Qui ne se souvient pas des reportages enflammées des télévisions françaises pour célébrer la soit disant liberté en marche sur la place de Maidan à Kiev ? Des diatribes de BHL soutenant les violentes milices néonazies au nom des valeurs de l’Union Européenne ? De Fabius, Sikorsky et Steinmeier participant au coup d’état à Kiev, toujours au nom des valeurs de l’Union Européenne pour mettre en place une junte d’oligarque comprenant de nombreux ministres d’extrème droite ?
Et de fait, les « valeurs » de l’Union Européenne sont désormais en place en Ukraine. Un oligarque préside le pays, s’appuyant sur des partis d’extrème droite. Le parti communiste est interdit, l’opposition réprimée. Financé par l’UE, soutenue par l’OTAN l’armée bombarde les populations pacifiques du Donbass, les antifascistes sont pourchassés et massacrés – comme cela a été le cas le 2 mai 2014 dans la maison des syndicats d’Odessa, et la presse est menacée. Jusqu’au journal Vesti, l’un des plus gros tirage du pays. Et qui devrait servir de leçon à tout ceux qui ferment les yeux sur la répression anticommuniste en Ukraine. Car ils seront les suivants sur la liste de l’euro-fascisme !
La liberté de la presse en Ukraine Post-Maidan
Comment les valeurs européennes tant vantées sont-elles maintenant appliquées en Ukraine
Cette enquête de terrain d’Ukraine Comment nous en donne une petite idée.
Le 17 Octobre 2015 – Source Ukraine comment
Dans notre précédent article nous avons montré comment sa vision critique et conservatrice à propos de la révolution du Maidan, de la réaction du nouveau gouvernement face à l’insurrection du Donbass et sa conduite de la guerre, avaient valu au journal ukrainien Vesti la profonde méfiance du gouvernement et son surnom de Voix du Kremlin pour de nombreux Ukrainiens. Nous décrirons ici les pressions que le journal subit, depuis un an et demi, de la part du gouvernement et des radicaux.
Selon l’ancien rédacteur en chef Igor Guzhva, en avril 2014, la société a été contactée par des représentants du nouveau gouvernement, venu proposer que Vesti cède une partie de ses actions, gratuitement, pour éviter tout conflit. Offre bien sûr refusée, entraînant à partir de mai une série d’enquêtes, de fouilles et de dénonciations officielles par des fonctionnaires de haut rang.
Cela a commencé par un raid et un saccage des bureaux de la part d’hommes en uniformes se réclamant du centre des impôts mais n’ayant présenté aucune pièce d’identité. Ils ont emporté les disques durs du journal. Le jour suivant, au cours d’une conférence de presse tenue au Cabinet des ministères, un prétendu montage financier véreux fait par le journal a été présenté aux journalistes. Par contre, les journalistes de Vesti n’ont pas été autorisés à y assister parce qu’ils n’avaient prétendument pas d’accréditations
. Le gouvernement a allégué que Vesti avait blanchi 93,6 millions de hryvnia (4,2 millions de $) à travers un complexe réseau de sociétés écran en Crimée prétendument liées à l’oligarque en exil Sergey Kurchenko. Sur la base de ces assertions les comptes bancaires du journal et de Guzhva ont été temporairement gelés. Plusieurs semaines plus tard l’affaire était enterrée.
Puis, en septembre, une nouvelle accusation a été soulevée par les services secrets ukrainiens (SBU), prétendant que quatre articles publiés par Vesti menaçaient l’intégrité et l’inviolabilité territoriale de l’Ukraine. Le SBU a mené un autre raid contre le siège du journal, empêchant les employés de sortir et d’utiliser leurs téléphones. Les disques durs, les ordinateurs portables et tablettes personnelles ont été de nouveau saisis.
Le contenu des quatre articles en question montre que la définition qu’a le SBU du mot trahison est particulièrement large. Dans le premier article nous décrivions le ton et le contenu de trois des articles publiés dans le journal papier Vesti Reporter. Ils rapportaient franchement le sentiment d’aliénation et de rage qui a déferlé sur la population du Donbass en mars et avril 2014, sentiment que les Russes allaient utiliser pour leur projet séparatiste. Mais à aucun moment, le lecteur n’est encouragé à approuver, ou même désapprouver, ce projet. Seuleent à écouter.
