanité avait failli sombrer définitivement dans la barbarie par la faute d’un capitalisme au comble de sa logique prédatrice. Les gouvernements occidentaux n’étaient pas parvenus à juguler les effets de la crise économique de 1929. Conscients que cette crise avait été la cause de la montée du nazisme et soucieux de préserver les fondements du système, ils entreprirent de le réformer. Pour tenter d’éviter les crises économiques, ils décidèrent de favoriser le pouvoir d’achat par un système de redistribution. Ce système fonctionna aussi longtemps que le capitalisme – dont l’esprit est de viser l’enrichissement d’une minorité – jugea de son intérêt de le tolérer.
Dès 1971, les États-Unis cassaient le système dit de Bretton-Woods qui, établissant une parité entre l’or et le dollar limitait le développement de la finance étasunienne. En France, le 3 Janvier 1973 Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de Georges Pompidou, ancien fondé de pouvoir de la Banque Rothschild, décidait que L’État Français ne devrait plus se financer auprès de la Banque de France, mais devrait emprunter avec intérêt aux banques privées. Le capital privé prend alors la main sur les dépenses de l’État.
En 1992 le traité de Maastricht va imposer cette règle à l’ensemble de l’Union européenne et il établit pour l’Union européenne une monnaie unique, l’euro.
En France, dès 1973 des mesures d’économie drastiques destinées à satisfaire aux futurs critères de Maastricht et à rendre la France « euro-compatible » provoquent de facto la baisse du pouvoir d’achat et donc de la consommation. La croissance indispensable aux profits dépendant de la consommation, il importe de la maintenir coûte que coûte. La finance mondiale invente alors les crédits hypothécaires nés de la certitude des financiers, (en réalité de l’illusion) que les prix de l’immobilier ne peuvent qu’augmenter !… Ainsi naît la crise dite des « subprimes » qui partie des États-Unis touche l’Espagne, la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Italie… Peu à peu les ménages les moins aisés ne pourront plus faire face aux échéances. On en connaît les dégâts sociaux… Enfin, les autorités européennes, soucieuses d’élargir l’Union européenne ont fermé les yeux sur le maquillage de la dette grecque – maquillage auquel la banque Goldman Sachs a prêté son concours. Les Européens ont fait le pari que la monnaie unique obligerait les pays à « converger » vers ceux qui sont les plus industrialisés en mettant en œuvre des mesures d’austérité qui favoriseraient leur compétitivité. Pari perdu, nous le voyons tous les jours mais moins douloureusement certes que les Grecs !
L‘Allemagne donne l’illustration d’un modèle que l’oligarchie occidentale a importé des États-Unis pour prolonger le capitalisme et rendre ainsi les riches de plus en plus riches aux dépens des peuples. Cette stratégie peut conduire à des formes de gouvernements dictatoriales molles si possible ou plus violentes si les circonstances l’exigent. Elle explique également les guerres, au Moyen Orient (Irak, Libye, Syrie) pour conserver l’approvisionnement en énergie, ou en Ukraine pour contenir la concurrence des pays émergents et de la Russie.
Voyons comment la zone euro, après avoir été mise sous la coupe de quelques grandes banques qui ont entraîné les pays dans la dette, doit maintenant faire face aux conséquences de cette situation désastreuse : les privatisations forcées et l’austérité.
Au commencement : L’austérité en Allemagne.
En 1995 le PIB allemand par tête était supérieur au PIB français de 17% . En 2009 le PIB par habitant en France était de 29900 euros contre 29100 pour le PIB allemand. Comment expliquer cette surprenante inversion ? On la doit au chancelier social-démocrate Gerhard Schröder qui en 2003 lance un train de réformes libérales qui vont concerner en premier lieu le marché du travail. Considérant qu’il fallait « encourager » les chômeurs à travailler, le chancelier fait appel à Peter Hartz ancien DRH de Wolkswagen et membre du syndicat IGMetall. Ainsi naissent ce que l’on a appelé les Lois Hartz qui méritent d’être évoquées avec précision puisque en France même une note du Trésor ( Lettre N°110 de mars 2013 Trésor – éco ) leur attribue la montée de la pauvreté et des inégalités en Allemagne.
La loi Hartz I de janvier 2003 définit l’emploi « acceptable ». Avant cette loi les services de l’emploi devait démontrer le caractère raisonnable de l’emploi proposé à un chômeur. Avec cette loi c’est au chômeur de prouver qu’il ne peut accepter telle ou telle offre. Au premier refus le montant de l’allocation est réduit de 30% pendant trois mois, au second il est réduit de 60% pendant trois mois, et au troisième l’allocation est suspendue pendant trois mois.
