Les révélations se suivent et se ressemblent. Mettant chaque fois un peu plus au jour un système de surveillance généralisée de la population. Ces révélations de systèmes d’espionnage et de contrôle des populations, visant plus particulièrement journalistes, syndicalistes, opposants, ne sont pas des « dérives » mais bien la structure même du système capitaliste. Un système totalitaire et structurellement anti démocratique consacrant la dictature de fait d’une ultra minorité écrasant l’ensemble des peuples pour alimenter ses profits. Et qui pour se maintenir est toujours prêt à la guerre, à la répression et à supprimer les plus petites parcelles de libertés si nécessaires, en recourant comme l’histoire l’a prouvé, à la fascisation et au fascisme.
S’agissant des nouvelles révélations, faisant scandales au Canada et au Royaume Unis, elles doivent être mises en perspective d’avec la connexion totale des système d’espionnage et de surveillance de masse des USA, Canada, Royaume Unis, Australie et Nouvelle Zélande (Five Eyes). Un système d’espionnage mondial qui va bien au delà de ces seuls pays, en témoigne la capacité de la NSA d’écouter près de 70% des communications téléphoniques mobiles. Et on ne peut oublier en France le vote de dizaines de lois de restrictions des libertés et de renforcement de la surveillance de masses sous prétexte d’anti terrorisme, et dernièrement la mise en place d’un fichage systématique et généralisé de la population.
Trois nouveaux scandales montrent combien la surveillance de masse dans l’Occident est envahissante et dangereuse, allant dans le sens de Snowden, par Glenn Greenwald
Source : The Intercept, le 04/11/2016
Glenn Greenwald
Le 4 novembre 2016
Tandis que les regards sont tournés vers la course à la présidence entre Hillary Clinton et Donald Trump, trois événements majeurs ont révélé l’étendue et la dangerosité de la surveillance de masse en Occident. Pris séparément, chaque cas met en exergue les fortes menaces qui ont motivé Edward Snowden à devenir lanceur d’alerte. Pris ensemble, ils constituent la justification de tout ce qu’il a fait.
En début de mois, une cour britannique spéciale, traitant des activités secrètes d’espionnage, a dénoncé de façon emphatique les programmes de surveillance de masse sur la population domestique. La cour a trouvé que “les agences de sécurité britanniques ont secrètement et illégalement amassé des quantités énormes de données personnelles confidentielles, notamment des informations financières, sur les citoyens, et ce pendant plus d’une décennie.” Ces agences, affirme la cour, “ont utilisé des moyens illégaux pour enregistrer d’importantes données de communications, surveillant l’utilisation des mobiles et de l’internet et d’autres informations personnelles confidentielles, sans une supervision ou des garde-fous adéquats, pendant 17 ans.
Jeudi, une condamnation encore plus cinglante de la surveillance de masse a été prononcée par la Cour Fédérale du Canada. Elle a “mis en faute l’agence de surveillance intérieure du Canada pour l’enregistrement illégal de données et pour ne pas avoir été honnête avec les juges qui avaient autorisé les programmes de renseignement.” Le point le plus remarquable est que ces activités de surveillance de masse étaient non seulement illégales mais totalement inconnues de la quasi-totalité de la population de la démocratie canadienne, même si leurs objectifs a des implications concernant les libertés fondamentales. “Le centre en question est le Canadian Security Intelligence Service, équivalent à une boule de cristal – un endroit où des analystes du renseignement tentent de prévoir les menaces du futur en examinant et en ré-examinant de grandes quantités de données.”
Le troisième scandale provient également du Canada – un partenaire critique de l’alliance de renseignement Five Eyes aux côtés des USA et du Royaume Uni – quand des responsables des forces de l’ordre de Montréal défendent désormais “une décision très controversée d’espionner un éditorialiste (Patrick Lagacé) de La Presse, en consultant ses appels et messages téléphoniques, et en enquêtant sur son entourage dans le cadre d’une nécessaire enquête interne de police.” Le journaliste ciblé, Lagacé, a énervé des fonctionnaires de police en enquêtant sur leurs actes abusifs, et ils ont alors utilisé la technologie de surveillance pour écouter ses appels et suivre ses mouvements pour déterminer l’identité de ses sources. Alors que ce scandale explosait, il est passé, selon les mots de la Gazette de Montréal, “du mauvais au pire” quand l’enquête qui a suivi a montré que la police avait en fait “enregistré les appels et suivi les déplacements de six journalistes durant l’année après que des articles, basés sur les fuites révélées par Michel Arsenault, aient montré que le président du plus important syndicat du Québec avait son téléphone placé sur écoute.”
Lors d’un discours cette semaine à la Montreal McGill University, Snowden a appelé à la démission du chef de la police de Montréal et dénoncé l’espionnage comme une “attaque radicale contre les activités de la presse libre.” Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a dit : “A l’évidence, je pense que ces histoires perturbantes – pertubantes pour tous les Canadiens – venant du Québec… vont amener à une réflexion sur la façon dont nous devons et pouvons continuer à assurer la protection de la presse et de ses droits.” Tom Henheff, de l’organisation Canadian Journalists for Free Expression, a mis le doigt sur le point essentiel, au sujet de cet abus spécifique mais aussi en règle générale sur les systèmes de surveillance de masse :
Vous ne pouvez pas argumenter en disant qu’il s’agit juste de quelques mauvais fruits car ceci a été autorisé par la justice en temps de paix. C’est le système tel qu’il est supposé fonctionner. Ce qui a contribué à montrer que c’est le système en entier qui est dysfonctionnel.
Ainsi, en ce seul mois, deux membres clés de l’alliance des Five Eyes ont été montrés du doigt par des cours de justice et des enquêtes, comme étant engagés dans de la surveillance de masse qui était à la fois illégale et intrusive, et de plus, dans le cas du Canada, détournant les capacités de surveillance pour écouter des journalistes afin de découvrir leurs sources. Quand Snowden a parlé pour la première fois publiquement, c’était exactement les abus et les infractions qu’il citait comme étant commises par les systèmes de surveillance de masse mis en place secrètement par des nations, tandis que leur existence était démentie par les responsables en charge de ces systèmes.
Ainsi, avec chaque nouvelle découverte ou enquête judiciaire, et alors que les preuves deviennent de plus en plus nombreuses, les affirmations de Snowden se révèlent de plus en plus justifiées. Les responsables occidentaux sont en réalité accros aux systèmes abusifs, secrets et sans contrôle de surveillance de masse, utilisés aussi bien contre leurs propres citoyens que contre les étrangers, et plus ces systèmes s’enracinent, plus les libertés fondamentales s’érodent.
Source : The Intercept, le 04/11/2016
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.