Ce livre est un événement dans le monde de l’édition, tant par son sujet que par la manière d’aborder ce dernier. Il s’agit d’un témoignage, celui d’une personne ayant pu comparer entre eux deux modes de vie, le soviétique et l’occidental. L’analyse, passionnante en elle-même, s’enrichit encore de l’évocation de la vie de cette personne, de ses enthousiasmes, de ses amours et de ses regrets. Cette évocation n’est cependant pas gratuite : elle constitue un trajet d’individuation offrant, dans son mouvement dialectique, la perspective d’une renaissance, celle de l’Union Soviétique disparue.
1- Un récit de vie.
Soviética se présente au premier abord comme un récit de vie, retraçant l’itinéraire d’une femme née en Union Soviétique, et ayant émigré aux Pays-Bas, puis en Irlande. Itinéraire qui, à travers le récit de ses amitiés et de ses amours, lui permet de relater quelques différences essentielles entre les différents modes de vie. Tout d’abord dans le rapport au travail. Jénia Kalachnikova (le nom de cette femme dans cette biographie) note une différence dans les attitudes du travailleur face à son travail. Par exemple, si en Occident on remarque des incohérences dans l’organisation du travail, il est impossible de soulever ces questions, sous peine de se faire licencier. Un autre exemple : Jénia dénonce le sourire obligatoire prôné par les sociétés occidentales, en particulier par McDonald’s, chez qui on lui demandait de sourire alors qu’elle était en cuisine et n’avait aucun contact avec la clientèle. Jénia oppose à cette injonction du sourire l’esprit de sérieux des Soviétiques, pour qui il est hors de question d’arborer à tout bout de champ le « sourire du jeune chiot ».
Jénia aborde aussi la question des études, dans lesquelles elle relève des différences importantes, et premièrement la question du coût, important en Occident, tandis qu’en URSS les études se signalaient par leur gratuité. De plus Jénia regrette le dilettantisme qu’elle trouve en Occident, et qu’elle oppose au systématisme dont elle avait l’habitude en URSS.
Enfin, les relations interpersonnelles, qui forment comme la trame de cette biographie. Jénia note qu’en Occident elles sont fondées sur des rapports d’argent, avec une hypocrisie mal dissimulée, et qu’elles sont trop souvent teintées de racisme, particulièrement aux Pays-Bas. Jénia Kalachnikova rappelle que la fortune de l’Occident trouve son origine dans la traite négrière et la colonisation. Si le racisme, et Jénia le regrette, n’est pas absent de l’URSS, il y est contrebalancé par l’attention aux autres prônée par l’idéologie soviétique.
2- Paradis perdu.
Jénia Kalachnikova se rappelle avec nostalgie ses années d’enfance dans l’isba familiale, qui lui ont apporté une formation de base solide, dans laquelle la lecture et la correspondance ont pris une part considérable. La jeune Jénia entretient ainsi une correspondance abondante avec des personnes du monde dit « de l’Est ». En outre, les références culturelles de Jénia sont innombrables et quasiment inconnues en Occident, sauf pour celles qui ont été produites en Occident justement. Elles concernent surtout le cinéma et la chanson. Un lecteur né à l’Ouest se rend vite compte qu’il y a chez lui un déficit culturel, et qu’il ignore tout de la culture des anciens pays de l’Est. De quoi s’interroger sur la signification de l’expression « être ouvert sur le monde ».
A chaque occasion, Jénia rappelle que l’amitié entre les peuples est un concept fondateur de l’Union Soviétique, et elle décrit son pays comme un vaste melting pot où cohabitent des gens de toutes nationalités, et où les longs voyages sont fréquents. La question de la nationalité n’était d’ailleurs jamais mise au premier plan, ce n’était pas ainsi qu’un être humain se définissait. Au cours de ses études, Jénia cohabitait au sens propre du terme avec des personnes d’autres nationalités de l’URSS et de ce que l’on appelle le tiers-monde, en particulier l’Afrique.
Enfin, Jénia insiste sur le fait que les relations interpersonnelles étaient fondées en URSS sur la solidarité. Et tout d’abord dans la famille, qui en Russie était à prendre au sens large du terme ; et Jénia la compare avec la cellule familiale occidentale, réduite aux parents et aux enfants. Plus largement encore, Jénia insiste sur l’esprit d’entraide des Soviétiques, soulignant, exemples à l’appui, qu’il n’était pas question d’avoir un accident dans la rue sans que personne ne s’inquiète.
3-Un livre de combat.
Dès le début, Jénia se caractérise par son rejet des « valeurs occidentales », et dénonce l’hypocrisie qui sous-tend ces valeurs qui se disent individualistes et sont en fait égoïstes. En particulier, Jénia rejette le mode de vie des Pays-Bas. Et si, au début, elle est attirée par l’Irlande, c’est pour mieux être déçue par la suite. Son attirance et son intérêt vont en fait au « tiers-monde ». Mais elle est étonnée par la fascination des habitants de l’île de Curaçao pour tout ce qui est américain. L’Amérique sait vendre le concept de liberté, ce qui n’est pas sans provoquer le rire sardonique de Jénia concernant la liberté de l’Occident, qui en substance est la liberté d’écraser les autres…
…Ainsi que le montre la pérestroïka. Jénia, si elle a une pensée émue pour Andropov, condamne sans ambages Gorbatchev et Eltsine. Les effets de « l’accélération », puis de la « pérestroïka », sont pour elle négatifs : c’est ainsi qu’elle reçoit un choc en voyant pour la première fois un milicien armé (d’une matraque) et, au-delà de l’anecdote, elle décrit longuement les effets de la politique voulue en haut lieu : l’indifférence aux autres, les vols, pour ne pas dire le pillage des ressources de l’URSS, les arnaques, les assassinats, le crime enfin tenant le haut du pavé.
Jénia, valorisant l’idéologie soviétique, dévalorise par la même occasion tout ce qui se met en place, et la plupart du temps avec raison. C’est ainsi qu’elle dénonce l’incompétence des nouveaux dirigeants, à tous les niveaux. La dérisoire stupidité envahissante dans le domaine culturel et télévisuel, qu’elle oppose à l’intelligence recherchée dans l’époque soviétique. La vanité des nouvelles stars de la télévision et de la chanson. Et, par contraste, Jénia décrit comment un complexe industriel miraculeusement demeuré dans le modèle soviétique se développe et développe des réalisations utiles à la population.
Ainsi, la défense des valeurs soviétiques est aussi un combat contre l’obscurantisme. Jénia ne nie pas qu’il y ait eu des problèmes en URSS, mais, pense-t-elle avec force, rien d’insurmontable.
4 – Mensonge permanent et manipulation des masses.
Cependant, au début, Jénia s’était elle aussi laissée entraîner par le vent du changement. Jeune et inexpérimentée, elle suivait la mode. Ce qui a déclenché sa prise de conscience politique c’est, assure-t-elle, la guerre dans les Balkans et son grand mensonge. C’est là qu’elle a pris la mesure de la capacité de nuisance de l’impérialisme, et de son caractère irréformable.
C’est alors que le rôle du matraquage des informations, de la publicité, de tous les moyens de manipulation des masses forgés par l’Occident, lui est apparu clairement. Il est devenu très difficile pour elle de discuter politique au bureau.
Mais dans la pérestroïka aussi, raconte-t-elle, le rôle des médias a été prépondérant. La presse russe se partageait alors entre la presse « conservatrice » et la presse porteuse du changement, la revue Ogoniok en particulier. Le remplacement des valeurs soviétiques par de nébuleuses « valeurs humaines universelles », relevant de la manipulation mentale de grande ampleur, est leur oeuvre.
Dans Soviética, deux modèles humains s’opposent. Un modèle fondé sur la fascination de la richesse, et un autre modèle fondé sur le développement personnel. Jénia rapporte comment les discussions en Occident, avec ses collègues par exemple, étaient limitées et ennuyeuses, surtout après l’événement de la guerre en Yougoslavie. Elle souligne l’importance de la culture et du sport en URSS, facilement accessibles, à la portée de chaque citoyen soviétique.
Enfin,
elle regrette que l’enseignement du marxisme-léninisme, qui aurait pu apporter
aux soviétiques une connaissance plus approfondie de l’Occident, ait été plus
théorique que pratique en URSS. Cet enseignement a prêté le flanc aux critiques
des étudiants, qui le trouvaient facilement trop ennuyeux et sans grande
relation avec leur expérience de la vie.
Ce qui ressort de Soviética, ouvrage très riche qu’aucune analyse
n’épuisera, c’est qu’il est encore possible de combattre pour une société
meilleure, et de prôner contre l’égoïsme de la course à l’argent, la richesse
du développement personnel. Cet ouvrage apporte le témoignage selon lequel,
contre l’idéologie occidentale, il existe des valeurs soviétiques qui ne
demandent qu’à renaître.
par Gavroche pour www.initiative-communiste.Fr
Bonjour,
J’ai lu son livre qui m’a beaucoup plu et conforté dans mes opinions pro-soviétiques. Quand j’étais enfants, mes parents, avec mes frères et sœurs nous passions chaque été, deux mois en Bulgarie socialiste (de 1970 à 1978). Très loin de l’image que nous donnait la propagande impérialiste, j’y ai passé mes plus belles vacances d’été dans un pays superbe, progressiste, et j’en passe… ! Une de nos amis bulgares qui était plus pro-royaliste, n’a jamais été inquiétée pour ses idées (étonnant pour une soi-disant dictature…). Bref, ce livre m’a rappelé de très bon souvenirs.
Je pense qu’en tant que (vrais) communistes, nous devrions combattre aussi pour redorer le blason de l’URSS et des pays frères, montrer les réalisations progressistes de ces pays, etc…. Cette propagande anti-RDA est tout bonnement insupportable, par exemple pour les 30 ans de la chute de ce mur qui était justifié (le mur pas l’anniversaire de sa chute).
VIVE LE MARXISME-LENINISME et LA REVOLUTION PROLETARIENNE!
Geoffroy.