Par Georges Gastaud – 27 juillet 2024 – Qu’on le veuille ou non, toute cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques (JO) est éminemment politique et son but réel est toujours, pour l’État-hôte, et surtout pour sa classe dominante, de présenter au monde une image flatteuse de son histoire et du projet qu’ils disent porter pour l’avenir.. On pourra revoir ci après celles de ces 20 dernières années. La cérémonie de Paris 2024 ne fait pas exception à cette règle implicite, n’en déplaise aux admirateurs de la Charte olympique qui dispose hypocritement que cette cérémonie doit s’abstenir de toute orientation politique ou religieuse…
Du reste, rien que le fait d’accepter à Paris le drapeau israélien tout en bannissant le drapeau russe alors que l’État israélien commet un génocide à Gaza et que, sans magnifier le contre-révolutionnaire Poutine, le régime de Kiev célèbre ouvertement les SS galiciens et le pogromiste antisémite Bandera, fixait par avance le cadre de ces JO fort peu universalistes. Comment le seraient-ils du reste vu qu’il sont placés sous l’égide de l’hégémonisme euro-atlantique narguant le reste de la planète et qu’ils contribuent objectivement à la banalisation du carnage commis à Gaza par le boucher Netanyahou?
Pour autant, malgré la qualité technique, la beauté plastique indéniable et l’inventivité constante de certains magnifiques tableaux proposés au public mondial, le contenu politique et idéologique même de la cérémonie fait lourdement problème.
Le français langue officielle de l’olympisme piétiné, au mépris de la francophonie internationale
Passons sur le fait que, dans la ville même de Coubertin, et alors que le français est LA langue officielle des JO, toutes les délégations étaient exclusivement dénommées en anglais, sauf bien sûr quand ce nom est le même dans les deux langues: coup de chance pour la France ! Avec Mister Macron on pouvait s’attendre à pire encore, et on a eu droit à de superbes chansons françaises, y compris à la Marseillaise magnifiquement interprétée.
Mais aussi à la mise en valeur consacrée des stars commerciales américaines…
Les contributions émancipatrices de l’Histoire de France effacées, certaines provocations fort peu inclusives ne font pas avancer la cause du peuple…
La où le bât blesse furieusement, c’est dans la manière dont notre histoire a été (non) présentée au monde. Comme si rien de grand et d’émancipateur ne s’y était fait avant la Révolution, et comme si cet événement majeur de l’histoire progressiste mondiale était réductible à la décapitation d’une reine convaincue de trahison, comme si Louise Michel n’était pas d’abord une figure universelle de la lutte anticapitaliste et anticoloniale (1) , comme si le mouvement ouvrier n’avait jamais existé dans le pays qui a inventé les mots « Commune » et « communisme »…
Enfin, était-il indispensable d’en faire des tonnes sur la question du « trouble dans le genre », pour parler comme la philosophe Judith Butler, et la juste lutte contre l’homophobie dans le sport sortira-t-elle renforcée, ou paradoxalement affaiblie, voire caricaturée aux yeux du public mondial, de l’inflation de scènes destinées, comme leurs concepteurs s’en sont vantés publiquement, à choquer lourdement alors que ces questions extrêmement clivantes mériteraient d’être présentées de manière plus pédagogique?
Ne parlons pas de la grossière provocation ouvertement destinée à heurter nos compatriotes catholiques en présentant une image bouffonne de la Cène.