Le quatrième article, publié dans le quotidien, rapporte les accusations lancées par des militaires ou des activistes volontaires à propos de la vente de fournitures militaires, la rétention de salaires ou de papiers de fin de conscription. Il présente le point de vue des soldats, note le refus de tout commentaire par l’armée et met en avant un point de vue contestataire de vétérans de l’armée.
Le raid et le procès ont entraîné une condamnation de la part de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a demandé à Kiev de ne pas mettre la pression sur les journalistes critiques. L’enquête fut donc elle aussi classée sans suite quand le témoin principal du gouvernement, un linguiste de la police scientifique, a confirmé le manque de contenu séditieux dans ces quatre articles.
Dans la foulée, Radio Vesti a gagné en appel contre une décision de la Commission nationale de radio et télévision refusant à la maison mère le permis d’émission dans 26 villes où elle venait d’acquérir des stations radio. La commission n’a donné aucune raison à son refus et de nombreux observateurs l’ont considéré comme un nouveau front dans la confrontation grandissante entre le gouvernement et cet empire médiatique critique.
Le tribunal de l’opinion publique
Pendant ce temps, les activistes pro gouvernementaux ciblaient le journal, pacifiquement ou non. Le mouvement Secteur Droit [néonazi, NdT] de l’Euromaidan a organisé de fréquentes manifestations contre Vesti dans la capitale. Comme l’organisateur de l’une des manifestations le criait dans son mégaphone :
«Ce porte voix du Kremlin est fait pour détruire la conscience des Ukrainiens, les tromper sur les événements de l’est et inciter à la guerre civile dans notre pays. Nous pensons que les articles de ce journal tuent autant que les balles.»
Régulièrement des actions étaient organisées aux sorties du métro de Kiev où Vesti est distribué gratuitement tous les matins. Des jeunes s’y tenaient portant des panneaux demandant aux passants de ne pas prendre ce journal de propagande du Kremlin. Ils se déguisaient fréquemment en zombies, insinuant ainsi que Vesti transforme ses lecteurs en zombies à force de désinformation.
Ces actions ont rapidement dégénéré. En juin, une foule de jeunes masqués ont hué et et menacé les participants à une célébration de la Journée de la Constitution organisée dans les locaux du journal. Leur leader, le parlementaire radical Igor Lutsenko, a menacé : «Ceci est notre dernière manifestation pacifique contre Vesti. Nous n’aurons plus de patience s’ils ne changent pas leur ligne éditoriale.» Seule l’intervention des activistes du Maidan Self Défense avec qui nous avons maintenu de bonnes relations ont empêché ces jeunes d’assaillir physiquement les gens présents ou d’allumer les torches qu’ils avaient emmenées dans leurs sacs à dos, selon des journalistes de Vesti.
Une semaine plus tard des jeunes vêtus de la balaklava [vêtement traditionnel ukrainien, NdT] ont explosé les vitres des bureaux de Vesti, lancé des torches et battu sévèrement un gardien. Les vidéos en provenance des caméras de sécurité montrent les excès et la joie vicieuse d’une foule convaincue de sa totale impunité.
Oles Vakhnii, le leader de la fameuse organisation nationaliste et skinhead Chestnoe Slovo [Parole honnête(sic)] a revendiqué ces actes de vandalisme. Lorsque Vesti l’a contacté à ce propos, il eut ces mots : «Les normes morales communes ne s’appliquent pas pour vous. Il est acceptable de vous frapper à coups de barres de fer ou de vous gazer.» Vakhnii avait déjà passé cinq ans en prison pour l’organisation d’une attaque contre les bureaux de la Ligue des voteurs ukrainiens (pour son financement américain présumé) puis encore deux ans pour incitation à la haine raciale. Il n’a toujours pas été arrêté pour les agressions contre Vesti, malgré une confession filmée et postée sur YouTube. Il est maintenant assigné à résidence pour son tabassage présumé d’un procureur de Kiev s’occupant d’une autre affaire contre lui.
