Les contraintes matérielles ont contraint notre ami Jean-Luc Pujo à devoir abréger son intervention lors du débat organisé sur le stand du PRCF à la fête de l’Humanité. www.initiative-communiste.fr vous propose de lire ci-après in-extenso son discours.
Vous pourrez retrouvez par ailleurs, en vidéo et en intégralité l’ensemble du débat :
Sortir de l’UE atlantique et de l’euro par la porte à gauche, utopie ou unique voie réaliste pour le socialisme ?
Intervention de Jean_Luc Pujo – Club Penser la France Fête de l’HUMA – Dimanche 13 Septembre – 14 h 30 – stand du PRCF
Mes premiers mots seront des remerciements : Merci au PRCF ; Merci à Georges Gastaut ; Merci aux militants communistes car ils sont des militants exemplaires et bien souvent nous donnent une sacrée leçon de militantisme et de courage. Merci à vous.
Il y a deux ans, nous étions réunis – ici même – cher Georges Gastaud – pour réfléchir sur la constitution d’un « nouveau CNR » !
J’introduisais mon propos en disant ma très grande colère par trois motifs :
Je parlais de la Syrie après la Côte d’Ivoire, la Libye, le Mali… J’évoquais l’Affaire SNOWDEN, l’avion du président MORALES et les écoutes de la NSA : notre déculottée diplomatique. Enfin, je rappelais les propos tenus ceux des responsables du Front National ; ceux de l’UMP puis ceux du Ministre de l’Intérieur – sur les Roms & la politique sécuritaire – propos indignes de responsables politiques français qui m’avaient choqué en tant que républicain.
Deux ans plus tard : rien n’a changé, sauf en pire.
Manuel VALLS – celui-là même qui insultait les Roms – est depuis devenu Premier ministre. La belle affaire. Un Premier ministre « libéral autoritaire » dont la France aurait pu largement se passer.
– Jamais autant d’actes racistes et antisémites dans notre pays;
– Jamais autant de licenciements ;
– Jamais autant de reniements de notre réalité collective : la France…
Je pourrai dire aujourd’hui que ma colère est intacte :
- Les attentats de Charlie Hebdo et de la superette Casher de Vincennes et l’immense mobilisation « Je suis Charlie » aussi insupportable politiquement qu’était respectable l’émotion vraie de beaucoup de français malheureux ;
- Les bateaux MISTRALS qui ne seront pas livrés à la Russie – en reniement complet de la parole de la France ;
- Une diplomatie sidérante en Ukraine, en Syrie, en Afrique subsaharienne…
- La réforme honteuse du Collège : l’abandon des fondamentaux qui structurent notre culture ;
- Une loi sur le Renseignement pour mieux surveiller les français ;
- Et durant tout ce temps, sans que personne ne s’en émeuve véritablement : des milliers de morts africains échoués sur nos plages en Europe…
- Et puis récemment, des dizaines de milliers de migrants – devenus – par la magie d’un storytelling d’envergure – des réfugiés… forcément plus sympathiques.
Et toujours nos médias totalement corrompus et manipulateurs …:
Face à tout cela, le sentiment général qui domine est bien celui d’une immense improvisation, d’une réelle impuissance, d’une absence de politique, tout simplement d’une absence de Gouvernement.
Nous ne savons plus qui décide, ni qui gouverne !
Oui ! C’est cela : Le sentiment d’un effondrement général de la France.
Alors il faut nous interroger.
Comment expliquer ce sentiment partagé par la plupart de nos concitoyens ?
Nous devons nous interroger sur notre moment historique, nous interroger sur la France, sur la réalité qui est la nôtre et bien sûr tenter de réfléchir sur les moyens du sursaut.
I – Alors justement : comment décrire le moment historique qui est le notre ?
Il me semble que nous pourrions retenir trois points :
- La France n’est plus une Nation libre car elle est une nation sous contrainte :
- Nous vivons dans le même temps le délitement accéléré de la Nation, de notre sentiment d’appartenance collective :
- Nous vivons enfin sous une injonction « économique existentielle » qui dénature les fondements du contrat social : « je consomme donc je suis » ;
La France n’est plus une Nation libre mais elle est une Nation sous contrainte :
- La France n’est plus la France indépendante du général de Gaulle ;
- Depuis, notre pays a d’abord été placé sous l’influence grandissante des Etats-Unis ;
- Aujourd’hui, notre Nation est placée sous contrainte.
