Randonnant cet été en famille dans les magnifiques sentiers qui jouxtent le Vercors, je suis souvent tombé sur des panneaux indiquant que des chiens patous gardaient les troupeaux d’ovins ; en conséquence, le randonneur est sommé de prendre un tel luxe de précautions pour ne pas se faire dévorer par lesdits patous, que tout père de famille se traite illico d’irresponsable d’oser ainsi exposer sa tribu à une telle prise de risque !
Néanmoins rentré vivant de mon périple estival, j’apprends ce jour (16.8.2016) sur France-Inter qu’une randonneuse vient d’être cruellement mordue par deux patous. Peut-être va-t-on nous expliquer que c’est la faute de cette dame qui n’a pas gardé un sang-froid de dompteuse quand les gracieux carnivores se sont mis à lui aboyer dessus, puis à l’attaquer ? Espérons du moins que les gentils « chiens de défense » ne se sont pas trop abîmé les crocs en mordillant la coupable…
Interrogé par France-Inter, le berger propriétaire du troupeau et du patou était au bord des larmes, consterné que ses molosses non surveillés aient commis cette agression. Non sans bon sens, ce travailleur de la montagne exigeait que l’on en finisse avec une politique 100% idéologique qui, pour piper quelques voix « vertes », menace les troupeaux (comme le fabuliste, j’ai le tort de trouver l’Agneau plus sympa que le loup !), l’activité des villages, le devenir des bergers… et la vie des travailleurs en vacances : car est-ce trop demander que le salarié en vacances puisse arpenter les GR –une activité écologiquement correcte que l’on sache – sans redouter d’être mangés cru, que ce soit par des loups en goguette ou par des patous fidèles au postes et presque plus dangereux pour l’homme que les prédateurs sauvages qu’ils sont censés dissuader !
Bien entendu, à l’arrière-plan de tout cela, il y a la destruction méthodique par l’UE*, cette « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée », de l’élevage ovin dans notre pays : comment l’éleveur du Mercantour ou son confrère du Vercors lutteraient-ils à armes égales avec les méga-élevages industriels d’Australie ou de Nouvelle-Zélande ? Rentabilité oblige, le berger ne surveille plus lui-même ses troupeaux car il a cent activités complémentaires à assurer s’il veut rester compétitif…
Plus gravement encore, il y a l’idéologie antihumaniste et proprement exterministe qui caractérise le mode de production capitaliste de plus en plus décadent : dès la maternelle, on inculque aux bambins l’idée que l’homme, « ce pelé, ce galeux d’où nous vient tout le mal », est un affreux destructeur ; en revanche les requins blancs sont gentils comme tout, les loups sont mignons tout plein et « la planète » se porterait bien mieux si l’on réduisait drastiquement la population humaine (au fait, on commence par qui ?). Petits enfants, si vous rencontrez un loup, caressez-le ! Un requin-tigre ? Faites-lui des chatouilles !
Mais si votre chien de compagnie, lui qui a le tort d’être « le meilleur ami de l’homme », se fait dévorer tout cru par un patou, y compris si Azor était alors tenu en laisse par vous, « surtout n’intervenez pas, laissez-les régler leurs comptes entre eux », comme le dit crûment la brochure du syndicat d’initiatives que j’ai sous les yeux.
Car comme l’homme incarne le Mal absolu, tout animal domestique qu’il a corrompu en l’apprivoisant est profondément méprisable ! Entre l’homme et le loup, entre la brebis et le loup, vive le loup ! Entre l’homme et le patou, entre le chien de compagnie et le patou, à bas l’humain et tous les vivants qui cheminent à ses côtés depuis le Paléolithique !
Mais faut-il attendre une autre échelle de valeurs d’une société-jungle où la concurrence sauvage et le « droit d’ingérence » des Etats forts dans les affaires des Etats faibles font de chaque homme « un loup pour l’homme », selon le mot bien connu de Hobbes ?
Mais j’exagère sans doute : car avec le plein accord de cette sorte de gôôôôche pseudo-écolo et pseudo-humanité qui vit dans les beaux quartiers des villes, cette belle société place indubitablement l’homme très au dessous du loup !
par Floréal
*Pour ceux qui en douteraient, qu’ils lisent ceci à propos de la politique européenne en matière de gardiennage des troupeaux (car ils s’occupent aussi de ça !) :
« Le dispositif d’aide à la protection des troupeaux contre le loup vise à assurer le maintien de l’activité pastorale ovine et caprine malgré la contrainte croissante de la prédation. Il permet d’accompagner les éleveurs dans l’évolution de leurs systèmes d’élevage en limitant les surcoûts liés à la protection.
Ce dispositif s’inscrit dans une politique française d’accompagnement du retour du loup, qui a le double objectif d’assurer l’état de conservation favorable à l’espèce et de réduire les contraintes économiques induites pour l’élevage pastoral.
Cette mesure répond au domaine prioritaire n°4 définis par l’Union européenne pour le FEADER 2015-2020 : Restaurer, préserver et renforcer les écosystèmes liés à l’agriculture et à la foresterie.Ce dispositif, cofinancé par l’Etat et le FEADER permet le financement des surcoûts dus à la protection à 80 % sous forme de contrats annuels.
Actions soutenues par la mesure 07.62 :
• Gardiennage ou la surveillance renforcée des troupeaux
• Entretien et achat de chiens de protection,
• Investissements matériels permettant à la fois de dissuader le prédateur et de limiter son intrusion sur les zones de pâturage par la mise en place de parcs électrifiés
• Réalisation d’études de vulnérabilité des troupeaux »
Excellent article, imprégné de toute l’ironie qu’il faut pour dénoncer ces malades mentaux souvent des beaux quartiers qui se prétendent écolos, n’ont que faire des travailleurs et du peuple en général, et s’avèrent objectivement les enfants chéris de la barbarie destructrice du capitalisme. Tout est dit.
Curieuse et affligeante inversion que promeut cette prise de position : pas la queue d’une attaque de loup dans l’agression dont il est question, mais c’est toujours le responsable… Chaque année, plusieurs êtres humains sont tués ou grièvement blessés en France par des chiens (et pas seulement des patous). Combien par des loups ? Zéro. Pour le bétail, il y a certes quelques attaques de loups, mais leur nombre est négligeable par rapport à celle des chiens errants.
Le nombre de loups en France est très faible et leur dangerosité pour l’homme est extrêmement faible. Si le progrès consiste à traquer les animaux sauvages dangereux pour le bétail ou l’homme, Floréal doit revendiquer l’extermination de tous les tigres, lions, et autres bêtes féroces (mais aussi et surtout d’autres comme les moustiques qui tuent beaucoup plus en transmettant des maladies graves). L’extermination des bêtes féroces est possible, mais constituerait-elle un progrès pour l’humanité ? Quel beau « progrès » ce serait (et qu’on n’est hélas pas loin d’atteindre) qu’une telle victoire des instincts les plus primitifs de domination absolue et naïve de la nature, de destruction de tout ce qui « gêne » de façon immédiate, et dont les conséquences écologiques (avec des réactions en chaîne sur un nombre énorme d’espèces animales et végétales) seraient gigantesques et effroyables. La « société-jungle » que croit dénoncer l’article est au contraire celle où, pour son profit immédiat, l’homme capitaliste veut éliminer toutes les espèces vivantes dont il ne voit pas l’intérêt et qui peuvent entraver la réalisation de profits, fût-ce à la marge, comme les prédateurs non humains qui consomment, à une échelle infinitésimale comparée à ce que fait l’homme, des animaux que ce dernier voudrait se réserver.
Curieux également que cette position qui se gargarise de progrès défende béatement l’élevage traditionnel en France, qui est responsable depuis des siècles d’une déforestation considérable. Les vrais progressistes savent que la consommation de viande ou produits laitiers possède un bilan écologique et sanitaire effroyable et qu’il faudrait les faire chuter de toute urgence, tant pour l’homme que pour la nature. Certes, les grands élevages intensifs sont mille fois plus coupables que l’élevage « traditionnel », mais ce dernier est toutefois loin de s’avérer innocent.