A la suite du coup d’état de Maidan soutenu et impulsé par l’Union Européenne et les Etats Unis en s’appuyant sur des milices ouvertement nostalgiques des collaborateurs nazis du IIIe Reich, parmi les premières mesures de la junte pro UE de Kiev, celle de réviser « ‘l’histoire » de l’Ukraine pour réhabilité les combattants fascistes de l’Allemagne Nazie. Ceux la même qui ont été les collaborateurs actifs du génocides commis en Ukraine durant la seconde guerre mondiale et de nombreux massacres dans toutes l’Europe, avec notamment la division SS Galicie de sinistre mémoire. Et avec soutien continu de l’UE et du pouvoir Hollande à la junte de Kiev souffle également à la faveur des campagne de propagande organisée par l’extrême droite ukrainienne le vent mauvais du révisionnisme. A travers un article paru dans Presse Nouvelle Magazine d’avril 2017 et une lettre ouverte, Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine (Paris VII Diderot) alerte sur les dangers de cette vague brune.
La propagande des pro-nazis ukrainiens n’a jamais cessé depuis la vaste campagne déclenchée en 1933 sur le thème de la « famine en Ukraine », qu’ils ont ensuite transformée en « famine génocidaire en Ukraine ». Cette campagne s’est appuyée, depuis ses origines, sur les puissances impérialistes les plus attachées au contrôle de l’Ukraine et à la désagrégation de la Russie, Allemagne et États-Unis, puissances assurées, la première surtout, le soutien du Vatican. L’Église romaine avait, au cours de sa longue période de fidélité aux Habsbourg, assuré l’expansion germanique en terre slave via l’uniatisme. Elle a poursuivi cette mission, plus intensément que jamais, quand le Reich des Hohenzollern a supplanté l’empire austro-hongrois agonisant, et n’y a jamais failli, quels que fussent les gouvernants du Reich d’après 1918 (République de Weimar, IIIème Reich, zones occidentales d’Allemagne, RFA et Allemagne réunifiée) (voir mon ouvrage Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, édition complétée et révisée, 2010).
Je vous ai déjà entretenus de la question, qui a connu des temps forts dans les périodes de tension internationale, guerres mondiales comprises :
1° via un ensemble de textes « Ukraine 1933 mise à jour de novembre-décembre 2008 » (http://www.historiographie.info/ukr33maj2008.pdf);
2° via une conférence, intitulée « La campagne internationale sur “la famine en Ukraine” de 1933 à nos jours », le 14 janvier 2016, interrompue à plusieurs reprises par plusieurs délégués de l’ambassade d’Ukraine (ces interruptions n’ont pas été retenues dans l’enregistrement http://www.lesfilmsdelan2.org/lesfilmsdelan2/Annie_Lacroix-Riz.html).
La propagande banderiste connaît une nouvelle forte poussée depuis le coup d’État de Maïdan et ses suites, c’est-à-dire le rattachement d’une grande partie de l’Ukraine à « l’Occident », États-Unis et Union européenne, Allemagne en tête. Rappelons que le Parlement européen a voté le 23 octobre 2008 une résolution sur l’Holodomor, « considérant entre autres] que l’Holodomor, la famine de 1932-1933, qui a causé la mort de millions d’Ukrainiens, a été planifiée de manière cynique et cruelle par le régime stalinien pour imposer la politique soviétique de collectivisation de l’agriculture contre la volonté de la population rurale d’Ukraine » (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2008-0523+0+DOC+XML+V0//FR ).
