Poème dramatique pour une Commune en sursis
Barbara Y. Flamand
Poétesse communiste belge
P a r i s
J’ai vu le ciel bleuir, j’ai vu le ciel rougir
Et toutes les colères
Indignes ou fières
Frapper dans ma poitrine leur millésime et leur cri.
Tout ce qui est humain, tout ce qui est inhumain
A patiné mes pierres
Depuis toujours sur un volcan assises.
Mais…
Un spasme.
Ma face rassurante craque.
Au bout d’une hampe
Mon rire grince et claque rouge.
Je recouvre la peau de la jeunesse,
Je hurle mon titre :
Je suis Paris !
À posséder,
À engrosser
De tendres lionceaux et de voleurs d’avenir.
Que l’Occident pavoise mon front rafraîchi !
Ah ! Vous me voyez lasse
De tant d’espoirs morts nés
Après que je flambe,
La cendre toujours recouvre mon pavé.
Le maître de toujours me reprend.
A nouveau me voici odalisque, putain,
Flattée de fanfreluches, gavée de vin.
Mais…
Pinçant mes entrailles,
Le désir de sauvages noces
Quand le paria
Dans ma chair déploiera son paradis.
° ° °
Chroniqueur
- Après le siège, après la famine, après que Thiers eût livré Paris aux Prussiens malgré sa résistance, après qu’il eût tenté de
désarmer la garde nationale, le peuple prend d’assaut l’Hôtel de Ville et Thiers s’enfuit. Après les élections le 28 mars 1971,
la Commune est proclamée.
L u i
Notre souvenir : une plaie
Une plaine givrée, mitraillée
Où on ne sépare plus le mort du blessé.
Aux flancs de la cité, les yeux caves
Que font les obus
S’enfiévraient au premier soleil.
Ce fut la joie de la terre aperçue
Après une traversée sans boussole.
Nos bras haut levés pour grandir nos statures,
Nous avions de féroces appétits :
Tout le pouvoir entre nos mains
Tannées.
Elle
Nous voulons vivre avec la rage qui rejaillit des tripes des vaincus,
De notre pâleur même
Et des terres calcinées.
Le rire à nos larmes
Arrache notre gorge.
Il monte aux lèvres,
Il triomphe,
Il fuse
Et dégringole des buttes comme un lutin ivre
Éperdu.
P a r i s
V’là qu’y m’enlèvent mon suaire
Et m’font une gueule tout’ rouge.
R’garde -moi, hé soleil !
C’est Paris qui prend ta place.
Les prolos d’par derrière les frontières
Y n’ont d’yeux qu’pour moi.
J’suis la grande tentation
Qui leur brûle les doigts.
Thiers et ses foutriquets
Bismarck et ses Prussiens
Y z’avalent des hosties
Et d’mandent à Dieu
Des renforts pour qu’y m’fusillent.
Mais Dieu s’met au rouge, lui aussi.
Dans les églises, on apprend l’catéchisme
Qui dit qu’au commencement
Ben…y a qu’la Commune.
L u i
Voilà pourquoi la terre et les quatre saisons.
Voilà pourquoi mon corps mon amour l’œillet
Les charmilles et la Seine
Ménilmontant Vincennes
Voilà pourquoi les Alpes et les déserts d’Afrique.
Le monde entrouvre ses mystères jusqu’aux Amériques.
E l l e
La République Universelle
C’est de Paris qu’on l’appelle.
L u i
Et voilà pourquoi la première bulle d’air.
Mon amour, de ce jour l’ordinaire
Prendra un tour magique :
Du dard du soleil sur nos blessures
Naîtront des anges
E l l e
Et de la geste originelle, des enfants.
La vie galope sur les tombeaux,
Chaque fleur boit sa goutte de sang
Pour irradier le printemps d’émaux.
Et la Commune vivra !
Paris
Alors habillez-là d’armures,
Gainez-la de cuivre
Que chaque balle contre elle lancée
Ricoche contre le crâne de l’ennemi et le brise.