La loi Hartz II de janvier 2003 facilite le développement des contrats à salaire modéré d’environ 15 heures hebdomadaires, dits « mini-job » soit 450 euros mensuels depuis 2013 ou les « midi-job » 850 euros mensuels en échange d’une réduction des cotisations pour l’employeur. Les mini-jobs sont soumis à des cotisations patronales réduites ; les midi-jobs eux restent soumis à des cotisations patronales et salariales réduites. Les mini-jobs attirent surtout les étudiants, les femmes et les retraités qui ont besoin d’un complément de revenu. En 2012, 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un mini-job, dont 4,76 millions ne disposaient pas d’autre salaire.
La Loi Hartz III de janvier 2004 restructure l’Office Fédéral pour l‘emploi, supprime les 16 agences régionales pour l’emploi et recentre les services sous le contrôle de l’Agence fédérale installée à Nuremberg. Moins de 150 000 salariés essentiellement de droit privé font fonctionner l’Agence Fédérale pour l’emploi.
La Loi Hartz IV entrée en vigueur en janvier 2005 durcit les conditions d’indemnisation du chômage en réduisant la période d’indemnisation de 32 à 12 mois, 18 mois pour les chômeurs de plus de 55 ans. Pendant cette période le chômeur peut connaître des régimes différents, 12 mois pendant lesquels il est soumis à des règles incitatives après quoi il passe au régime des minima sociaux (environ 380 euros également soumis à des règles strictes).
Pour lutter contre le chômage de longue durée, la loi encourage les chômeurs de plus de deux ans à se réinsérer sur le marché du travail grâce à des emplois à « un euro » de l’heure avec un maximum de 30 heures par semaine et dont le revenu s’ajoute aux allocations et aides sociales.
Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que cette purge sociale est une des explications des excédents commerciaux que l’Allemagne accumule. Il en existe au moins une autre, le déficit commercial que connaît l’Allemagne avec des pays comme la République Tchèque, la Hongrie, la Slovaquie. Comment un pays champion du monde pour ses excédents commerciaux peut-il avoir un déficit avec des pays plus pauvres que lui ? L’explication est simple. C’est dans ces pays à bas coût de main d’œuvre et qui dépendent d’elle que l’Allemagne fait fabriquer les pièces détachées dont elle a besoin pour son industrie, pour les voitures, les appareils électro-ménagers estampillés ensuite « made in Germany ».
Grâce aux deux facteurs que sont l’austérité imposée aux travailleurs et l’exploitation d’une main d’œuvre bon marché des pays voisins la compétitivité allemande est supérieure à celle des autres pays de la zone euro. A cela s’ajoutent sans doute d’autres facteurs historiques ou géographiques de moindre importance mais également le fait que nombre de ces pays, dont la France, ont abandonné leur base industrielle. Le seul ressort immédiat dont ils disposent pour accroître leur compétitivité et que les autorités européennes cherchent à leur imposer est l’austérité salariale. En France il est clair que c’est bien la ligne adoptée par le pouvoir et dont les récentes lois Macron et EL Khomri illustrent la mise en œuvre.
L’euro propagateur de l’austérité allemande.
Certains pays comme la Grande Bretagne pratiquent l’austérité bien que n’étant pas dans la zone euro mais les membres de l’euro-zone y sont contraints par construction, liés qu’ils sont par le partage d’une monnaie unique. L’euro s’apparente bien à une dangereuse utopie et ce pour plusieurs raisons.
Dès son origine, la zone euro ne présente aucune des caractéristiques d’une zone monétaire optimale. Rappelons qu’une zone monétaire optimale est une région géographique dont les économies ne connaissent pas de choc entraînant des disparités dans leurs conditions de production, que les capitaux et les travailleurs y circulent sans entrave et qu’il n’y ait pas d’inflation. Ce qui a été développé précédemment montre bien qu’au moins la première et non la moindre de ces conditions n’existe pas dans la zone euro et que l’inflation la plus basse possible qu’exige l’Union européenne peut ne pas convenir de manière identique à toutes les économies.
Les traités ont érigé en dogme un certain nombre de critères parmi lesquels le fait que le déficit d’un pays soit cantonné à 3% du PIB et sa dette publique à 60%. Depuis le traité de Maastricht ces règles ont été précisées et complétées en 1997, assorties de procédures de contrôle, de surveillance et de sanction puis confirmées lors de l’entrée en vigueur en Janvier 2013 du Traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG).
L’UE récuse toute idée de solidarité entre les pays membres.
Les traités européens si attentifs à la coordination budgétaire, si enclins à promouvoir la concurrence libre et non faussée ignorent superbement toute notion de solidarité. Les classes moyennes allemandes soumises depuis vingt ans à l’austérité et à une diminution de leur pouvoir d’achat n’entendent pas que l’on vienne en aide aux Grecs à qui l’on impose le remboursement impossible d’une dette qui pour l’essentiel incombe aux banques. La situation de dramatique austérité que connaît la Grèce s’explique ainsi pour une grande part.
