Alors que les actions violentes d’une ultra minorité de végan suscitent un certain émoi médiatique, masquant d’ailleurs les questions de fond concernant la politique d’alimentation, www.initiative-communiste.fr souhaite si vous permettez le jeu de mot alimenter le débat par cette contribution d’Antoine Manessis.
Mon bifteck et l’humanité.
par Antoine Manessis – 3 octobre 2018
Des véganes intégristes ont cassé et/ou tagué la vitrine d’artisans bouchers ; d’autres ou les mêmes ont incendié un abattoir laissant 80 travailleurs en chômage technique et une région désemparée.
Soyons clairs : la consommation de viande dans les pays développés doit diminuer. Les scientifiques et les médecins sont unanimes pour nous expliquer les méfaits de la sur-consommation de viande pour l’environnement et la santé. Cela dit, il reste plusieurs aspects à prendre en compte loin des raccourcis sectaires.
La viande fait partie de l’histoire de l’Humanité et de nombreuses études ont montré que développement du cerveau des hominidés et de la consommation d’aliments carnées ont suivi la même croissance. Surtout, depuis des millénaires, la viande a marqué nos cultures, nos façons d’être. La viande pour tous fut dans certaines périodes historiques une revendication populaire.
Mais en ce domaine comme en d’autres, il faut s’interroger sur le caractère de classe de la problématique. Ainsi, les classes populaires sont contraintes de se nourrir des produits (y compris la viande quand elles peuvent s’en acheter) de qualité médiocre. De fait, l’augmentation des prix de la viande de 20% ces dix dernières années s’est traduit par un recul général de sa consommation du même ordre de grandeur. Selon le Secours populaire, un Français sur cinq ne peut pas se payer trois repas par jour en 2018, et 17% des Français ont des difficultés financières pour manger de la viande une fois par semaine. Et ces chiffres ne traduisent pas la différence de qualité de la viande consommée par les riches ou par les plus pauvres, Que les véganes n’oublient pas que des pour des millions de nos concitoyens, la question est celle des fins de mois difficiles par manque d’argent et non la surconsommation dénoncée. Selon le ministère de l’agriculture, 4 millions de Français dépendent pour se nourrir de la banque alimentaire. Les classes dominantes, elles, ont accès au meilleur, une donnée que les véganes ayant attaqué les boucheries ou poissonneries semblent oublier. De même, n’oublions pas que certains peuples dans les pays du Tiers-Monde n’ont aucun accès à la viande : ceux-là ne sont pas dans le surconsommation mais dans la sous-alimentation.
En conséquence, moins mais mieux et le mieux pour tous pourraient réunir les personnes de bon sens. Par ailleurs, personne ne conteste la prise en compte du bien-être animal, même si la recherche du profit maximum – là encore, on n’échappe pas à la politique – entraîne les dérives justement stigmatisées. Une agriculture paysanne et raisonnée implique un traitement convenable des animaux, mais se heurte aux logiques capitalistes du secteur agro-industriel. Seul un gouvernement populaire et démocratique, seul le socialisme peuvent entamer un processus visant à la satisfaction des besoins de tous, à la pluralité des approches et des goûts, pour l’accès de tous au meilleur, et ce en prenant en compte la problématique du bien-être animal.
L’intérêt général est donc porté par le monde du travail car celui-ci, en défendant « son bifteck », œuvre à l’émancipation de toute l’humanité. Les antagoniques intérêts de classe sont porteur du mouvement vers le progrès en tous domaines si, et seulement si, les intérêts du travail l’emportent sur ceux du capital.
Bien entendu, rien ne se fera sans lutte, sans hiérarchiser les priorités, sans donner du temps au temps. Mais le tendance sera à ce que l’organisation socialiste de la société permettra d’envisager des solutions positives aux problèmes de l’humanité tel que l’intérêt général l’exige. La capitalisme, au contraire, impose la logique du profit d’une infime minorité contre les intérêts et même la vie des peuples. On le constate avec les conséquences désormais évidentes du capitalisme : destruction des femmes et des hommes par l’exploitation, de la faune et de la flore, alimentation de mauvaise qualité, maladies et obésité à la clef, air irrespirable, rivières et océans pollués, réchauffement climatique porteur de crises majeures, guerres pour toujours plus de fric.
Plutôt que casser une boucherie artisanale, tous les militants véganes devraient plutôt se poster devant les grandes surfaces et dans un travail d’éducation populaire, afin d’expliquer : 1) ce que sont les produits vendus par les hypermarchés et l’industrie agro-alimentaire, le pourquoi et le comment de cette course folle vers la catastrophe par un capitalisme exterministe ; 2) qu’il faut combattre les grandes firmes transnationales (FTN) produisant à la chaîne les engrais, pesticides et autre produits aux conséquences néfastes pour la santé animale, végétale et humaine ainsi que pour les questions climatiques ; 3) que la solution réside dans un changement de paradigme économique, social et politique : le socialisme devant se substituer au capitalisme.
Espérons une prise de conscience salutaire et urgente chez les activistes véganes les plus radicaux, qu’il ne faut pas confondre avec tous ceux qui font un choix raisonné, dont l’action contre-productive et provocatrice ne peut que servir un État déjà très policier qui laisse curieusement agir une poignée d’énergumènes. À moins que cette agitation stérile n’ait pour but d’éviter les vrais questions et les bonnes réponses.