Hérissez-la de pointes de feu
Qu’elle soit le flamboyant défi
Aux orgies de Versailles,
Le spectre coutumier assis dans sa nuit,
La grande peur qui l’achève sur sa couche dorée
L u i
Le mot Fraternité fut écrit
Et le mot Bonté.
De haine le bon droit n’est pas nourri,
Il se suffit.
Chroniqueur
Après avoir rejeté l’idée de marcher sur Versailles, la Commune s’attache à des réalisations sociales. Son programme militaire, flou et incohérent, se borne finalement à entretenir la garde nationale. Les portes de Paris sont peu ou pas gardées et non plus fortifiées.
E l l e
Partout s’épanche la confiance
Comme une mamelle trop pleine.
La Commune c’est le sourire qui fleurit
Sans qu’on y pense, la tête perdue
Dans un océan de projets.
C’est de nos aînés le sang perdu et récupéré,
Dans nos poitrines un espace supplémentaire,
Une musique intérieure qui allège l’atmosphère.
P a r i s
Ah chère canaille !
L’injustice n’a donc pas entamé ta candeur.
La Commune c’est l’œillet le drapeau les chants
Comme si par sa grâce le monde fut délesté de brigands.
Combien de fois serais-je assassinée
Sans que tu aies compris
Que le bonheur n’est pas d’amollir son nid.
Le bonheur que vise Paris se gagne au tournoi.
Paris veut des aigles des faucons
Griffes étendues sur leur domaine contre toute évasion.
Ah chère canaille dont la bonté est l’Idéal !
Le bien n’est bien que s’il combat le mal.
Dans un duel permanent toute beauté s’érige,
Dans la vie au moindre degré,
Un tentacule déjà s’avance qui veut broyer.
Je n’aurai de quiétude
Que mes remparts blindés,
Toi prête au feu
Et le cœur sans pitié.
Chroniqueur
Des espions et ennemis de tous bords traversent librement Paris. La banque de France que la Commune n’a pas réquisitionnée envoie des fonds secrets à Thiers. Bismarck lui renvoie ses prisonniers pour reconstituer une armée. Mais dès le 3 avril, Thiers avait
déjà entrepris des opérations militaires et des soldats versaillais livraient des escarmouches aux portes de Paris.
P a r i s
Des corps étrangers circulent dans mes veines,
Ils auscultent mon pouls, inspectent mes failles,
Ils me feront au cœur de mortelles entrailles.
Mes hommes, mes femmes professent leur foi
Et croient que le courage fait figure de loi.
Une haine de granit soutient le corps mou de Versailles.
Ses moqueries m’atteignent en coups de fleuret
Et ses canons se calent contre mes reins.
La bave de Thiers a terni notre drapeau :
La France croit qu’un repaire de vauriens
Campent dans mes impasses et jouent du coute
L u i
La Commune oscille
Le non toujours combat le oui.
Mais la Commune est forte qui est honnête
La Commune est forte qui chante.
Ce soir, mon amour,
Nous irons aux Tuileries.
E l l e
J’me fais dame. J’m’enfile un caraco.
C’est pas pac’que j’suis un’ communarde
Qu’j’peux pas froufrouter itou.
La Commune c’est l’théâtre
Qu’j’avais jamais vu,
Les lumières les velours les balustrades,
C’est les gueux aux Tuileries.
C’est l’temps d’dire « J’t’aime »
C’est l’temps d’dire « T’es beau »
L’canon : un gros chien qui aboie sans faire peur.
Thiers : une marionnette dans l’guignol versaillais.
Paris c’est moi qu’l’a mise au monde ;
Faudrait pas qu’ces salauds posent leurs pattes
Sur c’t enfant d’douleurs.
Chroniqueur
La nuit du dimanche 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris par le Point-du-Jour.
P a r i s
Nuit douceâtre, voile qui masque la vérité,
Tu m’écorches, tu m’étouffes dans tes duvets bleutés.
Je pressens le glaive
Et je suis en alerte.
Que font mes gardes ?
Où sont mes guerrières ?
Ils ne découvriront donc jamais l’astuce
Tapie sous l’écorce des choses quiètes ?
