Nous voyons depuis des années l’occident « libéral-libertaire » dériver vers des exigences accrues de conformisme politique chez les artistes et les écrivains. Certains avaient notamment sommé Peter Handke, depuis lors prix Nobel de littérature, de se désolidariser de la cause serbe….
On savait déjà que la musique, apolitique de Tel-Aviv à Barcelone, amnésique à Berlin-Ouest ne l’était pas en Union Soviétique, patrie de plusieurs compositeurs majeurs. En s’exhibant sur la frontière ouverte de Berlin, le talentueux Rostropovitch (qui déclarait dans L’Humanité « ne pas faire de politique » ) s’imaginait sans doute annoncer une ère de libre circulation des talents et des idées.
Mais, patatras… La nouvelle Union sacrée se déchaîne à la vitesse de l’éclair contre de malheureux russes. Ils sont sommés de se prononcer sur la dramatique guerre en cours et de désigner leur pays comme coupable. Artistes ou sportifs, leur seule nationalité les astreints à des exercices de repentance publique impliquant l’humiliation de se soumettre à un impudent et décompléxé double standard, car à quand remonte la dernière fois où l’on a vu leurs collègues américains se voir exiger de prendre position contre les guerres menées sans discontinuer par les USA? – et ce quel que soit leur positionnement politique. Faute de ce « certificat de dissidence », l’accès aux grandes institutions internationales leur est coupé. En excluant en bloc sportifs et équipes sur le seul critère de la nationalité, les fédérations sportives internationales tournent le dos à l’esprit olympique.
Ces pratiques mises au grand jour éclairent ce qu’ont dû être les pressions vécues par les artistes « des Pays de l’Est » à la grande époque des Oïstrakh et autres Richter.
Le pôle de Renaissance Communiste en France se prononce pour accueillir les artistes et autres personnes provenant de tout pays ravagé par la guerre. Il affirme que les institutions culturelles n’ont à exclure des artistes ni du fait de leur nationalité ni de leurs opinions.
En but à la propagande de guerre et à haine russophobe, le chef d’orchestre russe Tugan Sokhiev du Bolshoi et de l’orchestre national de Toulouse démissionne
Dans un billet publié sur son compte facebook, le musicien écrit aavant tout contre la russophobie qui sévit, pour la paix.
https://www.facebook.com/100033122679428/posts/645276676586416/?d=n
Je sais que beaucoup de gens attendaient que je m’exprime et que j’entende ma position sur ce qui se passe en ce moment.
Il m’a fallu un certain temps pour comprendre ce qui se passe et comment exprimer ces sentiments complexes que les événements actuels ont provoqués en moi.
Tout d’abord, je dois dire la chose la plus importante : je n’ai jamais soutenu et je serai toujours contre tout conflit sous quelque forme que ce soit. Que certaines personnes osent remettre en question mon désir de paix et penser que moi, en tant que musicien, je pourrais jamais parler pour autre chose que la paix sur notre planète est choquant et offensant.
Lors de divers événements géopolitiques catastrophiques auxquels notre humanité a été confrontée au cours des vingt dernières années de ma carrière, je suis toujours resté avec mes collègues musiciens et nous avons toujours, ensemble, montré et exprimé notre soutien et notre compassion pour toutes les victimes de ces conflits. C’est ce que nous, musiciens, faisons, nous exprimons des choses avec la musique, nous disons des choses émotionnelles avec la musique, nous réconfortons avec la musique ceux qui en ont besoin. Nous, les musiciens, avons la chance de pouvoir parler cette langue internationale qui peut parfois exprimer plus que n’importe quel mot connu de la civilisation.
Je suis toujours très fier d’être un chef d’orchestre qui vient d’un pays aussi riche culturellement que la Russie et je suis aussi très fier de faire partie de la riche vie musicale française depuis 2003. C’est ce que fait la musique. Il relie les gens et les artistes de différents continents et cultures, il guérit les âmes à travers les frontières et donne l’espoir d’une existence paisible sur cette planète. La musique peut être dramatique, lyrique, drôle, triste mais jamais offensante ! C’est ce qu’a prouvé mon partenariat très fructueux avec le grand orchestre toulousain. C’est ce que mon fantastique ensemble du Théâtre Bolchoï me montrait chaque fois que je dirigeais des représentations avec eux en Russie ou en tournée en Europe. Tant à Toulouse qu’au Théâtre du Bolchoï j’invitais régulièrement des chanteurs et chefs d’orchestre ukrainiens. Nous n’avons même jamais pensé à nos nationalités. Nous aimions faire de la musique ensemble. Et c’est toujours le cas. C’est pourquoi j’ai lancé le festival Franco-Russe à Toulouse, pour montrer à tous que les Français et les Russes sont liés historiquement, culturellement, spirituellement et musicalement et que je suis fier de ce lien entre nos deux grands pays que j’aime. Cette fête est aujourd’hui contestée par les politiciens et les administrateurs toulousains. C’est dommage. Et ils veulent que je m’exprime pour la paix ! Je crois que ce festival peut faire plus en construisant des ponts qu’en paroles politiques.
Ces derniers jours, j’ai été témoin de quelque chose que je pensais ne jamais voir de ma vie. En Europe, aujourd’hui je suis obligé de faire un choix et de choisir l’un de ma famille musicale plutôt qu’un autre.
On me demande de choisir une tradition culturelle plutôt qu’une autre.
On me demande de choisir un artiste plutôt qu’un autre.
On me demande de choisir un chanteur plutôt qu’un autre.
On me demandera bientôt de choisir entre Tchaïkovski, Stravinsky, Chostakovitch et Beethoven, Brahms, Debussy. Cela se passe déjà en Pologne, pays européen, où la musique russe est interdite.
Je ne peux pas supporter d’être témoin de la façon dont mes collègues, artistes, acteurs, chanteurs, danseurs, réalisateurs sont menacés, traités de manière irrespectueuse et victimes de la soi-disant « culture d’annulation ». En tant que musiciens, nous avons une chance et une mission extraordinaires de garder l’espèce humaine bienveillante et respectueuse les unes envers les autres en jouant et en interprétant ces grands compositeurs. Nous, musiciens, sommes là pour rappeler à travers la musique de Chostakovitch les horreurs de la guerre. Nous, musiciens, sommes les ambassadeurs de la paix. Au lieu de nous utiliser, nous et notre musique, pour unir les nations et les peuples, nous sommes divisés et ostracisés.
À cause de tout ce que j’ai dit ci-dessus et étant obligé de faire face à l’option impossible de choisir entre mes musiciens russes bien-aimés et mes musiciens français bien-aimés, j’ai décidé de démissionner de mes fonctions de directeur musical du Théâtre Bolchoï à Moscou et de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse avec effet immédiat. Cette décision devrait confirmer à toutes les personnes concernées que je suis une personne très chanceuse, de pouvoir connaître les artistes du Théâtre Bolchoï et les musiciens de l’orchestre de Toulouse. C’est toujours un privilège de faire de la musique avec tous les merveilleux artistes de ces deux institutions et je serai toujours à leurs côtés en tant que MUSICIEN !!!!!