Au printemps 2015, des activistes de l’organisation Secteur Droit [Right Sector] ont bloqué des camions de livraisons de Vesti à deux métros de stations de Kiev et saisi 45 000 copies du journal dont ils ont vendu le papier pour acheter des livres scolaires patriotiques. Ils ont déclaré : «Nous luttons contre un ennemi intérieur, le journal de propagande Vesti… qui soutient ceux qui tuent nos frères dans l’Est.» Plus tard, l’attaché de presse de l’organisation ira jusqu’à dire :«Nous ne sommes pas du tout pour la censure mais pour le respect des standards journalistiques et d’objectivité.»
Une vidéo montre une fascinante altercation entre le Pravoseki [activiste du Secteur Droit] et un groupe de personnes âgées venant chercher leur exemplaire du journal gratuit. Celles-ci commencent à interpeller le chef du groupe d’activistes :
– Qui a décidé que ces journaux doivent être confisqués ?
– Les tribunaux.
– Quel tribunal ? Où et quand ?
– Le tribunal populaire.
– Quoi, vous vous prenez pour le tribunal populaire maintenant ?
– Oui, je suis le Peuple.
– Ouh là, a toi tout seul ! Et nous, on n’est pas le Peuple ?
– Oui, vous aussi.
– Bon, eh bien nous voulons lire ce journal !
– Allez plutôt lire autre chose qu’un journal pro-russe qui soutient le séparatisme ! Et pourquoi ne parlez vous pas ukrainien ?
Les retraités continuent à se disputer avec lui (nombre d’entre eux ayant passé à l’ukrainien), criant avec colère «Non aux hors-la-loi !».
Comme pour le saccage des bureaux de Vesti, le gouvernement ne veut pas poursuivre ce cas en justice, même avec une scène filmée du délit.
Guzhva a accusé le SBU de recruter des radicaux pour attaquer ceux qui critiquent le gouvernement en échange de l’impunité. Dans un article détaillé de Vesti, un de ses journalistes a rapporté les mots d’un représentant de Chestnoe Slovo, l’organisation radicale ayant revendiqué l’agression de juillet contre son journal : «Nous travaillons avec le SBU contre le séparatisme et l’opposition, tous ceux qui veulent mettre en danger la sécurité nationale et discréditer le gouvernement.» Dans les locaux de l’organisation on peut voir affichée une lettre d’appréciation de la part du chef du SBU, Valentin Nalivaichenko, pour les «contributions significatives au maintien et au renforcement de la sécurité nationale».
Les accusations portées dans l’article se sont révélées particulièrement prémonitoires car, quelques jours plus tard, le journaliste controversé et anti-Maidan, Oles Buzina, a été assassiné par des extrémistes nationalistes présumés ayant servi dans l’un des bataillons de volontaires combattant dans l’est du pays. En réponse au choc public de la mort de Buzina, un célèbre chef de bataillon a écrit sur Facebook qu’il était surpris que les gens puissent douter que le journaliste ait bien été tué par des patriotes.
Je trouve intéressant de voir que ces gens qui, il y a peu, criaient «Hé les gars, revenez du front pour remettre de l’ordre ici» sont maintenant choqués par la mort de Buzina. Que pensaient-ils que cela voulait dire remettre de l’ordre ? Au front, on ne vous enseigne pas à perdre votre temps assis dans un tribunal ou à se plaindre par écrit.
Guzhva a fait remarquer que la campagne de calomnies a été orchestrée contre Buzina l’année précédente par «… un groupe de surveillance des médias, hystérique et intolérant, qui réclamait des représailles contre quiconque ayant, selon lui, un point de vue incorrect. A cause d’eux, les bureaux de Vesti ont été saccagés et nos distributeurs attaqués. Il y a de fortes chances que Buzina ait été assassiné à cause d’eux».
Fin de partie
Pour le Jour du journalisme (le 5 juin), au cours d’une conférence sur la liberté de la presse, le président Porochenko a prétendu que ce n’était pas son boulot d’ordonner que tel ou tel journal soit fermé. Mais il a ajouté: «… Si les fonctionnaires des impôts prouvent le manque de transparence des financements de Vesti, il ne fait alors aucun doute que le pays se défendra… »
Trois jours plus tard le centre des impôts a convoqué 242 employés, anciens ou actuels, du journal. Surtout ceux ayant reçu leurs salaires électroniquement
. Quelques employés se sont plaints d’avoir été agressivement harcelés, menacés, eux et leur famille, pour les convaincre de répondre à la convocation. Cela a été rapidement suivi d’un nouveau raid contre les bureaux du journal par des hommes en uniforme, sans papiers. Ils prétendaient avoir un ordre du tribunal pour fouiller les locaux de Vesti Mass Media LLC alors que cette société n’est pas domiciliée dans les bureaux du journal. Ils n’ont autorisé aucun journaliste ou avocat à pénétrer dans les locaux, ont une fois de plus tout renversé et confisqué les disques durs. Environ 500 personnes se sont réunies devant le bureau des impôts pour protester contre le raid.