Le tumulte aux creux du silence ?
Sabots de chevaux. Poussée d’escadron.
Mes portes cèdent.
Dans une haleine d’été, le malheur s’insinue.
Trop tard, il est là !
Répandu en feu d’artifice.
Il est là !
Dans les bruits de lames sans pardon,
Dans les obus aveugles,
Dans les mains qui n’ont que solde pour patrie,
Dans les fronts obstinés au meurtre,
Dans les mâchoires pierreuses des faux justiciers,
Dans l’arrogance des galons d’or.
Il est là le malheur
Face à ma palpitation affolée.
L u i
Paris, rassure-toi !
C’est contre nos barricades que les reitres lancés
Écraseront leur monture, hennissante, apeurée
Sous leur charge alourdie des plombs de nos fusils
Paris, rassure-toi !
Dans tes ruelles, derrière tes buttes,
Tu es imprenable.
Ton antre est la forge qui bronza notre foi.
Ils ne t’auront pas !
Dans la masure qui fut son berceau,
Le peuple s’est fortifié de tes racines ;
Il a coulé dans ta boue ses membres épais
Que la peur ne traverse pas.
Il t’a épousée dans l’intimité de ta misère.
Entre tes lézardes et sa chair,
Il n’y a pas de distance pour le repli.
E l l e
Mon amour,
Sur notre lit de suie,
Sur mon sein
Déchaîne le flux des violences souterraines
Qui dénient la mort.
Dans notre sexe condamné
Écoute
La rengaine du dernier mai en fleurs.
Peut-être n’avons-nous pas joué
Toutes les gammes de notre jeunesse ?
Reste à connaître encore une morsure
Cuisante
Telle la flamme courant sur Paris.
Non ! La Commune ne peut être prise.
On ne sépare pas l’ombre du corps.
Charge ! Charge !
Notre amour
C’est désormais la rencontre de nos mains
Chauffant le même canon.
P a r i s
Elle avance l’armée de Thiers
Batteries récurées pour le jeu de massacre.
Ai-je vu plus injuste combat
Depuis que la guerre suinte des civilisations ?
Quel cri hurler à ces torses bombés
De haine pour les pénétrer ?
Frères ? Ils n’en sont pas.
Auteuil Passy les Batignolles
Raclées sous le fer.
Elle avance l’armée de Thiers
Perce-cœur
Perce-murailles
Guillotine ambulante.
La Seine rouge roule mon sang
Vers des collines d’hommes sourds.
Elle avance l’armée de Thiers
Montreuil la Villette Belleville.
Au massacre, il faut joindre le plaisir :
Me déchiqueter, me lacérer, m’éventrer
De mille manières,
Et broyer l’Idée en saccageant mon corps.
Mais qui peut empêcher la France
De manger à mes entrailles dispersées ?
Et ma dernière goutte de sang
Figée sur ma ruine
De briller comme un phare sur la mer
Des incertitudes ?
Elle avance…
J’entre dans le temps sans aurore
Sans sommeil
Sans couleur
Du vivre au souffle court
Du survivre.
L u i
Paris : un morceau de terre tombée
De la planète
Dont l’heure ne s’accorde
Avec aucune heure,
Un îlot traversé de faisceaux d’incendie,
Un gémissement qui se maîtrise,
Un poumon criblé de trous
Qui respire encore.
Seule,
Perdue, perdue, avec sa dernière barricade
Ebréchée.
E l l e
Paris a ses secrets,
Des forces malignes dorment dans ses soubassements
Qui les libèrent à l’appel suprême.
Le gamin chétif déroule un bras de géant,
La puissance de la femme échappe
Aux lois de son corps,
Obstacle invisible
Projeté devant la meute.
P a r i s
La raison n’est plus de soutien
Ni la pensée
Ni la parole.
La vie engouffrée dans un geste répété
Comme un exorcisme.
La Commune s’achève.
Chroniqueur
Le dimanche 28 mai à 14 heures,
derrière la barricade de la rue Ramponneau,
le dernier fédéré fait le dernier coup de
feu puis s’enfuit.
