Par ses recherches théâtrales d’avant-garde, ses positions néo-brechtiennes et ostensiblement « anticapitalistes », Ariane Mnouchkine s’est acquis une réputation d’artiste révolutionnaire. Sauf que, anticommunisme et antisovietisme inextinguibles aidant, cette dame a depuis longtemps perdu le fil de l’engagement anti-impérialiste et antifasciste véritable. Déjà il y a quelques décennies, elle montait à la Cartoucherie une pièce historiquement erronée accusant les communistes allemands d’avoir fait le jeu de Hitler : alors que, à la différence du très veule SPD appelant à voter Hindenburg pour « barrer la route à Hitler » (comme d’autres votent Macron pour « contenir Le Pen »…), l’héroïque KPD d’Ernst Thaelmann a payé le prix le plus lourd, celui du sang (il suffit de visiter le Struthof…), dans la lutte à mort qu’il avait engagée contre Hitler avant et après 1933.
Et voilà maintenant que, confondant le nord et le sud, la gauche et la droite, Ariane Mnouchkine se solidarise coup sur coup avec le régime de Zelensky (pro-UE, pro-OTAN et pro-nazi, persécuteur ethnocidaire des populations ouvrières russophones du Donbass depuis 2014 avec ses milices nazies Azov et Aidar), puis avec la camarilla euro-atlantique qui arme sa chère « Tsahal » et ferme les yeux sur le génocide à Gaza en mettant unilatéralement l’accent sur le 7 octobre… Comme s’il n’y avait rien eu depuis 75 ans avant ces atrocités et comme si le régime de Netanyahou n’était pas grossièrement fasciste, raciste et colonialiste (il s’en vante!). Et voilà comment coup sur coup, le gauchisme pseudo-libertaire se retrouve à son insu côte à côte avec l’extrême droite la plus barbare…
Bref, Ariane a perdu le fil, si elle l’a jamais tenu, et cela pour une raison simple : il ne suffit pas d’avoir « un coeur gros comme ça » et des convictions libertaires du reste hautement valorisées par l’idéologie dominante caressant l’individualisme « rebelle », pour savoir démêler l’écheveau des contradictions de classes et des combats anti-impérialistes. Il y faut une analyse matérialiste aussi scientifique que possible des dites contradictions, avec, à l’arrière-plan, un parti prolétarien d’avant-garde dont l’anticommunisme de droite et soi-disant “de gauche” a précisément pour fonction d’interdire la renaissance.
Bien différente était au XVIIeme siècle l’attitude d’un Molière qui, certes, faisait assidûment sa cour au Roi-soleil (il n’est pas interdit d’être finement politique…), mais, sur le fond, portait le feu de sa critique contre le redoutable parti dévot en payant pour cela le prix fort: les persécutions de Bossuet , de Conti et de la Maintenon…
Si sa compagnie ne se prenait pas pour un « théâtre du Soleil », du moins ne cherchait-elle pas les applaudissements du parti de la Nuit.