Si l’État laïque a le devoir de défendre la liberté d’expression, y compris de protéger le droit à faire usage de ce que telle ou telle religion, catholique mais aussi juive, musulmane, protestante, bouddhiste ou autre considère comme un blasphème, rien n’indique qu’il ait lui-même le droit de provoquer toute une partie de ses citoyens dans le cadre d’une cérémonie censément « inclusive » et destinée à cultiver la tolérance. Ni Jaurès, co-auteur de la loi laïque de 1905, ni Lénine, qui demandait aux bolcheviks de respecter la Pâque orthodoxe, ni Thorez appelant en 36 les travailleurs catholiques à combattre le fascisme aux côtés des communistes, ni Aragon écrivant sous l’Occupation le magnifique poème « Celui qui croyait au Ciel, celui qui n’y croyait pas », n’ont eu ce grossier manque de respect à l’égard de millions de compatriotes qui avaient le droit de regarder cette cérémonie D’ÉTAT, qu’ils ont financée comme tout le monde, sans se sentir humiliés. Jean-Luc Mélenchon a eu raison de s’exprimer dans le même sens, quitte à essuyer une tempête de criailleries de la part de la fausse gauche macro-compatible. (2)
… mais de veules génuflexions, médiocres , sanctifiant l’écrasement sous le dogme réel du jour écrasant les peuples, la construction européenne et son drapeau clérical
D’autant que cette offense bien peu courageuse à la religion officielle D’HIER s’est évidemment accompagnée d’une triple génuflexion des concepteurs macronistes de la cérémonie devant la religion obligatoire D’AUJOURD’HUI, cette « construction » européenne dont le drapeau obsédant… et clairement clérical (il représente un drap marial parsemé des douze étoiles apostoliques!) n’a JAMAIS été validé par le peuple français. Lequel, rappelons-le, a voté NON à la constitution européenne, donc à l’État fédéral européen que l’on veut aujourd’hui nous imposer, et avec lui les emblèmes de sa souveraineté usurpée, en exploitant indécemment pour cela toutes les occasions possibles, y compris celles qui devraient comporter un minimum de retenue.
une cérémonie marquée par un onirisme sombre, révélant les pulsions belliqueuses et mortuaires de la classe dominante
Passons aussi sur la signification, souhaitons-le, inconsciente de la chevauchée cauchemardesque sur la Seine du Cavalier de l’Apocalypse, alias Déesse Sequana : elle en dit long sur l’imaginaire exterministe d’une société capitaliste prête à mener ses nouvelles croisades antirusses ou anti-chinoises sans la moindre « ligne rouge » comme Macron s’en est publiquement flatté… Ne nous y trompons pas, derrière ses flonflons festifs et sa pétulance surjouée, cette société exsude la noirceur par tous ses pores..
Si nous communistes de France avions la charge, par hypothèse d’école, de concevoir un jour une telle cérémonie, nous n’aurions nul besoin pour cela de tordre l’histoire de France ou de plaquer sur elle des scènes exterministes. Il nous suffirait d’en saisir le fil blanc, bleu et rouge qui court, à travers mille contradictions objectives mais vivifiantes, de Jeanne d’Arc défiant le Duc de Bedford, au mouvement ouvrier moderne luttant pour le pouvoir populaire, en passant par la révolution Sans Culotte fondant l’État-nation. Et de constater qu’à chaque époque, les tenants, fussent-ils partiels et inconséquents de l’émancipation, ont dû affronter les classes privilégiées toujours prêtes à vendre leur peuple à la domination de maîtres étrangers pour préserver leurs privilèges, de l’évêque Cauchon envoyant Jeanne au bûcher (officiellement pour avoir porté l’habit d’homme!), à Pétain livrant le pays aux hitlériens, en passant par Thiers écrasant la Commune avec l’aide des prisonniers français de Sedan libérés, pour l’occasion, par Bismarck.
Ne pas dire cela, ce serait laisser un boulevard énorme, en France, à Marion Maréchal, que cette cérémonie pour le moins maladroite ressort de son sarcophage idéologique, ainsi qu’à tous ceux qui, de part le monde, prennent appui sur de tels débordements pour ressusciter les vieux démons homophobes et fascisants. C’est au contraire en associant la cause des émancipations sociétales à celles de la libération nationale et de l’égalité sociale que l’on pourra, sans cérémonie, abattre toutes les réactions pour défendre la DIGNITÉ de tous les humains.
(1) comment ne pas penser ici à l’action terrible ces dernières années et semaines de Macron en Nouvelle-Calédonie ! (ndlr)
(2) https://melenchon.fr/2024/07/27/jai-aime-ou-bien-je-nai-pas-aime/
le comité d’organisation des JO devant le tollé internationale a été obligé de présenter des excuses officielles
les précedentes cérémonies d’ouverture des JO
Tokyo 2020
Rio 2016
Londres 2012
Pékin 2008
PyeonChang 2018
Sotchi 2014
Vancouver 2010
https://www.youtube.com/watch?v=MxZpUueDAvc
Turin 2006