C’est donc une ministre de la dictature Kagame au Rwanda qui va prendre – sur ordre de Macron – la tête de l’organisation internationale de la francophonie. Une honte – au regard de la nature de ce régime dont le président vient de se faire « réélire » avec 98% des voix et dont on ne sait que trop le rôle joué dans les guerres qui sèment désolation et massacrent dans la région . Un scandale alors que le Rwanda a remplacé en 2008 le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école, avant de rejoindre le Commonwealth, pendant anglophone de l’OIF. C’est d’ailleurs en anglais que Paul Kagame avait annoncé la candidature de sa ministre.
Michaëlle Jean, candidate soutenue par le Quebec a dénoncé «les petits arrangements entre États»: «sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes?».
Cette nouvelle action de Macron, contre la langue française, une langue en partage de plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde et en premier lieu en Afrique, n’est pas une surprise. Elle participe de sa politique de classe, au service de la dictature du Capital, dont le banquier devenu occupant de l’Élysée sait parfaitement que les ordres et l’idéologie sont en Wall Street Globish
Macron et le Franglais : une question de classe
Ce mardi 9 octobre 2018, Emmanuel Macron était présent à la Station F, cette fameuse “pépinière de startups” située à Paris, que l’on a longuement vantée dans les journaux comme un modèle du genre, un lieu indispensable pour l’innovation en France, notre Silicon Valley de poche, j’en passe et des meilleures. Il a donné un discours pour le moins surprenant, déjà par son contenu, s’opposant frontalement à un “entrepreneur” qui déclarait dans un tonnerre d’applaudissements “mon ennemi c’est l’URSSAF”, vantant les mérites du modèle social français qu’il s’emploie par ailleurs à détruire méthodiquement. Brillant exemple de son “en même temps” dont il est facile de déceler qu’il n’est qu’un enfumage visant à nier l’existence même de la contradiction. Mais nous n’allons pas gloser ici sur l’inconsistance notoire du chef de l’État, car le sujet est tout autre. Comme le notait le Huffington Post, l’ami (des riches) Macron a employé un langage très particulier dans son discours. Alors qu’il allait s’exprimer en anglais, l’auditoire réclame qu’il fasse usage du français, ce qui est plutôt logique dans un lieu qui se veut la vitrine de la “French Tech”. Le président s’excuse donc, et reprend son discours dans la langue de Molière. Mais voilà qu’il ne peut s’empêcher de faire étalage de sa maîtrise de tout un vocabulaire absolument inaccessible à quiconque n’a de ses cours d’anglais qu’un maigre souvenir, employant à répétition des mots tels que “privacy”, “space and defense”, “lead”, “early stage”, “commodity”, “bullish”, “disrupter”… À bien noter qu’il s’agit là non pas de termes absolument intraduisibles en français, on pourrait employer à la place les suivants, respectivement: “vie privée”, “espace et défense”, “direction”, “première étape”, “marchandise”, “haussier” et pour le dernier… “révolutionner” si l’on se permettait de travestir quelque peu les mots, mais la révolution est tout au plus une plaisanterie pour ces messieurs de la French Tech(nocratie). On parlera donc de disruption, et c’est tant mieux car il serait abject que l’idée révolutionnaire soit salie par des capitalistes macroniens.
Que signifie ce vocabulaire ? Le chef de l’État, premier représentant de la Nation n’est-il pas censé incarner la France et sa langue? Certes non, car cela ferait de Macron un révolutionnaire. Mais tout de même, n’y aurait-il pas lieu de s’étonner que dans le pays qui passe pour le mauvais élève de l’Union européenne en termes d’apprentissage de l’anglais (voir le lien à la toute fin de l’article), le dirigeant le plus haut placé du pays montre un tel engouement pour la langue de Shakespeare ?
C’est là oublier deux choses essentielles:
– un tel phénomène n’échappe pas à l’existence des classes sociales, il relève même directement d’une lutte des classes,
– la France est un pays où la lutte des classes se joue d’une manière particulièrement tendue, où toutes les classes sociales ont bien moins l’illusion du “vivre ensemble” (entendez la collaboration harmonieuse des partenaires sociaux, négation de l’idée de lutte des classes) que dans les pays de souche protestante, où la religion a une influence diffuse de pacification.
