Critique gastronomique pour le magasine Elle, connu sous le pseudo de Léo Fournaux, Thierry Wolton a également été un journaliste du très réactionnaire hebdo, Le Point. Puis intervenant dans un cours contre le communisme à l’Ecole Supérieure de Commerce Paris Europe dite Sup de Co, une école fondée et controlée directement par le patronat.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages anticommunistes. Aymeric Monville, éditeur, lui répond dans une tribune.
Un spectre hante Wolton
Dès l’époque où le communisme hantait déjà l’Europe, force est de constater qu’en matière d’embardées polémiques Sa Sainteté le Pape Pie IX décrivant les communistes et autres modernistes comme « buvant du fiel de dragon dans le calice de Babylone » avait d’emblée, pour ainsi dire, posé la barre très haut. Dans le style inquisitorial, il trouve encore chez nos contemporains quelques épigones. Ainsi, rivalisant dans l’ubuesque et l’hénaurme, les livres contre le communisme de Thierry Wolton s’étaient déjà signalés à notre attention par leur caractère volontairement outrancier et involontairement comique. Dès leur titre, on peut remarquer que M. Wolton a pris la célèbre déclaration de Hegel « l’histoire du monde est le tribunal du monde » un peu trop au pied de la lettre.
En effet sa récente trilogie :
– Histoire mondiale du communisme. I. Les bourreaux- Histoire mondiale du communisme. II. Les victimes- Histoire mondiale du communisme. III. Les complices, nous révèle qu’il s’agit là d’une littérature pamphlétaire qui réjouira certainement les amateurs, mais dont la lecture ne semble guère indispensable au débat scientifique.
La vie en rouge et brun
J’envisageais, un temps, de me plonger dans un ancien ouvrage du même auteur portant sur le phénomène dit « rouge-brun », voulant par là comprendre quels fondements factuels pouvaient recouper pareille aberration ou pareil oxymore. Je pense désormais pouvoir m’en dispenser étant donné que le dernier opus de M. Wolton, consacré aux « négationnistes de gauche« , montre que ce qualificatif ne signifie absolument rien tant M. Wolton juge qu’il sied comme un gant et de manière même « classique » – bigre ! – à mon camarade et ami Georges Gastaud : « nostalgique du stalinisme, doublé d’un farouche nationaliste, selon un mélange rouge-brun classique ».
M. Wolton aurait pu lire, avant de débiter ses âneries, l’ouvrage « Marxisme et universalisme » de Georges Gastaud. Il y aurait vu que le philosophe y renouvelle, en des analyses imprégnées de haute culture marxiste l’internationalisme bien compris, c’est-à-dire la coopération entre les nations.
Mais peut-être que parler de nation, même dans le cadre internationaliste, est-il déjà suspect aux yeux de M. Wolton ? Sans doute ce dernier se sent-il l’audace de qualifier également de « rouge-brun » le troisième article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel le principe de toute souveraineté repose essentiellement sur la nation ?
Rappelons également que Georges Gastaud est l’un des premiers à avoir, et au nom du PRCF dès 2004, reparlé en termes programmatiques du Conseil national de la Résistance en martelant sans cesse que ce programme excluait par principe les deux principaux responsables de la collaboration, à savoir le grand patronat et… l’extrême droite.
Quant à la prétendue nostalgie du stalinisme, il est notoire que Georges Gastaud n’a jamais fait partie de ces marxistes-léninistes toujours adeptes dudit culte de la personnalité et a toujours revendiqué l’examen critique de toute l’histoire du communisme, y compris des erreurs de ce qu’il appelle à juste titre le « primo-socialisme ». On peut le vérifier dans tous ses ouvrages. Mais M. Wolton lit-il les ouvrages dont il parle ? Il est à souhaiter pour M. Wolton que Georges Gastaud prenne cela sur le ton de l’humour et non sur le terrain juridique.
J’ai nié Goebbels, c’est grave docteur ?
Dans ce même livre pour rire de M. Wolton, votre serviteur se voit personnellement blâmé comme responsable de la publication de livres jugés négationnistes. Je commettrais, par exemple, l’erreur d’éditer un livre qualifiant les massacres de Katyn de « crime nazi« .
Sur ce point, je plaide bien volontiers coupable. Après lecture (et édition) de l’ouvrage de Grover Furr « L’énigme du massacre de Katyn. Les preuves. La solution », je m’estime convaincu par le fait qu’on peut à bon droit nier la thèse de Joseph Goebbels, à savoir que ce sont les Soviétiques et non les nazis qui ont exécuté plusieurs milliers de prisonniers polonais dans la forêt de Katyn.
On ne peut arriver à la conclusion inverse qu’en donnant du crédit aux documents remis par Eltsine au gouvernement polonais, qui contient notamment un faux grossier : une lettre de Staline à Béria datant de 1940 avec le tampon du Comité central du PCUS, nom du parti communiste qui n’aura cours qu’à partir de… 1952. On ne peut arriver à la conclusion inverse qu’en niant les découvertes du charnier de Volodymyr-Volynskyï (2011-2012), lieu de massacre de populations d’Ukraine occidentale par les SS. Les chercheurs y ont ainsi exhumé deux badges de soldats polonais censés avoir été exécutés, selon la version dite officielle, à… 1200 kilomètres de là. Découverte qui a conduit immédiatement à l’arrêt des recherches par les autorités ukrainiennes et polonaises…
On ne peut arriver à la conclusion inverse qu’en prêtant foi au rapport nazi, concocté, visiblement, avec une telle hâte, qu’il fait, par exemple, état d’une lettre écrite en allemand à un directeur de camp par un soldat polonais, ce qui montre que les prisonniers polonais étaient passés par un camp nazi avant leur exécution.