Nous arrivons au point culminant de ces quinze mois de lutte. Guzhva a quitté le pays pour des vacances et, soudainement, il a appris la nouvelle qu’il avait vendu ses parts de la société à ses partenaires et avait démissionné de son poste de rédacteur en chef. Ceux qui surveillent les médias ont vite fait circuler la rumeur que le nouveau propriétaire majoritaire, l’oligarque en exil Alexander Klimenko, avait marchandé son retour en Ukraine en forçant le trop critique Guzhva à quitter le journal. Des sources anonymes dans le journal ont prétendu que des surveillants nommés par l’administration présidentielle seraient chargés de filtrer les nouvelles inconvenantes. Le nouveau porte-parole du journal, la femme de Klimenko, a annoncé la nouvelle ligne éditoriale, des sujets positifs.
A son retour de l’étranger, Guzvha a été immédiatement convoqué au tribunal pour évasion fiscale, selon des preuves censées avoir été récoltées lors du raid précédent. Le juge a rejeté la demande du procureur pour une caution de 17 millions de hryvnia (727.000$) pour un plus classique 1 million (45.000$). Il a aussi interdit à Guzhva de quitter Kiev sans la permission du tribunal.
Pour l’instant, l’ancien rédacteur en chef prépare sa défense. Il dit que le centre des impôts, manquant de matériel pour établir une véritable accusation après un an de raids et d’enquête, a manipulé les faits pour créer une impression de crime. Dans son explication compliquée, le journal aurait reçu une aide financière d’une société de Sumy en 2013 mais a été incapable de rendre cette somme à temps car les comptes bancaire de Vesti étaient gelés au cours de la première enquête contre elle en mai 2014. Selon les lois ukrainiennes, le journal doit attendre l’expiration d’un délai de prescription (de trois ans) et alors ajouter cette somme à son revenu brut et payer des taxes sur le revenu appropriées. «Mais les fonctionnaires des impôts ont prétendu que la fraude était intentionnelle. Ils ont considéré cette assistance financière comme irrévocable, que nous aurions donc du la considérer comme un revenu et payer des taxes dessus en 2014. Comme nous n’avons pas fait cela il en ont profité pour nous accuser d’évasion fiscale.»
Le Nouveau Vesti
La maison mère a rompu tous les liens avec les écrivains ou journalistes russes qui étaient assez nombreux à Radio Vesti et Reporter (dont Marina Akhmedova, auteur des articles les plus forts sur la guerre à Donetsk). Le rédacteur en chef de Vesti Reporter, Gleb Prostakov, a décrit les changements ainsi : «Nous allons nous focaliser sur les grandes tendances et ne pas courir après le dernier événement à sensation… Plus d’articles sur les régions, plus d’accent sur l’urbanisme. Mais nous ne fuirons pas les opinions fortes, nous gardons nos dents acérées.»
Mais il est rapidement devenu évident que l’éviction de Guzhva a entraîné de profonds changement dans le ton et la ligne éditoriale de Vesti. Une édition déjà imprimée de Vesti Reporter n’a pas été distribuée, selon des sources internes au journal, à cause d’un article à propos des manigances entre le cercle intime de Porochenko et la compétition avec le groupe géorgien mené par Mikhail Saakachvili. Quelques copies ont atterri dans les mains d’analyste médiatiques qui en ont publié des versions scannées sur le net. Le journal a été rapidement réimprimé et distribué sans l’article sensible.
