Avec l’accession au second tour du FN, quelques voix se réclamant du gaullisme entretiennent la confusion et se lancent dans l’aventure du soutien à une candidate et un parti ennemi de la République. Pourtant à l’heure du second tour, les gaullistes qui se respectent sauront à l’évidence se méfiez des contrefaçons et reconnaitre avec le FN ce qui est un ennemi de la France.
N. Dupont Aignan : à bas la République !
Le pseudo-gaulliste a ainsi trahi l’aspect respectable du gaullisme dont il se réclame en ralliant la candidate de l’extrême-droite.
Reniement grave car de Gaulle a toujours eu l’extrême-droite contre lui chaque fois que son patriotisme l’a emporté sur sa classe.
Cela va du 18 juin 1940 et la condamnation à mort de de Gaulle par le traître Pétain à sa politique d’indépendance nationale vis à vis des États-Unis, le retrait de l’organisation militaire de l’OTAN ou la reconnaissance de la Chine rouge.
Sans oublier les assassins de l’OAS dont certains furent parmi les fondateurs du FN.
L’exemple que représente ce ralliement d’un homme de droite à Le Pen est une brèche dans laquelle risquent de s’engouffrer d’autres membres de la droite classique. C’est un pont de plus entre droite et extrême-droite.
Ce ralliement intervient d’ailleurs au moment même où le FN tombe totalement le masque sur la question européenne en indiquant ne pas vouloir sortir de l’Union Européenne et de l’Euro, après avoir déjà confirmé ne pas vouloir sortir de l’OTAN.
Le refus de E.Macron et de ce qu’il représente ne peut en aucun cas justifier un tel reniement des principes auquel NDA prétendait se réclamer. Ce dernier porte un coup au vrai patriotisme en démontrant que la droite est incapable de porter le véritable combat pour la souveraineté du peuple et de la nation.
La leçon de ce ralliement est que le Frexit ne peut être que progressiste, qu’il ne peut être crédible que par la porte de gauche. Comme en 1871 ou en 1940 c’est seulement en confiant au mouvement ouvrier la défense de la patrie que celle-ci peut être défendue en mettant en synergie l’émancipation sociale et l’émancipation nationale. En mêlant les plis du drapeau rouge à ceux du drapeau tricolore.
AM pour www.initiative-communiste.fr
Notons que dès mai 2013, le PRCF avait dénoncé la porosité et la proximité entre Dupont Aignan et le FN
Amis gaullistes, méfiez-vous des contrefaçons
Il fut un temps où Mme Marie-France Garaud, alors candidate à l’élection présidentielle de 1981, n’osait se présenter comme officiellement gaulliste sans rougir. Évoquant le « gaullisme de Londres et de la résistance, intransigeant, exigeant et solitaire », qu’elle n’avait, pour des raisons chronologiques évidentes, pas pu connaître, elle ajoutait, modeste : « Si on me demande si je suis gaulliste, je réponds que je n’oserais jamais le dire » (émission « Cartes sur Tables », 1981). C’était encore un temps béni d’antique pudeur, avant que les Henri Guaino, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan et autres petits malins n’arborent crânement la croix de Lorraine pour mieux faire la danse du ventre devant l’électorat au front bas.
Je ne m’appesantirai guère sur ces écrivaillons qui débitent les discours cache-misère de la bonne vieille droite, sur ce néogaullisme devenu un genre littéraire pseudo-lyrique du sarkozysme finissant. Fermez le ban.
Mais l’heure n’est pas seulement aux sarcasmes, mais aux nécessaires analyses.
La presse vient de nous présenter le ralliement de Mme Marie-France Garaud à la candidate du prétendu Front national comme le soutien inattendu d’une gaulliste « historique », « vintage » (L’Express). Outre la vulgarité de ces adjectifs qui ne rendent pas l’hommage dû au charme et à la malice immarcescibles de Mme Garaud, c’est néanmoins le substantif « gaulliste » qui constitue à nos yeux la vraie pierre de scandale. Car tous les parfums d’Arabie ne pourraient blanchir l’époque où Lady Garaud fit prendre au dit gaullisme le virage à droite qui l’amène aujourd’hui là où elle est.
L’éminence grise d’une éminence brune?
Si on peut rattacher Mme Garaud à un courant politique, c’est stricto sensu au plus modeste pompidolisme.
Et nous parlons de ce qu’il y avait dans le pompidolisme de plus réactionnaire, dont la mesure est donnée par la figure de Georges Albertini (1911-1983), ancien collaborateur devenu mentor de la droite gouvernementale, surtout après Mai-68, car De Gaulle avait su le tenir raisonnablement à l’écart, notamment au moment des accords d’Évian et du rapprochement avec l’Union soviétique qui n’étaient évidemment pas du goût de l’ancien collaborateur.
Depuis les premières révélations de Pierre Assouline en 1986, puis la biographie de Jean Lévy suivie de celle, plus « autorisée », de Pierre Rigoulot, ou enfin les documents fournis par l’Histoire secrète du patronat – qui firent état d’une longue lettre programmatique qu’Albertini envoya à l’Elysée à l’arrivée de Pompidou au pouvoir (et que ce dernier respecta presque à la lettre) -, on en sait plus sur le rôle de Georges Albertini dans la politique française, et notamment dans l’immédiat après-De Gaulle, à l’époque de confrontation de la droite avec la gauche unie dans le programme commun. Ce rôle est écrasant.
Sur l’influence exercée par Georges Albertini, on peut se contenter d’évoquer un ministre de Pompidou, cité par Assouline : « Son influence sur Pompidou était certaine mais plus encore celle sur son cabinet, Pierre Juillet et Marie-France Garaud… J’ai eu moi-même l’occasion d’assister à la nomination de ministres dont les noms avaient été suggérés par Albertini. Quand Pompidou voulait se renseigner plus précisément sur un homme politique, un industriel ou un banquier, il le consultait. Et à l’extérieur, on savait qu’on pouvait s’adresser à Albertini pour faire passer quelque chose à Matignon. Sur un coup de fil, il pouvait dîner avec n’importe quel ancien, actuel ou futur ministre… »
Newsweek pouvait donc bien, en 1973, qualifier pour la galerie Marie-France Garaud de « femme la plus influente de France ». Ce n’est pas simplement par féminisme que nous devons déplorer le fait qu’elle n’était alors, s’il faut en croire les documents précités, que l’éminence grise d’une éminence… brune. Pourquoi brune? Rappelons qu’ Albertini était en effet un collaborateur de sang, numéro deux de Marcel Déat, et appelait dans les colonnes du National populaire, journal du RNP, à de véritables appels au meurtre : « Il ne convient plus seulement de souhaiter la victoire de l’Allemagne. C’est la terreur qu’il faut mettre à l’ordre du jour. Cela veut dire qu’il faut une loi, des suspects et des exécutions capitales. Le sang doit couler en France. » (29 novembre 1942, cité in Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, La Découverte, 2009). Pour comprendre de quel groupe, Albertini était « l’idéologue », on se reportera avec profit à l’ouvrage d’Annie Lacroix-Riz, Industriels et banquiers français sous l’occupation (Armand Colin, éd. revue, 2013) et notamment à l’index aux entrées Pucheu, Lehideux, Berthelot, Guérard, Bichelonne, etc.
Georges Albertini ne dut le prolongement de sa funeste carrière qu’à ses accointances avec la banque Worms, ancienne mécène de Jacques Doriot, et bien entendu à son intransigeance anticommuniste. Et c’est à ce trait géopolitique d’inspiration « occidentaliste », qu’on reconnaît l’influence qu’il aurait exercée, selon certains, sur Mme Garaud. Assouline ajoute, notamment :
« Malgré sa santé de plus en plus mauvaise, il multiplie les contacts, mais son influence décroît, bien qu’une éminence grise sortie de l’ombre et formée par lui, Marie-France Garaud, ait pris le relais de ses idées. Sa marque sur la pensée de Mme Garaud se retrouve dans son raisonnement à l’échelle planétaire et dans la dimension géopolitique de ses démonstrations… » (Pierre Assouline, L’Histoire, n »20, juin 1986)
Doit-on prendre à la lettre cette filiation accablante ? Mme Garaud n’a évidemment rien d’une fasciste en jupons. Mais il faut noter que sa proximité avec l’extrême-droite ne date pas de son récent ralliement au FN, et que l’anticommunisme virulent, dont elle a souvent fait montre (y compris sans vergogne au micro de Radio Courtoisie!) emprunte beaucoup plus à l’esprit de la revue Est-Ouest, animée par Albertini et le renégat Boris Souvarine, qu’à la position gaullienne, beaucoup plus pondérée en la matière.
En effet, en reconnaissant le rôle de l’Union soviétique dans la libération du pays, le général ne défendait pas seulement les intérêts nationaux de la bourgeoisie française, loin du bellicisme étasunien – rappelons que tous les historiens sérieux, depuis William Appleman Williams et son école, ont démonté la thèse de l’agressivité après-guerre de l’Union soviétique, sortie épuisée du conflit mondial. Ce faisant, De Gaulle reconnaissait implicitement – et il était temps – le rôle du PCF dans la reconstruction et la libération de la patrie. Contre ceux qui serinent donc toujours ce si vichyssois « communistes, pas français », rappelons en passant que les communistes du monde entier ont des sentiments d’internationalisme prolétarien qui supputent une solidarité de classe mais nullement une solidarité d’État à État.