L’auteur – et son humble éditeur français – attendent donc les contradicteurs de pied ferme. Pour l’instant, nous rencontrons surtout des indignés, non des contradicteurs. Autre chose : nos éditions voudraient, selon M. Wolton, faire croire que « la Grande terreur est un coup monté par Iejov ». On doit à l’agent de l’IRD, Robert Conquest, l’expression « Grande Terreur » utilisée en lieu et place de ce que les Soviétiques appelaient la « Iejovchtchina » (la « sale période de Iejov »). Je reconnais bien volontiers que Iejov ne peut être tenu à lui tout seul pour responsable de toute cette période (1937-1938), mais j’aimerais savoir quelles preuves peuvent être avancées pour postuler l’innocence de ce dernier et la nécessité de traiter l’histoire soviétique en anglais et non en russe ?
En règle générale, il est amusant de constater que la volonté d’établir un négationnisme pour l’époque stalinienne conduit, qu’on en soit conscient ou pas, à blanchir les menées nazies. En effet, il serait, d’après l’idéologie dominante, négationniste de prétendre que les procès de Moscou ont le moindre fondement. Donc les nazis n’ont jamais cherché à saboter l’industrie soviétique entre 1933 et 1941 ? Donc les nazis n’ont jamais cherché à avancer leurs pions comme ils l’ont fait en France, par exemple, via par exemple Otto Abetz ou d’autres agents ?
Poursuivons. Selon M. Wolton, nous nous ferions, aux éditions Delga, négateurs des vérités établies par le rapport Khrouchtchev. Cette affirmation, sans précision supplémentaire, permet de faire croire au profane que nous nierions certains faits comme l’existence du système pénitentiaire appelé Goulag (dont le rapport, pourtant, ne parle pas). En revanche, doit-on croire sur parole le fait que Khrouchtchev ait décrit Staline comme dirigeant ses armées au moyen d’une simple mappemonde, c’est-à-dire sans se servir des cartes d’état-major ? Ce fait contredit les témoignages de Churchill, d’Harriman et tant d’autres quant aux compétences militaires de Staline.
Nous sommes, enfin, accusés d’avoir contesté, de par nos actions d’éditeur, l’ampleur des victimes de la famine en Ukraine de 1932-1933. C’est inexact : le livre, publié par nos soins, de Mark Tauger, spécialiste incontesté de l’agriculture soviétique, se borne à remettre en cause le caractère artificiel de la famine, tout en montrant que c’est la collectivisation qui a mis fin à la famine. Encore une fois, il est déplorable de constater que M. Wolton ne lit pas les livres dont il parle.
Où les colonnes d’Hercule du grotesque sont franchies
M. Wolton juge, on le voit, aux titres des couvertures. Il aime aussi, visiblement, s’en prendre aux morts (Domenico Losurdo, Jean Salem) à moins qu’ils ne sache même pas que ces derniers ne sont, hélas, plus en mesure de lui répondre. Ou bien il frappe à l’aveugle, au petit bonheur la chance, sur tout ce qui bouge et se publie aux éditions Delga. Ainsi de Vladimiro Giacché, jugé coupable, si l’on croit notre polémiste, d’avoir inspiré M. Jean-Luc Mélenchon et qui n’aurait pas le droit de qualifier l’annexion de la RDA de « Second Anschluss » tant la réunification n’est, selon M. Wolton, qu’un chemin pavé de roses. Ainsi de Monika Karbowska, à qui notre bouillant contradicteur reproche d’éprouver de la nostalgie pour la Pologne populaire. On peine à comprendre en quoi cela relèverait du négationnisme. Ou bien doit-on comprendre que cette insensée historienne franco-polonaise mériterait une bonne psychanalyse pour que cesse enfin cet intolérable déni de son enfance martyre dans la Pologne socialiste? On le voit à ce dernier trait, cette traque du négationnisme prend chez M. Wolton un tour véritablement obsessionnel. C’est vrai qu’ils sont fatigants ces gens qui nient les vérités révélées. Il y a même cette Annie Lacroix-Riz, historienne, à qui M. Wolton reproche son « hypercriticisme« . Encore une insensée! Qui a dit que l’histoire devait être critique ?
Tout ce que nous pouvons souhaiter à notre polémiste, c’est donc de ménager ses méninges endolories par ces critiques intempestives, de prendre un peu de repos, tout en lui prodiguant un conseil : avant d’écrire il faut d’abord savoir LIRE. Quant à nous, nous prendrons le parti d’en rire, cette polémique ne grandissant personne. La seule chose qui nous console, dans cette affaire, est de nous voir implicitement contester la légitimité de notre catalogue par nos confrères de la maison Grasset. Laquelle juge toujours utile de porter le nom de leur fondateur condamné après la guerre à la dégradation nationale. En prenant les modestes éditions Delga comme leur antagoniste, elles n’ont, somme toute, pas fait un mauvais choix.
Aymeric Monville, 2 février 2020
Le négationnisme de gauche – Thierry Wolton
Extrait
La citation qui débute votre papier est de Flaubert. De même, le principe de toute souveraineté réside dans la nation et non pas sur elle.
Cordialement.
O. Rolland
Merci pour votre commentaire. Flaubert citait l’encyclique « Qui pluribus », c.-à-d. Pie IX. Merci aussi pour la correction sur la DDHC, on peut demander au webmestre de la porter, mais n’ayant pas mis les guillemets je m’étais autorisé à citer en substance. Cordialement. A. Monville