Cette contrainte est double :
- Contrainte militaire tout d’abord : nous avons rejoint – de notre propre chef – le Commandement militaire intégré de l’OTAN avec Nicolas Sarkozy et François Hollande-Hubert Védrines ont estimé ne pas devoir revenir sur ce choix ;
- notre armée est sous contrôle OTAN ;
- notre diplomatie est sous domination américaine selon le précepte évident que « le militaire fait le diplomate » ;
- contrainte économique et financière ensuite : nous avons perdu notre monnaie nationale pour une monnaie européenne en zone Dollar ;
- la banque centrale européenne est soumise aux desiderata de la Banque centrale américaine ;
- notre endettement public nous soumet à une logique économique dicté par le système Dollar ;
Nous vivons dans le même temps le délitement accéléré de la Nation, de notre sentiment d’appartenance collective :
Nous vivons l’atomisation des catégories populaires ;
Nous nous définissons de plus en plus par nos appartenances ethniques et religieuses ;
Nous encourageons la segmentation communautariste, en illustration d’une world culture forcément moderne face à cette pauvre culture populaire française, forcément ringarde ;
« La princesse de Clèves » ? A quoi bon ?!
Nous détruisons tous les lieux de fabrique du lien collectif national et nous vantons tous les lieux de célébration d’appartenance identitaire primitif ;
L’élan général de cette culture mainstream est à la mondialisation… au mouvement, au voyage.
C’est le message que l’on nous déverse soir et matin dans la plupart des médias « branchés » … CANAL+ étant le summum de cette abjection.
[Je vous renvoi pour ce développement vers le livre de jean-Claude Michéa : « le Complexe d’Orphée – La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès » ou les travaux du sociologue Jean Viard « Le nouvel âge du politique »]
Nous vivons enfin sous une injonction « économique existentielle » qui dénature les fondements du contrat social : « je consomme donc je suis » ;
Ce principe « je consomme donc je suis » devient l’alpha et l’oméga de tout comportement. C’est le nouvel impératif catégorique.
Il se décline alors à travers la figure d’un nouvel individu mue par un nouveau type d’injonction :
- tout doit être fait pour « occuper », « décrocher » un emploi ;
- tous les individus sont en concurrence pour occuper cet emploi devenu rare ;
- d’où une concurrence exacerbée entre les individus ;
- tout est bon pour « décrocher le job » et bien sûr pour « garder le job » ;
Enfin, le tout étant verrouillé par une politique d’endettement généralisé des ménages via des prêts à la consommation aux taux mirifiques qui font obligation à chaque individu – sous peine de mort sociale – d’accepter l’emploi, les conditions de travail de plus en plus précaires pour pouvoir « consommer », rembourser, s’endetter;
[Sur cette réalité qui voit le surgissement de nouveaux comportements individuel – ou comment le comportement névrotique à laissé place aux comportements schizoïdes en phase avec les nouveaux modes de consommation… – je vous renvoi vers les travaux époustouflants du philosophe et psychanalyste Dany-Robert DUFOUR (notamment « L’art de réduire les têtes » chez Denoël 2003) plus complet que Lipovestky.]
Nous le comprenons alors, notre situation est quasi-catastrophique :
- une nation en délitement et sous contrainte étrangère;
- Des individus dépourvus de liens entre eux et muent par un seul souci : l’existence économique ;
- Le tout baignant dans une sous-culture médiatique qui déstructure tout raisonnement ;
Quel chantier devant nous !
Le travail à mener est bien d’ordre révolutionnaire car il faudra porter l’effort sur des champs aussi important que la culture et l’éducation, l’économie et la politique.
OUI ! Nous sommes face à un travail immense de refondation !
Alors justement.
II – Quelle politique d’émancipation et de libération nationale ?
Si nous prenons la juste mesure de l’immense chantier devant nous, que cette situation résulte non pas d’accidents successifs mais bel et bien d’une politique délibérée, alors nous comprenons que deux axes se dégagent : il nous faut conjointement et en préalable à toute politique :
- Libérer la nation : sortir de l’Alliance atlantique, de l’OTAN ;
- réformer fondamentalement notre système économique et financier ;
Ces deux actions nécessaires et conjointes ne sont pas pensées de la même façon par les différents mouvements de résistance, à droite comme à gauche.
Un examen rapide permet de conclure que seuls la Gauche résistante peut initier ce mouvement.
A – seul un mouvement initié par la Gauche est de nature à initier ce projet :
Comme je le mentionnais, c’est le militaire qui tient tout.
Ainsi, la seule sortie de l’Euro ou de l’UE n’aurait aucun sens, voire serait un objectif irréalisable sans poser comme préalable à tout : la sortie de l’OTAN.
C’est d’ailleurs un des points – le seul primordial – qui rapproche la Gauche résistante de la Droite résistante.
Mais qui ?
Pour le dire rapidement, seuls les mouvements communistes et les mouvements gaullistes cultivent une hostilité envers le bloc OTAN.
Pour les Communistes, inutiles ici de rappeler l’histoire ;
Pour les Gaullistes : il faut rappeler la sortie du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1967, la fermeture des bases américaines en France, et rappeler … les nombreuses tentatives d’assassinats visant le Général de Gaulle portés conjointement par l’OAS sous CIA.