P a r i s
Ô mai des lilas roussis
Des rossignols empalés à l’arme blanche
Dans l’horreur béante
S’ouvre ton dernier dimanche,
Mai des jardins ossuaires
Mai des étoiles noyées dans le sang
Mai des constellations épouvantées,
Mois des fusillés, passe…passe…
Va colorer ailleurs les bouches vivantes.
Il ne reste à Paris que des chairs pourrissantes
Et des croix à fleurir.
Ici les potences poussent en une nuit
Au bord des rues,
Le Tribunal du Jugement Dernier
Me couvre de ses ailes de corbeau.
Autant que la baïonnette
Le jugement ici assassine.
Je vois des hommes de foi rougir
D’un passé encore chaud,
Le frère d’hier est désigné au bourreau,
Les échines aguerries au feu
Craquent sous la terreur.
La galerie diamantée mange des yeux
Les dernières convulsions du drapeau insurgé.
O mai des enfances éteintes passe…passe…
Il ne reste ici qu’un cirque barbare,
À chaque bourgeois sa part saignante de fédéré,
À chaque bourgeois son repas de fauve.
Les plumitifs s’enivrent aux orgies
Et dégobillent sur la Commune égorgée
La fiente de leurs tripes pourries.
L’air est cruauté, l’air est souillure,
Il veut rouiller les résistances les plus dures.
Paris qui voulait inventer des anges
Grouille comme une fosse aux reptiles.
Et pourtant chaque jour des hommes et des femmes
Entrent dans la tombe le front haut
Lançant un dernier vivat.
Alors, l’âme de la Commune surnage,
Anémone blanche sur le marais putride des vainqueurs.
Heureux mes héros éventrés aux barricades !
Heureux le front qui n’a pu survivre à son rêve
Et s’est désigné aux projectiles*
Heureuse la mort brève !
Maintenant commence le lent supplice
Nuques ployées, plaies ouvertes
Sous les griffes sataniques de la foule
Baïonnettes jouant sur les corps dépecés
Et les marches vers les forts, les rades, les îles.
Avancez forçats !
Le goupillon se secoue mais pas pour vos âmes maudites,
Dieu à nouveau bourre sa pipe dans le boudoir des riches.
Avancez forçats d’une seule chaîne !
Faites grincer vos os aux galères !
Écoutez la jactance du fouet
Avec vos crânes verts !
Hommes et femmes d’un seul printemps
D’une courte flambée
Savourez la mort par petites bouchées !
Paris VOTRE Paris commence sa seconde agonie.
(*)Allusion au suicide de Delescluze
Paris
ou
Le poème de l’amour renversé
Je vous hais hommes liges du Pouvoir
De toute la profondeur de mon deuil solitaire
De tout le courage de mes héros tombés
De tout le silence des tombes profanées
De toute la stupeur des enfances atrophiées
De toute la vigueur des bourgeons d’avril
De tout le mystère des bouches qui se rencontrent
De toute la beauté des bouches qui se joignent
De toute la blancheur des vies en gestation
De toute la jubilation des forêts printanières
Je vous hais hommes liges du Pouvoir
Homme paille courtisans de l’Assemblée
Hommes-pourceaux d’indécentes libations
Hommes-stupre des catins de haut prix
Hommes-boursiers des sueurs au rabais
Hommes- vampires des guerres fratricides.
Je vous hais puissants obscènes.
Vous régnez sur mon visible domaine
Mais ne pouvez m’arracher mes cadavres
Que j’épouse en mes profondeurs.
Vous ne pouvez empêcher Paris de chanter pour eux
De sa voix intérieure et tremblée
Qu’aucune cour martiale ne peut condamner.
Paris apologétique
Ils étaient faits d’une glaise ordinaire,
Ils avaient des gestes appartenant à tous,
Ils disaient des mots appris avant eux,
Ceux dont je connais le nom
Et ceux dont je ne le connais pas.
C’est le mot VIVRE qu’ils ne dirent pas
De la même manière.
Un seul mot à pénétrer,
Lui mettre le nerf à vif et s’obstiner
À le confondre avec
Commune
République
Socialisme
Amour
Liberté.
