A l’été 1948, le journaliste Jacques Estager accompagne, à partir de la gare de Douai, un convoi de Polonais du Nord qui se rendent en Silésie. De Walbrzycz, poumon industriel au cœur de ces « territoires recouvrés » arrachés à l’Allemagne vaincue, l’ envoyé spécial de Liberté, l’organe régional du PCF, part ensuite à la découverte de cette contrée d’Europe centrale. La Pologne relève alors le vaste défi de la reconstruction imposée par six années d’occupation nazie et les combats de la libération. Jacques Estager plonge ainsi au cœur des réalités de la Pologne populaire, ne cache rien de ses difficultés, ni surtout des spectaculaires avancées réalisées dans un pays qui tourne résolument le dos à son passé féodal . De mai 1946 à la fin 1948, les convois se succédent aux départs des gares de Lens, Bruay-en-Artois ou Douai. Sur les quais, les wagons sont pavoisés de drapeaux aux couleurs de la France et de la Pologne, et parfois la locomotive de portraits du maréchal Staline…
Cette histoire, largement occultée par les tenants de la Pologne blanche, s’écrit à la croisée du sentiment patriotique et de l’exigence internationaliste.
62 000 Polonais de France (re)gagneront ainsi la mère-patrie. Les mineurs du Nord-Pas-de-Calais seront les fers de lance de cette gigantesque œuvre de redressement national. Le récit de ce périple sera publié l’année suivante par l’Amitié franco-polonaise. En ce 70e anniversaire des rapatriements (le premier départ s’est fait de Lens, le 15 mai 1946), les Amis d’Edward Gierek ont pris l’initiative de rééditer ce document*. Une publication en forme d’hommage à ces bâtisseurs de la Pologne populaire. Une manière aussi de marquer sa reconnaissance à l’endroit du remarquable et inédit travail d’investigation assumé par Jacques Estager.
Jacques Kmieciak
* Découverte de la Pologne, 1948, par Jacques Estager. Editions Nord Avril. 12 euros.