Les historiens sérieux, à commencer par les spécialistes anglophones de l’agriculture russe et soviétique, tels R.W. Davies and S.G. Wheatcroft, The Years of Hunger: Soviet Agriculture, 1931-1933, New York, Palgrave Macmillan, 2004, et Mark B. Tauger (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_Tauger ), ont démontré l’inanité de cette thèse. Une partie des travaux de ce dernier seront bientôt accessibles en français : l’éditeur Delga va incessamment publier Famine et transformation agricole en URSS, http://editionsdelga.fr/wp-content/uploads/2014/05/fichier-couv-les-famines-en-Russie-et-en-Union-sovi%C3%A9tique.jpg
La conjoncture d’extrême tension internationale mais aussi, à l’évidence, le centenaire de la révolution d’Octobre ont donné une impulsion remarquable à ces manœuvres internationales. Elles se traduisent désormais en France par une offensive déclarée sur le terrain universitaire, dont témoignent deux colloques. Le premier, « colloque scientifique international » intitulé « La Shoah en Ukraine Nouvelles perspectives sur les malheurs du XXème siècle » et précédé d’une table ronde intitulée « Juifs et Ukrainiens : Vers l’écriture d’une histoire commune » (le 8 mars 2017), s’est tenu du 9 au 11 mars, notamment à la Sorbonne, avec ce programme officiel : http://eurorbem.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/programme_-_maquette_-_francais_-_3.pdf
Il a mêlé à des universitaires français et étrangers des négationnistes ukrainiens notoires, parfaitement connus et appréciés de ses deux organisateurs, Philippe de Lara et Galia Ackerman. La tenue et le sens de ce colloque font l’objet du premier texte, « Les banderistes ukrainiens et l’université française : une histoire plus vieille qu’il ne semble », paru dans la Presse nouvelle magazine n° 345, avril 2017, p. 5 (notez qu’un adjectif qualifiant Askold Lozynskyj a disparu du texte imprimé : il faut donc lire « Askold Lozynskyj toujours actif », adjectif figurant avant la note 5 : http://www.ukrweekly.com/uwwp/author/askold-s-lozynskyj/)
Il convient de préciser, puisque j’y évoque le harcèlement auquel m’ont soumise les organisations « ukrainiennes » de France et de Washington en 2005-2006, que les négationnistes ukrainiens qui ont bénéficié de sidérantes invitations officielles à Paris (Fondation pour la Mémoire de la Shoah incluse) ont pour habitude de malmener les historiens respectant les normes du métier. Les informations qui suivent devraient attirer l’attention des universitaires français disposés à « discuter » avec ces négationnistes, comme cela a été le cas à Paris en mars 2017, d’autant plus que les pratiques décrites ont eu lieu en 2012 et que l’ère post-Maïdan a fait considérablement monter l’agressivité des banderistes.
L’historien germano-polonais Grzegorz Rossolinski-Liebe (https://en.wikipedia.org/wiki/Grzegorz_Rossoli%C5%84ski-Liebe ) est l’auteur d’une thèse, reconnue pour son sérieux scientifique, intitulée Stepan Bandera, The Life and Afterlife of a Ukrainian Nationalist, Fascism, Genocid and Culture, Stuttgart, Ibidem Press, 2014, consultable en ligne, https://dl.dropboxusercontent.com/u/106191065/Grzegorz_Rossoli%C5%84ski-Liebe_Stepan_Bandera_The_Life_and_Afterlife_of_a_Ukrainian_Nationalist.pdf. Il décrit, dans la préface de cet ouvrage quelles pressions académiques se sont exercées contre le choix même de son étude, puis comment, invité en février-mars 2012 par des institutions officielles et académiques allemandes à présenter ses travaux au cours de six conférences dans trois villes ukrainiennes [l’Allemagne disposant d’une énorme influence dans l’Ukraine post-Maïdan], il a été physiquement empêché de le faire, non seulement par « l’extrême droite ukrainienne » des banderistes hurlants mais par aussi des « universitaires ukrainiens ».
Je traduis ici ses propos, traduction dont les anglophones pourront vérifier la conformité avec le texte original également cité : « quand j’ai manifesté l’intention de faire des recherches approfondies sur Bandera et son mouvement et d’écrire sur eux une étude complète, plusieurs universitaires m’ont averti qu’il vaudrait mieux choisir un sujet moins polémique pour une thèse. Effectivement, les réactions à ma recherche et à certains de mes résultats ont dépassé leurs prédictions les plus sinistres. En particulier dans la dernière phase de l’écriture de cet ouvrage, j’ai été exposé à un grand nombre d’attaques contre cette étude et quelquefois aussi contre ma personne.
Ces attaques sont venues à la fois de l’extrême droite ukrainienne et d’universitaires qui considéraient Bandera comme un héros national ou local, et ses partisans comme un mouvement de résistance ou comme le “mouvement de libération” ukrainien. Il y a eu beaucoup de gens pour exprimer directement ou indirectement l’opinion que l’enquête sur des sujets tels que la violence de masse conduite par les nationalistes ukrainiens, le culte de Bandera et la négation de l’Holocauste au sein de la diaspora ukrainienne et des intellectuels post-soviétiques constituait une attaque contre l’identité ukrainienne, et pour mettre en doute l’utilité et l’intégrité de cette recherche.
Quand la Fondation Heinrich Böll, le service d’échanges universitaires allemand et l’ambassade d’Allemagne à Kiev m’ont invité à faire six conférences sur Bandera dans trois villes ukrainiennes fin février et début mars 2012, une hystérie organisée s’est déchaînée, non seulement au sein de l’extrême droite ukrainienne et des universitaires nationalistes mais aussi parmi les universitaires “libéraux” d’Ukraine et certains spécialistes d’histoire de l’Europe orientale d’autres pays. Les organisateurs de la tournée de conférences ont eu beaucoup de mal à trouver des universités ou d’autres institutions qui aient suffisamment de courage pour accueillir mes conférences. On a pu trouver des lieux d’accueil à Kiev et à Dnipropetrovsk, mais aucun à Lviv. Finalement, même les quatre institutions (y compris l’Institut ukrainien Tkuma pour les études sur l’Holocauste) qui avaient donné leur accord pour mes interventions les ont annulées quelques heures avant leur début annoncé. Au final, une seule conférence a pu se tenir dans des conditions de sécurité à l’ambassade d’Allemagne à Kiev. Devant l’immeuble, une centaine de manifestants en colère s’efforçaient de convaincre une centaine d’étudiants, d’universitaires et d’Ukrainiens ordinaires intéressés de ne pas assister à ma conférence, en prétendant que j’étais “le petit-fils de Göbbels” et “un fasciste libéral de Berlin” qui ne comprenait rien au sujet dont il voulait parler.
Les conférences en Ukraine du début 2012 ont été empêchées par deux catégories d’opposants politiques et intellectuels. Le premier groupe était composé d’activistes d’extrême droite du parti Svoboda qui ont intimidé les universités et autres institutions. Le deuxième groupe était composé d’intellectuels et universitaires nationalistes et “libéraux”, qui ont pris contact avec les institutions et ont aussi annoncé au public qu’il vaudrait mieux ne pas m’autoriser à parler du sujet de ma recherche, parce que je n’étais pas un historien mais un “propagandiste” qui voulait salir le pays ou essayer de provoquer une guerre civile et diviser l’Ukraine.