Loin de cette fidélité contrariée dont faisait preuve le général à l’esprit glorieux du CNR, c’est au contraire, sous Pompidou, à une union de la droite contre le communisme que Georges Albertini puis ses mentors se sont attelés. C’est en effet Albertini qui a permis le recyclage en masse de tous les anciens du groupe « Occident » dans la droite gaulliste. Depuis, les flux « migratoires » semblent s’être inversés et ce sont aujourd’hui les gaullistes qu’on recycle. Mais l’idée est toujours la même : la constitution d’une droite forte pour contrer l’émergence d’un nouveau Front populaire, ou du moins d’une dynamique révolutionnaire des forces de gauche.
Alors, Marianne, par la plume de Jack Dion, reproche à MFG d’avoir « tout oublié », en faisant mine de lui reprocher le reniement de son gaullisme qualifié d’intransigeant, voire d’orthodoxe. Est-ce incompétence de leur part ou délicatesse excessive, ou enfumage?
« Tout oublié » ? Plutôt « rien appris ni rien oublié », sans doute. Fatiguée de porter sa misère hautaine, ce rêve d’Eschyle éclos au climat des autans qu’est Mme Garaud retourne au bercail de la future France que Marine Le Pen nous promet « en ordre ». Depuis l’alliance entre Pasqua et de Villiers (qui avait propulsé Mme Garaud au parlement européen), c’est un tournant proprement contre-révolutionnaire dans le gaullisme qui est entériné. Un tournant anti-Lumières que n’aurait certainement pas toléré un Malraux, un crachat sur les valeurs évangéliques qu’aurait désavoué un Mauriac.
Jusqu’où cela ira-t-il ?
Garaud gaulliste ?
Certes, l’extrême-droite va certainement se jeter sur l’occasion pour transformer cette adhésion récente en combat des prétendus vrais patriotes contre la finance. Mme Garaud détesterait-elle en Macron le banquier qu’il fut, alors qu’elle officiait déjà pour un président de la République ancien directeur de la Banque Rothschild et écoutait, si l’on suit donc M. Assouline et alii, les conseils de M. Albertini, conseiller politique de la banque Worms, depuis qu’il avait été recruté par Hyppolite Worms lui-même dans les prisons de la Libération. À d’autres ! Et n’essayons pas de prendre au sérieux les prétextes de la sortie de l’UE et de l’euro, à propos desquels Marine Le Pen continue de souffler le chaud et le froid, toute heureuse de pouvoir bénéficier d’une monnaie d’échange sur ce sujet dans ses négociations avec la droite plus classique. Ce qui prime dans ces milieux, ce n’est pas tel accord avec l’UE, l’OMC, ou tout autre cadre, ce sont les intérêts de classe trop évidents entre toutes lesdites « droites en France » auxquelles on n’oublie toujours, dans la tradition de René Rémond, d’ajouter le courant fasciste.
Dans un récent débat, fort intéressant par ailleurs, avec un cadre de l’UPR s’exprimant en son nom propre, M. Laurent Dauré, j’ai évoqué précisément l’absence de base de classe autonome du néogaullisme aujourd’hui. C’était juste avant le premier tour et je suis prêt à renouveler ce constat car je ne pense pas avoir été contredit, bien au contraire, par le faible score de M. François Asselineau, qu’on peut regretter, et ces ralliements néogaullistes en forme de capitulations.
Néanmoins, je reconnais bien volontiers qu’il existe toujours une sensibilité gaullienne, une « certaine idée de la France », un gaullisme de style, d’attitude, de pensée, c’est celui, immortel, de la fidélité au colonel Louis Rossel, dont le père de De Gaulle, bien qu’homme de droite avait transmis à son fils l’héritage. Ce gaullisme-là n’a plus de soubassement économique, mais l’appel du 18-Juin, s’il n’efface nullement le rôle clef des communistes dans la résistance armée, lui, reste immortel. Si nous voulons rester fidèle à « l’éternel écho des nations qui ne veulent pas mourir » que lançait l’appel de Cochin, rédigé sans doute par une Marie-France Garaud alors mieux inspirée, ce n’est pas à la réconciliation des droites et des exploiteurs de tous pays qu’il faut appeler, mais sans doute à la thorézienne « véritable réconciliation du peuple de France », à l’alliance du « drapeau tricolore de nos pères » et du « drapeau rouge de nos espérances ».