Puis vint un article à sensation de la journaliste Svetlana Kriukova sur les élections anticipées de cette ville du nord, Chernihiv. Gennady Korban, un prédateur financier et allié du plus puissant oligarque du pays (Igor Kolomoisky) était en ballotage face au candidat désigné par le président Porochenko. Dès les premiers jours de la campagne électorale, il est apparu évident que cela allait être une élection exceptionnelleme
nt tordue. «On m’a fait savoir que mon article ne serait jamais publié alors que j’étais encore dessus», a confié Kriukova aux éditeurs d’Ukraine Comment. «J’étais en déplacement avec le candidat Korban, je me suis alors tournée vers lui pour lui dire : J’espère que cette histoire sera bonne parce qu’elle risque de me faire perdre mon boulot.» Dans son article, Korban était présenté comme un populiste vulgaire, affublé par la sphère internet du surnom de Chef Sarrasin car il faisait sa campagne en distribuant gratuitement des galettes de sarrasin aux pauvres et aux personnes âgées. Beaucoup d’électeurs sont dans un tel état de misère que leur vote est la dernière chose qui leur reste à vendre.
Encore plus fort, le candidat du président, Berezenko, utilise ouvertement plusieurs systèmes d’achat de votes. Dans un passage, l’article décrit l’équipe de campagne de Korban entourant une voiture fermée dans laquelle ils pensent trouver des électeurs achetés par Berezenko. Deux hommes à l’intérieur sont en train de déchirer des morceaux de papier et de les manger. Au bout de quelques heures de péripéties, la police intervient, fouille le coffre et trouve 500 enveloppes contenant chacune 400 hryvnias (18$) et tout un arsenal d’armes à feu. Puis cet article enchaine sur un appartement où les gens de la ville peuvent venir réclamer leurs 18$ après avoir montré une photo de Berezenko et promis de voter pour lui.
Quand il fut évident que cet article n’allait jamais être publié dans le nouveau Vesti, Kriukova a démissionné et a été embauchée par un journal concurrent, Ukrainska Pravda. Son article a été l’article de journalisme politique le plus discuté de l’Ukraine Post-Maidan.
D’autres vétérans de la rédaction ont suivi Guzhva et Kriukova, dont un qui a raconté que la nouvelle direction obligeait les employés à censurer toute mention du procès de Guzvha. Le correspondant de guerre de Vesti.Reporter, Inna Zolotukhyna a démissionné aussi, déclarant : «Le concept de Reporter a été changé. Maintenant, ils ne parlent plus des opérations anti-terroristes au Donbass. Mais je continue à croire que dans un pays en guerre cela doit être le sujet prioritaire.» En octobre, Zolotukhyna a été suivie par le rédacteur en chef du journal, Gleb Prostakov.
Muselé
L’extraordinaire pression exercée sur la maison mère de Vesti ces quinze derniers mois devrait soulever la question de savoir si l’éviction de ses rédacteurs en chef n’est que le résultat d’un changement de politique éditoriale.
Il semble que Kiev ait atténué sa stratégie pour faire taire le journal avec des accusations d’aide au séparatisme et les raids conséquents suite aux condamnations de l’OSCE. Alors qu’évincer Guzhva tout en laissant le journal intact est une technique de neutralisation à faible risque politique. Elle n’a pas attiré l’attention des soutiens occidentaux de Kiev qui prétendent amener l’Ukraine à un haut niveau de démocratisation. Comme l’ambassadrice américaine aux Nations Unis, Samantha Power, l’a proclamé en juin, «l’Ukraine doit activement protéger la liberté de la presse, même face à ses critiques les plus virulents et biaisés, tout spécialement face à eux, même si les soi-disant séparatistes expulsent les journalistes des territoires qu’ils contrôlent, même si la Russie réprime les médias tatar dans la Crimée occupée».
Gennady Korban, très expérimenté dans la prédation financière et la politique ukrainienne a décrit ce qu’il s’est passé ainsi : «J’ai une méthode simple, efficace et bon marché pour privatiser la liberté de parole. Il n’y a que deux choses à faire: obtenir le soutien de l’administration présidentielle et frapper le journal à coup d’amendes pour malversations financières. Puis vous sortez un avis de recherche contre l’éditeur et vous avez la liberté de parole dans votre poche… Cette méthode a été mise au point en Russie quand Vladimir Poutine pris le pouvoir. C’est par cette méthode qu’il s’est arrangé avec la liberté d’expression dans son pays.»
La question est maintenant est que si Vesti commence à museler ses critiques du président, évite les sujets sensibles et se focalise sur le positif, est ce que les organisations internationales et la presse occidentale vont reconnaître que le plus grand journal d’opposition d’Ukraine a été muselé ?
Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone