Esprit libre à la fois dépourvu de conformisme bien-pensant et de religiosité antimarxiste à l’égard du passé, Charvin développe avec force l’idée juste selon laquelle « l’anticommunisme qui règne depuis plus d’un siècle n’est que la forme conjoncturelle du combat permanent antisocial contre les pauvres, qu’ils le soient plus ou moins, selon les pays et les continents, qu’ils soient porteurs du drapeau rouge ou de toute autre couleur » (p. 97). Et en effet, souvenons-nous qu’en 1848, à l’époque où la Ligue des communistes réorganisée par Marx et Engels n’en est qu’à ses balbutiements militants, déjà « un spectre hante l’Europe, celui du communisme » (incipit du Manifeste du Parti communiste) ; car le paradoxe est que l’anticommunisme a précédé le communisme, comme l’avait d’ailleurs noté Derrida dans Spectres de Marx. Cette idéologie terriblement réactionnaire et réactive (au sens de Nietzsche, qui n’était pas l’auteur le moins infecté de cette rage anti-prolétarienne !) cimentait alors la bourgeoisie libérale, effrayée par l’éveil du « petit peuple » suscité par la Révolution jacobine et Sans Culottes, et la pire réaction monarchiste pour traquer et abattre les « partageux »…
C’est que l’anticommunisme niche au cœur de l’exploitation capitaliste dans la mesure où l’exploitation de l’homme par l’homme ne peut qu’engendrer sans fin le sentiment sourd de l’injustice ; et si les circonstances s’y prêtent et qu’un parti prolétarien de combat, armé d’une théorie scientifique, parvienne à s’organiser, cette révolte sourde contre l’exploiteur débouche inévitablement sur la lutte, voire sur la révolution socialiste. Bien entendu, l’anticommunisme ne peut que s’exacerber jusqu’à la rage de classe (on pense à l’exterminisme hitlérien, dont l’historien est-allemand Kurt Gosweiler a montré, innombrables citations de Hitler à l’appui, qu’il était primitivement et d’abord tourné contre les marxistes allemands, que Hitler promettait au grand patronat d’ « exterminer », etc. ou encore, à l’exterminisme reaganien qui, en 1984, préparait à son de trompes la croisade antisoviétique aux cris de « plutôt morts que rouges ». Sans parler de l’exterminisme « donaldien », que connaît bien Robert Charvin, et qui jure de « détruire la Corée du Nord »…), dès lors qu’un régime prolétarien, ou simplement, qu’un régime petit bourgeois progressiste (pensons au Venezuela bolivarien) tente de se mettre en place (Commune de Paris) ou, pire encore, qu’un tel régime a l’audace de vaincre et de s’installer dans la durée (URSS, Cuba, Vietnam…). Car ce faisant, un tel régime fait la preuve aux yeux de TOUS les exploités du MONDE que l’exploitation n’est pas « naturelle », qu’elle n’est qu’une forme transitoire de l’histoire humaine…
On peut cependant regretter que l’auteur ne semble pas connaître les travaux du PRCF et de ses fondateurs sur toutes ces questions, notamment sur la signification fascisante et contre-révolutionnaire de l’Europe de Maastricht, sur le Livre noir de l’anticommunisme (1997, réédition récente aux éditions Delga) ou sur l’idée qu’à notre époque, l’exterminisme, c’est-à-dire le fait que le maintien de l’exploitation capitaliste est devenue incompatible avec la survie de l’humanité (d’où suit l’universelle irresponsabilité militaire, économique, environnementale des dirigeants occidentaux à l’égard de l’homme et de la nature). Mais cette ignorance relative est moins imputable à l’auteur qu’à la censure constante dont les travaux issus du PRCF, du Comité Honecker ou de leurs fondateurs ont été l’objet de la part à la fois du monde académique, des médias et des revues du PCF en « mutation ».
Un livre incontestablement utile cependant à tous les militants de la Renaissance communiste à l’heure où, comme le Comité Erich Honecker de Solidarité Internationaliste l’annonçait dès les années 90, la fascisation de l’Europe qui fait retour des ex-pays socialistes annexés à l’UE/OTAN, et qui menace de plus en plus nos pays (où l’on exalte désormais les « résistants » d’extrême droite (!) pendant qu’on nie la Résistance centrale, décisive, des communistes français) alimente la chasse aux sorcières contre nos courageux camarades polonais, ukrainiens, hongrois, baltes, etc.
En un mot, il faut rendre son contenu politique à la fameuse phrase de Brecht parlant du nazisme : « il est toujours fécond le ventre d’où a surgi la Bête immonde ». ET ce ventre n’est pas « la » haine, « la » bêtise ou « l’ » ignorance, comme le prétendent ceux qui veulent couper l’antifascisme de l’anticapitalisme, son nom est anticommunisme, antisoviétisme à retardement et EXPLOITATION CAPITALISTE.
Par Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
L’ANTICOMMUNISME D’HIER À AUJOURD’HUI sur le site internet de son éditeur
Robert Charvin
HISTOIRE SCIENCES POLITIQUESL’anticommunisme ne représente pas l’hostilité qui se manifeste à l’encontre d’un parti ou d’un État se réclamant du communisme. Il est avant tout l’expression d’un affrontement social qui a débuté au XIXe siècle et se poursuit aujourd’hui, quelle que soit l’étiquette formelle des forces en présence. Les contradictions antagoniques entre les classes dominantes et dominées produisent une radicalité propagandiste et répressive. La volonté de remise en cause du mode de production reste une constante historique.
Robert Charvin est agrégé des Facultés de Droit, Professeur Émérite à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Doyen Honoraire. Il est ancien Conseiller Général des Alpes Maritimes, responsable de différentes ONG et militant associatif.
Broché – format: 13,5 x 21,5 cm
ISBN : 978-2-343-12507-7 • octobre 2017 • 188 pages
EAN13 : 9782343125077
EAN PDF : 9782140045943* Nos versions numériques sont compatibles avec l’ensemble des liseuses et lecteurs du marché.