Ce langage macroniste qui nous “disrupte” à tout va n’est pas autre chose que celui d’une classe dirigeante. On lira beaucoup de “disruption” et autres “lead” dans les manuels de management qui forment une source précieuse pour l’étude de l’idéologie dominante de ces patrons cools. Ceux-là, qui forment la “société civile” qu’aiment tant les macronistes – parler de peuple n’est plus possible, pensez donc parler de prolétariat – se veulent l’antithèse du patron pré-mai 68, le vieux patriarche austère, car eux sont “modernes”, “disruptifs”, ils innovent, on peut boire le café avec eux, aller jouer à la pétanque chez eux le samedi soir pour bosser le weekend tout en se relaxant, pourquoi pas même fumer un joint avec eux tant ils sont cools. Pourtant sous ces airs d’ouverture et de fraîcheur, ils forment une caste de gestionnaires du capital qui manifestent par tous leurs gestes quel mépris du peuple et de la révolution ils entretiennent. En effet, leur langue managériale n’a pour autre effet que de prouver à eux-mêmes et à leurs employés combien ils appartiennent à un autre monde, combien on ne peut prétendre être légitime à diriger quoi que ce soit si l’on ne fait pas étalage de marqueurs culturels bien spécifiques. Contre le “gaulois réfractaire”, le “startupper”, mondialiste, cosmopolite, qui n’a de patrie autre que le profit et ne peut s’imaginer une seule seconde avoir quoi que ce soit de commun avec cet arriéré de salarié qui n’a jamais eu le besoin ni l’intérêt d’apprendre la langue de Shakespeare, qui ne peut rien comprendre à la disruption et aux affaires des grands de ce monde, car tous parlent anglais entre eux, et uniquement anglais, l’Anglais du conseil d’administration de Goldman Sachs.
Pourquoi devons-nous en tant que communiste dénoncer cela ? On entendra bien vite émerger les reproches faits à notre pôle : nous serions des social-chauvins, des rouge-bruns, nous nous disons patriotes mais ne sommes que nationalistes, etc. Faut-il rappeler à ces philistins que s’ils n’avaient pas été patriotes, les Francs-tireurs partisans n’auraient pas fait preuve d’un tel héroïsme face à l’occupant ? Faut-il même rappeler que négliger l’étude du fait national est pour les marxistes le meilleur moyen de s’égarer entre un cosmopolitisme abstrait qui fait grand tort à l’internationalisme, ou pire encore dans un chauvinisme étroit ? Si nous défendons la langue Française pour les Français, ça n’est aucunement parce que nous considérons qu’il s’agit de la plus belle ou de la plus fonctionnelle des langues, car il y a des termes emprunté à d’autres langues dont il serait absurde de nier l’utilité, un exemple au hasard pourrait être le “leitmotiv” allemand, que nombre d’autres langues reprennent. La question n’est pas non plus celle d’un rejet de l’anglais en tant que tel, car nous avons tout intérêt à ce que chacun apprenne le plus de langues possibles, en général parce que la vie humaine s’en trouve enrichie, et en particulier parce que l’internationalisme se nourrit de la capacité des militants à se comprendre. Il s’agit bien plus de signaler le caractère de classe d’un certain emploi de l’anglais, langue de la “mondialisation”, langue dont la version utilisée par nos startuppers disruptifs est une version proprement capitaliste, n’ayant en commun avec celle d’un prolétaire anglophone que la forme, et non le fond idéologique.
Plus que jamais se pose donc la question de l’indépendance de classe, qui va de pair avec l’indépendance nationale, sans quoi l’internationalisme n’est qu’un vain mot. Cet “entre les nations” (de l’étymologie inter-national) que nous voulons construire ne peut se faire sainement que s’il assume son caractère prolétarien en actes comme en paroles. Ce que montre le discours de Macron, c’est que la parole n’est jamais innocente, qu’aucun discours politique ne peut échapper à son caractère de classe, et qu’ainsi l’anglais managérial se révèle en dernière instance un moyen d’oppression et un formidable vecteur de mépris pour les travailleurs.
Français, ne laissez pas votre langue se faire “disrupter” par les capitalistes apatrides qui vendront votre pays au fasciste le plus offrant dès que vous menacerez leurs profits !
Thibault- JRCF