Pendant cette vague d’insultes et de protestations perturbatrices et hostiles, beaucoup de gens, parmi lesquels Antony Polonsky, Delphine Bechtel, Per Anders Rudling, Marco Carynnyk, Andreas Umland, Jared McBride, Mark von Hagen, Arnd Bauerkämper, Christian Ganzer, Frank Golczewski, Anton Shekhovtsov, Gertrud Pickhan, Grzegorz Motyka, Omer Bartov, Simon Hadler, Susanne Heim [presque tous spécialistes de l’Ukraine et des pratiques génocidaires en Ukraine et/ou dans le reste de l’Europe orientale, notamment en Pologne, sous Occupation allemande], et particulièrement ma femme Martina m’ont beaucoup soutenu. Ces gens m’ont convaincu de ne pas prêter grande attentions aux diverses catégories d’hystérie nationaliste et intellectuelle et de me concentrer sur l’achèvement de ma recherche et la publication de l’ouvrage. »
(When I was planning to investigate Bandera and his movement in depth and to write a comprehensive study about them, several scholars warned me that it would be better to choose a less contentious topic for a dissertation choose a less contentious topic for a dissertation. As it turned out, the reactions to my research and to some of my findings exceeded their direst predictions. Especially in the last phase of writing this book, I was exposed to a number of unpleasant attacks on this study and sometimes also on my person. These attacks came both from the Ukrainian far right and from scholars who regarded Bandera as a national or local hero, and his followers as an anti-German and anti-Soviet resistance movement, or as the Ukrainian “liberation movement.” Many people directly or indirectly expressed the opinion that the investigation of subjects such as the mass violence conducted by the Ukrainian nationalists, the Bandera cult, and the Holocaust denial among the Ukrainian diaspora and post-Soviet intellectuals constitutes an attack on Ukrainian identity, and they questioned the usefulness and integrity of such research.
When the Heinrich Böll Foundation, the German Academic Exchange Service, and the German embassy in Kiev invited me to deliver six lectures about Bandera in three Ukrainian cities in late February and early March 2012, organized hysteria was stirred up, not only among Ukrainian far-right activists and nationalist scholars but also among a number of “liberal” scholars in Ukraine and some scholars of East European history in other countries. The organizers of the lecture tour had great difficulty in finding universities or other institutions with sufficient courage to host my lectures. Venues were found in Kiev and Dnipropetrovs’k, but none in Lviv. In the event, even the four institutions (including the Tkuma Ukrainian Institute for Holocaust Studies) that had agreed to my appearance canceled the lectures a few hours prior to their planned start. As a result, only one lecture took place, in secure conditions in the premises of the German embassy in Kiev. In front of the building, about a hundred angry protesters tried to convince a few hundred interested students, scholars, and ordinary Ukrainians not to attend my lecture, claiming that I was “Josef Goebbels’ grandchild” and a “liberal fascist from Berlin,” who did not understand anything about the subject he would talk about. The lectures in Ukraine in early 2012 were prevented by two kinds of political and intellectual opponents. The first group consisted of far-right activists from the Svoboda Party who intimidated the universities and other institutions. The second group was composed of nationalist and “liberal” intellectuals and scholars, who contacted the institutions and also announced in public that it would be better not to allow me to speak on the subject of my research, because I was not a historian but a “propagandist” who would besmirch the country or attempt to spark a civil war and split Ukraine.
During the wave of disturbing and hostile insults and protests, a number of people, including Antony Polonsky, Delphine Bechtel, Per Anders Rudling, Marco Carynnyk, Andreas Umland, Jared McBride, Mark von Hagen, Arnd Bauerkämper, Christian Ganzer, Frank Golczewski, Anton Shekhovtsov, Gertrud Pickhan, Grzegorz Motyka, Omer Bartov, Simon Hadler, Susanne Heim, and especially my wife my wife Martina, were very supportive. These people convinced me not to pay too much attention to the various kinds of nationalist and intellectual hysteria and to concentrate on finishing the study and publishing the book.)
Grzegorz Rossolinski-Liebe, Stepan Bandera, préface, p. 8-10.
Un des soutiens de Grzegorz Rossolinski-Liebe, l’universitaire suédo-américain Per Anders Rudling, autre spécialiste de l’extrême droite ukrainienne, professeur associé à l’université suédoise de Lund, a subi les mêmes avanies, à partir d’octobre 2012, où « un groupe d’organisations ukrainiennes du Canada » (haut lieu traditionnel d’émigration ukrainienne, comme les États-Unis) « a fait signer une pétition remise à son employeur l’accusant de trahir les principes de sa propre université ». 38 collègues, parmi lesquels on retrouve des noms déjà cités, ont signé une « lettre ouverte » pour le défendre (références dans https://en.wikipedia.org/wiki/Per_Anders_Rudling ).
