Dans un récent article, nos jeunes camarades des JRCF reviennent sur des enseignements à tirer de la politique sanitaire en Kanaky : l’éclatant succès de la politique zéro covid. La réduction très importante de la mortalité par rapport à la France hexagonale ou même la polynésie française et des départements d’outre mer des Antilles – autant de territoires sous l’égide d’institutions penchant à droite toute, doit faire réfléchir sur l’apport d’une politique résolument à gauche, c’est à dire au service des intérêts populaire, à travers la souveraineté populaire.
Politique sanitaire en Nouvelle-Calédonie
La Kanaky-Nouvelle-Calédonie a décidé de reconfiner son territoire le 7 septembre 2021 à la découverte de plusieurs cas positifs dans l’archipel : le nombre de cas contact étant passé de 117 le jeudi 9 septembre à 565 le 12 septembre. Un décès a été enregistré le 10 septembre chez une personne âgée atteinte de comorbités[1], mais depuis le chiffre monte à 24 décès[2]. Séparé par plusieurs milliers de kilomètres, ce territoire possédé par la France est très mal connu par les habitants de la métropole. Faisons donc le point sur la situation sanitaire et sur ce qui est mis en place par les autorités du pays.
Le territoire a longtemps été « covid-free », c’est-à-dire que le virus ne circulait pas. Les mesures précédentes de confinements étaient justifiées par le fait d’empêcher toute entrée du virus sur le territoire, une circulation de celui-ci étant pour toutes les forces de la Nouvelle-Calédonie, aussi bien Indépendantistes kanaks que Loyalistes[3], une véritable catastrophe à cause du sous-équipement en matière médicale. Le virus étant présent, les autorités ont dû prendre plusieurs mesures, dont la fermeture des liaisons aériennes (jusqu’ici l’accès au territoire était restreint avec une quarantaine de 15 jours obligatoire à l’arrivée) sauf pour le personnel médical.
Avant l’arrivée du virus et le nouveau confinement, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie a anticipé une possible arrivée du variant delta dans l’archipel et a engagé une réflexion sur la prévention de ce risque avec tous les « partenaires sociaux » de divers secteurs durant les « Assises du Covid » de Nouméa le 27 août 2021[4]. Entre autres il y avait des médecins, des membres du gouvernement indépendantiste et des grands patrons. A cet égard, il est bien entendu normal pour nous communistes en métropole d’être un peu circonspects en entendant parler de réflexions des « partenaires sociaux » entre des courants progressistes – se référant pour certains a minima au marxisme scientifique et au socialisme – et le patronat, car chez nous cela signifie en creux une institutionnalisation du syndicalisme et une baisse réelle du droit des travailleurs. En Nouvelle-Calédonie c’est plus compliqué. Cela fait suite aux « évènements » des années 80 (un mot du vocabulaire colonial pour désigner la quasi-guerre civile) et aux accords de paix suivis ensuite par les Accords de Nouméa qui ont obligé les deux parties qui se faisaient la guerre – le peuple kanak originaire de l’île et les français issus de la colonisation – à discuter pour éviter tout affrontement armé. Ce processus de dialogue est depuis parfaitement institutionnalisé du côté des kanaks qui l’utilisent entre eux pour obtenir la décision qui satisfait le plus de monde. Bien sûr, cela ne plaît pas à tous les progressistes kanaks et cela n’empêche pas non plus d’avoir recours à des mouvements sociaux quand le dialogue est sourd. Pour revenir aux Assises, les discussions portaient sur la capacité à vacciner le plus grand nombre de calédoniens, l’ouverture des centres de vaccination, la multiplication des diagnostics et des tests, une réflexion sur le protocole en milieu scolaire, etc.