L’ensemble des autres partis politiques français – ou courants idéologiques- le Parti dit « Socialiste », l’UMP dit « Républicains », le Front National dit « patriotique » sont favorables à l’OTAN quand ils n’ont pas été soit créés soit financés à un moment ou un autre par la CIA ou les officines étatsuniennes.
Si ce point – la sortie de l’OTAN – rapproche la Gauche résistante de la Droite résistante qu’en est-il alors du second point essentiel, « réformer fondamentalement notre système économique et financier » ?
Il ne faut pas ici se payer de mots.
Réformer s’entend au sens le plus dur du terme : il faut entièrement repenser la structure de notre système financier international, l’organisation des monnaies, les systèmes d’organisation des échanges, ceux de la production …
Cette seconde branche du raisonnement permet de saisir des nuances, des oppositions qui sont comme autant d’obstacles à penser le nouveau monde qui doit surgir.
Pour le dire autrement, la Droite résistante – même celle consciente de l’impasse insupportable du système Dollar – n’est pas en capacité de penser, de proposer et surtout d’imposer les paradigmes d’un nouveau système économique et financier.
Nous pourrions développer à souhait. Ce sera certainement l’objet de notre débat.
Mais nous voyons bien que seul un mouvement populaire à Gauche est de nature à porter les deux branches de ce projet :
- sortir de l’Alliance atlantique, de l’OTAN ;
- réformer fondamentalement notre système économique et financier ;
Ce projet initié à Gauche doit néanmoins se renforcer par un dialogue continue avec la Droite résistante, celle qui a compris souvent plus que la Gauche, la nécessité de penser la Nation, réalité incontournable, préalable à tout acte fondateur d’émancipation collective… car « La Nation c’est le peuple !»
Et quelle ruse de l’histoire de voir la Gauche qui porta durant plus de 150 ans l’idéal de la Nation, s’en défaire aujourd’hui pour le plus grand malheur des français.
[Sur ce point, je vous renvoi au travail remarquable, époustouflant de Georges GASTAUD : « Marxisme et universalisme » et notamment le chapitre « Pour une réflexion marxiste sur la question nationale » et son développement sur le « Commun de la Nation », sur la figure de Jeanne D’Arc héroïne paysanne qui voulait chasser l’occupant, sur Etienne Marcel … illustrant une nouvelle fois combien il y a toujours eu un courant hautement patriotique au sein du mouvement communiste français.]
Ainsi, un projet initié par la Gauche résistante, renforcé par la Droite résistante, permettrait d’ouvrir de nouvelles et grandes perspectives politiques.
D’évidence, le moment politique approche.
Mais quelle forme pourrait prendre cette action politique ?
B – La mise en œuvre de ce projet politique : C’est – pour nous – bien sûr « le nouveau CNR ».
La France a déjà connu des épisodes d’effondrement qui ont vu surgir l’Union des forces de la Tradition avec les forces du Progrès, l’union des Résistances de Gauche avec celles de Droite.
Ce fut le cas de 1940 à 1944 quant sous l’Etat français – l’Etat de Vichy – celui de la Collaboration honteuse avec l’ennemi … des milliers d’Hommes se sont levés et se sont organisés au péril de leur vie.
Unissant gaullistes et communistes, militants politiques et syndicalistes se réunirent autour d’un programme ambitieux pour la France : « le programme du Conseil National de la Résistance ».
L’esprit supérieur qui animait ces Hommes est l’esprit que nous devons retrouver : celui du désintéressement et du service à la Nation ; l’amour de la Liberté ;
C’était aussi l’esprit du progrès social, de la justice et de l’égalité.
Aujourd’hui, dans une situation semblable, nous devons républicains et patriotes, hommes du progrès et hommes de la tradition, nous unir pour refonder la République.
Nous devons créer un grand mouvement populaire de résistance autour de cette colère qui monte.
« Ça suffit ! »
Il faut d’urgence proclamer : que nous sommes un peuple libre, indépendant.
Que personne – aucune nation étrangère, aucune force, aucune alliance – ne doit nous dicter notre avenir : qui recevoir à Paris ? Qui protéger ? Qui combattre ? Qui aider ? À qui vendre le produit de nos usines, de nos entreprises ? Avec qui, avec quel peuple, quelle nation, définir des relations libres dans le respect de la souveraineté des Etats ?
Voilà ce qu’un peuple libre doit ambitionner. Exercer sa propre Liberté.
Voila ce que le peuple français doit retrouver comme exigence : redevenir la France ! Un grand peuple Libre !
Alors « Oui » j’ai foi dans ce projet plein de promesses.
Vive le NOUVEAU CNR !
Vive la République !
Vive la France !
Merci.