Le second texte est une lettre ouverte à François Rouquet, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Caen, principal organisateur d’un « colloque international » intitulé « Mémoires des massacres (ou crimes de masse) du XXe siècle », sous la double égide du CRHQ (centre de recherche d’histoire quantitative) et du Mémorial de Caen, les 22-24 novembre 2017. Cette session est d’apparence exclusivement universitaire, mais sa problématique, strictement conforme à celle que Stéphane Courtois avait fixée au Livre noir du communisme, l’érige en répétition, vingt ans après, de ce qui n’était pas un ouvrage scientifique, mais une vaste opération politique internationale. À cette date, cette lettre n’a, à mon vif étonnement, pas bénéficié d’accusé de réception.
« La question ukrainienne » demeure en France aussi mal connue que Louis Canet, spécialiste des relations de la France avec le Quai d’Orsay, le déplorait en 1920. Mais elle constitue, comme alors, un « élément considérable du problème européen » (voir Le Vatican, l’Europe et le Reich, p. 260-261), et, c’est de plus en plus vrai depuis les années 1930, un point crucial du sort du monde, comme l’avait fort bien compris Roman Dmowski, homme politique polonais d’extrême droite, que, par exception, la russophobie n’aveuglait pas (son analyse, dans « La question ukrainienne », chapitre de son livre L’avenir de la Pologne, est citée dans mon ouvrage Aux origines du carcan européen, 1900-1960.La France sous influence allemande et américaine, Paris, Delga-Le temps des cerises, réédition augmentée, 2016, p. 150).
Bonne lecture,
Annie Lacroix-Riz
L’ukraine bandero-maïdaniste et l’université française – par Annie Lacroix-Riz
Les banderistes ukrainiens et l’université française : une histoire plus vieille qu’il ne semble
Paru dans la Presse nouvelle magazine n° 345, avril 2017, p. 5
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
« L’indépendance de l’Ukraine » ‑ en bon français, la séparation d’avec la Russie en vue du contrôle de cette caverne d’Ali Baba européenne par une ou plusieurs grandes puissances non russes ‑ constitue un objectif remontant aux débuts mêmes de l’ère impérialiste. Parmi les candidats à la relève, deux alliés et rivaux se sont imposés : 1° l’Allemagne qui, en quête d’espace vital, a soutenu dès avant 1914 « l’autonomisme ukrainien », avec l’appui jamais démenti du Vatican, muni de l’efficace machine de guerre uniate; 2° les États-Unis, qui l’ont, depuis les années 1930, régulièrement accompagnée. Ancienne mais toujours inconnue en France, cette ambitieuse entreprise s’est intensifiée aux États-Unis depuis l’ère Reagan[1], et plus encore après la chute de l’URSS, avec la phase des « révolutions oranges » : l’épisode Maïdan de 2014 et ses suites, décrits, au grand dam des médias dominants français, par le journaliste Paul Moreira (https://www.youtube.com/watch?v=gbJmjjVtqFU) ont promu les forces banderistes-nazies, dont Washington avait sauvé en 1945 puis utilisé sans répit les chefs, Stepan Bandera et Mikola Lebed, et leurs successeurs, en vue d’une désintégration de l’URSS[2].
Cette offensive politique a généré une énorme opération de propagande internationale sous l’égide des États-Unis et de l’Union européenne, sur le thème de la « famine génocidaire en Ukraine » de 1933, dite « Holodomor » (ne manquez pas la recherche Internet, entamée actuellement par « Holodomor 7 millions de chrétiens exterminés par les juifs »). L’offensive ne s’est pas bornée au terrain de masse de la presse écrite et audiovisuelle. Des groupes « ukrainiens », dont l’association « Ukraine 33 », hébergée à sa fondation par l’archevêché de Lyon, et avec Mgr Decourtray pour président d’honneur, s’agitèrent en France dès le début des années 2000. Du côté séduisant, « Ukraine 33 » s’efforçait de conquérir les associations juives et « humanitaires » pour célébrer en commun, via des colloques, les « génocides des Juifs et des Ukrainiens ». Parce que j’avais envoyé en 2004 via Internet, dans le cadre d’un cours de concours, un dossier d’archives diplomatiques démontrant l’absurdité de la thèse « génocidaire », Ukraine 33 déploya d’intenses efforts médiatiques et politiques (jusqu’auprès du président de la République Jacques Chirac) pour me faire exclure de l’université comme « négationniste ».
Du côté moins séduisant, le groupe toujours officiellement voué à la commémoration de l’« Holodomor » (http://ukraine33.free.fr/web/rubrique.php3?id_rubrique=54) est très lié au Congrès ukrainien mondial, sis à Washington et présidé jusqu’en 2008 par Askold Lozynskyj, toujours actif (http://www.ukrweekly.com/uwwp/author/askold-s-lozynskyj/ ), dont le New-York Times avait publié ce courrier du 18 juillet 2002 : « quand les Soviets furent contraints à la retraite devant l’invasion des nazis en juin 1941, ils massacrèrent leurs prisonniers […] d’Ukraine occidentale arrêtés et internés par dizaines de milliers en 1939 […]. Ce fut accompli avec l’aide des communistes locaux, surtout ethniquement juifs. Ce massacre ne constituait malheureusement pas une aberration des œuvres soviétiques en Ukraine. En 1932-33 en Ukraine orientale, les Soviets avaient déjà assassiné environ 7 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ukrainiens au moyen d’un génocide stratégiquement planifié de famine artificielle. L’homme choisi par Joseph Staline pour perpétrer ce crime était un juif, Lazare Kaganovitch. Le célèbre historien britannique Norman Davies a conclu qu’aucune nation n’avait eu autant de morts que l’ukrainienne. Ce qui fut dans une large mesure le résultat des œuvres à la fois des communistes et des nazis. Les Russes et les Allemands étaient des barbares. Mais les juifs étaient les pires. Ils trahirent leurs voisins et le firent avec tant de zèle! »
Les succès remportés par l’opération conjointe de séduction et de châtiment poussèrent les banderistes à l’imprudence : fin mai 2006, à l’Arc de Triomphe, ils rendirent hommage officiel à Petlioura sous la protection des forces de police. La LICRA, qui se rappelait que l’exécution du pogromiste Petlioura par le juif ukraino-bessarabien Schwartzbard, en 1926, était à l’origine de sa création, protesta vivement bien que son président appartînt au même parti que les gouvernants français, dont le ministre de l’intérieur Sarkozy.
L’offensive sembla bloquée, mais la conjoncture « ukrainienne » l’a relancée considérablement. Sa puissance vient de se manifester par l’organisation du 8 au 11 mars d’un colloque à couverture universitaire : « La Shoah en Ukraine. Nouvelles perspectives sur les malheurs du 20e siècle », sous l’égide des publicistes, notoires pour leurs écrits russophobes, Philippe de Lara et Galia Ackerman. Ces solides défenseurs de l’Ukraine de Maïdan ont entraîné dans l’opération l’Inalco, Paris 2 et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, associée à son financement. L’opération, promue par Libération (http://comite-ukraine.blogs.liberation.fr/2017/02/23/un-nouveau-regard-sur-la-shoah-en-ukraine/ ), quotidien auquel la russophobie tient lieu de ligne de politique extérieure, a été tuteurée par l’ambassade d’Ukraine. Celle-ci a fourni, outre la masse de l’assistance fort excitée, les intervenants ukrainiens, dont Volodymyr Vyatrovych, singulier « historien » banderiste connu de longue date (https://en.wikipedia.org/wiki/Volodymyr_Viatrovych ). Celui-ci, au cours d’une intervention dont une vidéo va sans doute être mise en circulation, y a notamment déclaré, entre autres énormités, et sans que les chercheurs français prissent l’initiative de quitter la salle : « nous, Ukrainiens et juifs, nous avons de quoi avoir honte pour nos ancêtres », les uns et les autres ayant également procédé à des massacres.
Les mises en garde d’universitaires étrangers n’avaient pas manqué contre de tels partenaires, ce dont témoignent les articles des 10 et 13 mars du site lescrises.fr
http://www.les-crises.fr/une-histoire-faussee-ne-cree-pas-damis-par-andreas-umland/
http://www.les-crises.fr/un-revisionniste-ukrainien-a-la-sorbonne-ce-week-end-action/
Une des participantes de la session, Delphine Bechtel, germaniste civilisationniste de Paris 4, http://www.les-crises.fr/mensonges-et-legitimation-dans-la-construction-nationale-en-ukraine-2005-2010-par-delphine-bechtel/, attirée dans ce piège, avait cru pouvoir « contrer » cette prévisible tempête banderiste. Elle a admis, au terme d’un colloque sur lequel on attend information complète, que « tout cela [était] très grave et entach[ait] notre université et nos institutions ». Accablée, elle a projeté un « texte commun » de protestation des universitaires français associés à ce désastre, texte qui n’a, à ma connaissance, pas été rédigé. Le serait-il qu’il ne réglerait pas l’essentiel : une fraction de « l’université française » spécialiste de la « destruction des juifs d’Europe » a été associée à cette opération banderiste, aux côtés de pro-banderistes français notoires; et elle n’a, à cette date, ni admis s’y être fourvoyée, ni mis en garde contre les périls imminents. Elle redoute plus que tout une protestation officielle qui mettrait les Ukrainiens invités et leur relais politiques et de presse en mesure « de dire que [les universitaires français participants sont] un ramassis de bolchéviques. »
J’ignore comment les participants français pourront justifier en termes académiques leur présence à une telle session, effarante, tant par son contenu que par sa conclusion : « après le dernier dîner » dudit colloque, qui avait eu lieu « dans un restaurant de la rue Racine, choisi précisément pour son emplacement, les participants ont été invités à se réunir à l’endroit où Petlioura avait été tué par Schwartzbard en 1926. » Il n’a pas été précisé si des Français étaient présents à cette ultime étape des festivités.
La situation est d’autant plus grave qu’une nouvelle étape du mensonge historique assorti du badigeonnage des banderistes se prépare, plus grave encore car sous la seule bannière universitaire : le Mémorial de Caen vient d’annoncer qu’il organisera, les 22-24 novembre 2017, un colloque sur la « mémoire des génocides », d’où « l’histoire » avérée des génocides sera strictement bannie, et où « [les] famines programmées et [les] grandes purges de la Russie soviétique des années 1930 » voisineront, entre autres, avec l’« extermination des Juifs et des Tziganes par l’Allemagne nazie et [la] guerre d’anéantissement à l’Est durant la Seconde Guerre mondiale ». J’en reparlerai.
[1] http://www.historiographie.info/ukr33maj2008.pdf, Tottle Douglas, Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987, en ligne; mon ouvrage Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, 2010.
[2] Richard Breitman et Norman Goda, Hitler’s Shadow: Nazi War Criminals, US Intelligence and the Cold War, National Archives, 2010, http://www.archives.gov/iwg/reports/hitlers-shadow.pdf, chap. 5 « Collaborators : Allied intelligence and the Organization of Ukrainian Nationalists », p. 73-97 et https://vimeo.com/151994776 (« La campagne internationale sur “La famine en Ukraine”, de 1933 à nos jours », 14 janvier 2016)
Lettre ouverte à François Rouquet
Lettre à François Rouquet sur le colloque de novembre 2017
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