Voilà ce qu’ils firent
Ceux dont je connais le nom
Et ceux dont je ne le connais pas.
Hommes et femmes des matins pensifs,
Quel lever de soleil vous révéla
Les lois essentielles sous la poussière
De Paris ?
Hommes et femmes des sièges et des famines,
Quelle main déposa dans votre cœur
Le rubis qui ne s’altère jamais ?
Et toi, la Vierge Rouge,
Prêtresse des chemins mystiques
Vers les Jésus dépenaillés,
Quelle force soutint ta vie comme un orbe ?
Dans quel bouge visité entendis-tu
La vibration de l’âme supplémentaire ?
L’appel des hautes cimes ?
Hommes et femmes de mes replis intimes,
Cœur véritable de Paris
Cœur multiple de Paris
Je vous baise au creux de vois souffrances
Je vous statufie dans ma mémoire immortelle
Je vous sacre parmi mon peuple souterrain
Je vous sacre parmi mon peuple à venir
Je vous sacre dans les cieux à créer,
Vous dont je connais le nom
Et vous dont je ne le connais pas
Venus dans les bras rudes
De la liberté.
* * *
P a r i s
Je suis la brillante
Sourire d’accueil posé
Sur ma tour mon parvis,
Une bouche de plaisir
Ouverte sur la vie.
C’est vrai que j’aime la fête
L’exubérance des nuits clignotantes de feux
Les foules épanchées dans les matins crémeux
Le tic-tac d’un cœur dans mes longues artères.
J’aime que me maquillent le soleil et la neige,
J’aime la bûche de Noël
La branche craquante de fruits
Et cet impalpable tissu sur mon corps étiré
Qui fait que je suis Paris à aucune autre comparée.
J’aime les simples choses de toujours
Qui jalonnent le temps des hommes.
Et pourtant,
La Joie,
Innée innocente inexplicable
Celle qui salue le partage du ciel
Entre la lune et le soleil,
Qui saute par-dessus les peines,
Qui répond à la tendresse diffuse
De la terre aux semailles,
Ou qui ne répond à rien,
Qui est
Irrépressible besoin
Des jarrets tendus des naseaux humains l’air,
Je ne la connais plus.
Enfants !
Percez ma façade si vous m’aimez
Touchez le noyau amer
Des amours inaccomplies.
Paris qui la première a clamé :
« Je suis là pour l’humanité »
Paris vit sur ses bannières enterrées.
E l l e
L’humanité ?
Une grande paillasse où se vautrent les pleins-aux-as.
Parfois des courants cycliques de foules insurgées
Brassent la terre. Et puis… Ce que la révolution gagne quelque part Ailleurs elle le perd.
L u i Le bonheur ? Une échéance toujours retardée. Comment y croire ? Commet ne pas y croire ? Quand les lèvres expirent le mot comme un baiser Que chaque fibre de notre corps N’en appelle qu’à lui Que la main se creuse pour lui donner appui,
E l l e Dès qu’une étincelle jaillit Une vieille garde peureuse brandit Son éteignoir. Tu es vieille Paris Et nos vingt ans ne peuvent te rajeunir. Nos vingt ans sont pesants De geste indécis De paroles ossifiées. Nos vingt ans sont pesants De la chute saccadée des hommes Vers le non-sens. Nos vingt ans sont las D’une lassitude trouvée au berceau Ramenée de l’antre maternel Des plus lointains échecs De l’humanité Aux prises avec elle-même.
P a r i s D’autres avant vous ont connu L’horizon borné aux paupières La rancœur des jeunesses bridées Le tâtonnement sur les chemins paramétriques. D’autres ont connu. Mais chaque temps apporte l’heure Du sursaut. Enfants ! Je peux encore tenir un flambeau Enter dans l’avenir poitrine offerte Mon chant accordé sur la houle des mers Le pouls précipité de l’attente exaucée. Émondez-moi Épouillez-moi Dérouillez-moi Décroûtez-moi Et je serai Le droit regard de vos enfants
Décembre 1970 |