Un autre élément à bien avoir en tête dans cette crise et qui constitue un tournant pour l’archipel, c’est que l’année 2021 marque pour la première fois l’arrivée d’un indépendantiste kanak à la tête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit de Louis Mapou, membre du Palika (Parti de Libération Kanak), organisation se référant au marxisme scientifique et fer de lance du FLNKS. En fonction depuis le 16 juillet 2021 après plusieurs mois de bataille chez les indépendantistes ayant arraché la majorité au Congrès. C’est donc sous le mandat d’un élu indépendantiste et dont les opinions sont orientées à gauche que se déroule la crise sanitaire : en plus d’être une bataille pour la santé publique, il va s’agir de montrer que les kanaks qui demandent l’indépendance sont capables de gérer les affaires du pays lors d’une période qui s’annonce sombre.
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie appelle donc au respect des gestes barrières. Au tout début, celui-ci tentait de convaincre du bienfait de la vaccination comme étant la seule réponse scientifique dûment éprouvée pour lutter contre le virus[5], avant que le Congrès calédonien ne vote le 3 décembre l’obligation vaccinale[6]. Ce qui en fait le quatrième territoire au monde à légiférer sur ce point après le Turkménistan, le Tadjikistan et le Vatican. Il y a quelques jours, des sanctions viennent même d’être prévues en l’absence de vaccination d’ici le 31 octobre pour des secteurs sensibles[7]. A noter que le gouvernement et des opposants se sont montré prêts à accepter d’autres vaccins que Pfizer (le seul disponible pour le moment) afin de couvrir au mieux la population, ce qui laisse penser à une plus grande ouverture d’esprit que celui de notre gouvernement ayant rejeté d’un revers de main les vaccins russe et cubain.
Le but de cette politique est bien entendu de retrouver une vie normale et de refaire partir l’économie. C’est l’objectif des capitalistes afin de retrouver leurs profits, mais c’est aussi celui des forces progressistes du pays qui n’ont eu de cesse depuis plus de 20 ans de vouloir démontrer leur capacité à gérer l’économie, ceci afin de faire taire les critiques pointant à titre prévisionnel la faillite que serait une indépendance, comme nous en avions parlé dans un précédent article au sujet des dissensions sur l’avenir de l’usine de nickel de la Province Sud[8].
La Kanaky-Nouvelle-Calédonie a pu prendre toutes ces mesures car dans le cadre des Accords de Nouméa de 1998, ce territoire possède un partage de souveraineté avec la France. L’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 liste les compétences du Congrès calédonien (sorte d’Assemblée nationale) comme par exemple la protection sociale, la politique de santé, le contrôle aux frontières y compris sur les questions sanitaires, etc. : un certain nombre de points qu’ils utilisent à l’heure actuelle.
En guise de conclusion, rappelons que les accords de Nouméa ne permettent pas seulement une délégation de souveraineté mais aussi l’organisation de trois référendums sur l’indépendance. Les deux premiers ont eu lieu en 2018 et 2020. Le dernier a été déplacé au 12 décembre 2021. Covid-19 ou non, les forces progressistes kanaks font campagne pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ambroise-JRCF.
[1]« Covid-19 : la Nouvelle-Calédonie déplore son premier décès en lien avec la pandémie de Covid », Nouvelle-Calédonie 1ère, 10/09/2021.
[2] « Covid-19 : confinement prolongé en Nouvelle-Calédonie après le décès de 7 personnes en 24 heures », Le Parisien, 17/09/2021.
[3] Anti-indépendance d’origine européenne majoritairement.
[4]« Les « assises du Covid » débouchent sur plusieurs axes de propositions », Nouvelle-Calédonie 1ère, 27/08/2021.
[5] En ce sens, voir le dernier communiqué du Bureau politique du Palika du 14 septembre 2021.
[6]« Le journal des Outre-Mer. Obligation vaccinale pour la Nouvelle-Calédonie », France TV info, 05/09/2021.
[7] « Obligation vaccinale : plusieurs arrêtés pris par le gouvernement », Nouvelle-Calédonie 1ère, 16/09/2021.
[8] « Quelques éléments sur l’industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie », JRCF, 24/01/2021.