L’Allemagne n’envisage pas davantage l’existence d’États unis d’Europe qui nécessiterait – en cohérence avec la monnaie unique – un autre système budgétaire dont elle serait le plus gros contributeur et qui la contraindrait à renoncer à sa primauté économique. Jacques Sapir en donne l’explication suivante: « La faiblesse de la demande intérieure allemande s’explique par un transfert vers les impôts d’une bonne partie des charges dues par les entreprises… d’une part, les profits des entreprises ont été accrus, ce qui leur a permis d’investir ou de baisser leurs prix pour un taux de profit équivalent, d’autre part la consommation intérieure a été réduite, ce qui a limité les importations sur le marché allemand… Ce sont donc les autres économies qui ont tiré la croissance de la zone euro mais au prix d’un déficit commercial important avec l’Allemagne ». On peut y ajouter le prix de l’affaiblissement de leur tissu industriel et l’accroissement du chômage.
Une politique d’émancipation est-elle possible ?
En janvier 2016 lors de la conférence dite du plan B, Frédéric Lordon s’exprimait en ces termes : « Ne plus avoir l’austérité et rester dans l’euro, avoir l’euro et la démocratie, ces promesses là sont intenables car elles sont contradictoires et pire que contradictoires, sans compromis possible ». Une partie de la gauche radicale s’est en effet imprégnée de l’idée néolibérale que l’intervention de l’Etat dans l’économie était intrinsèquement nuisible et vouloir contraindre à la solidarité engendre hostilité et ressentiment entre les peuples.
La solution que serait le renflouement des pays en cessation de paiement par ses partenaires est exclue, de même que le sont la répudiation de la dette ou le renoncement au principe de non renflouement par les émissions monétaires c’est-à-dire par l’inflation. Il faut coûte que coûte sauver l’euro et l’UE et donc imposer aux peuples une austérité sans limite. Les mesures économiques et de lutte contre le chômage mises en œuvre depuis le début du quinquennat de François Hollande attestent clairement de la soumission du pouvoir à l’ordre néolibéral et évoquent fâcheusement les réformes accomplies par l’Allemagne de Schröder au début des années 2000. Il n’est pas inutile de rappeler que François Hollande a rencontré Peter Hartz en 2014 à sa demande, même s’il s’est défendu de vouloir en faire un conseiller. Pour illustrer ce propos on ne saurait passer sous silence les mesures mises en œuvre dans certaines régions, par exemple dans le département du Nord où le nouveau conseil départemental « respecte la loi qui prévoit que dans un premier temps, on peut diminuer de 100 euros le montant du RSA des allocataires qui ne réagissent pas aux demandes de contact » et que « s’il n’y a pas de manifestation de bonne volonté dans les deux mois qui viennent, il peut y avoir une suspension pour quatre mois…» jusqu’à la radiation définitive. (cf. FR3 Nord-Pas de Calais du 11 septembre 2016).
L’Allemagne décidément nous aura beaucoup appris ! La course à la compétitivité donc à l’austérité n’est pas propre à l’UE. Elle caractérise une économie occidentale en régression qui voit dans l’austérité le moyen de préserver les intérêts de l’oligarchie financière. Pour les pays du Sud de l’Europe, le retour aux monnaies nationales permettrait la dévaluation, moyen alternatif à l’austérité pour retrouver une compétitivité dans les échanges internationaux et marquerait un retour à la démocratie. Il est vrai que la sortie de l’euro ne résoudra pas tous les problèmes causés par le néolibéralisme mais elle sera un premier par vers l’affranchissement de la nation du carcan européen. La concurrence des pays à bas coût du travail entraîne la désindustrialisation de la France. Pour remédier à cette spirale nocive, il faut mettre en place un protectionnisme- assorti de collaborations entre États – qui permettrait une lutte efficace contre le chômage. Par ailleurs la possibilité d’emprunter gratuitement à la Banque de France offrirait à l’État français la possibilité d’investir chaque année dans l’économie réelle les 50 milliards d’euros qu’il verse actuellement au titre des intérêts de la dette. La sortie de l’UE telle que nous la connaissons devra donc être la prochaine étape après la sortie de l’euro.
La France est un pays jeune dans l’Union européenne et bénéficie d’une jeunesse éduquée. Dans une zone euro atone économiquement et sans perspective cet atout français devient un handicap et l’on voit avec colère cette jeunesse contrainte de s’exiler pour trouver ailleurs le travail que l’UE ne lui offre pas. Il importe que la France recouvre son indépendance financière, puisse renégocier la dette publique et retrouve la souveraineté monétaire qui lui permettrait par l’investissement public de redresser son économie et d’écarter enfin la contrainte permanente de l’austérité, lourde de menaces pour la démocratie républicaine. C’est le sens de l’engagement du MS21.