Vasyl Poryk s’est illustré au sein de la résistance dans le Pas de-Calais. Un mémorial rappelle le sacrifice de ce combattant antifasciste Hénin Beaumont. Tout un symbole.
En Ukraine occidentale, son village natal porte son nom. Un musée lui est même dédié. Un film et des romans lui ont été consacrés. Au sein des Francs Tireurs et Partisans (FTP), aux côtés de ses frères d’armes français, polonais ou italiens, Vasyl Poryk** a combattu l’extrême droite dans le nord de la France. Chaque année, un hommage est rendu à ce militant communiste au cimetière dHénin Beaumont où il repose depuis la Libération. Fils de paysans, Vasyl Poryk sort de l’école militaire de Kharkov en 1941, avec le grade de lieutenant de l’Armée rouge. Sur le Front de l’Est, artisan de la Grande Guerre Patriotique, il combat l’Allemagne hitlérienne avant d’être fait prisonnier. En février 1943, il est déporté dans le Pas de-Calais et affecté à la compagnie des Mines de Drocourt. A cette époque, ils seraient 7300 requis ukrainiens et prisonniers de guerre soviétiques ou serbes travailler dans les mines de la Zone interdite où l’occupant nazi les a acheminés, dès l’été 1942, pour pallier la baisse de la production charbonnière***.
Guérilla urbaine
De Marles les Mines à Anzin, ils sont parqués dans une dizaine de camps bâtis à proximité de leur lieu de travail. Surveillés par des gardes wallons dobédience rexiste ou des militaires allemands, ils font l’objet de toute lattention de la Résistance communiste qui favorise leur évasion. Activement recherchés, la plupart trouvent refuge au cœur des cités minières chez l’habitant. Ils bénéficieront dans tous les milieux du sentiment de reconnaissance provoqué par les combats gigantesques des armées soviétiques, facteurs déterminants de la défaite du régime hitlérien, écrira plus tard le colonel Lhermitte, historien local de la Résistance. Au coeur du Pays noir, ces partisans sadonnent à la guérilla urbaine. Cest le cas de Vasyl Poryk évadé du camp de Beaumonten-Artois, près dHéninLiétard , fugitif, il est recueilli, l’automne 1943, par Gaston et Emilie Offre, des militants communistes. Le temps des actes de sabotage au fond des puits de mines est terminé. Vasyl Poryk passe la vitesse supérieure. Sous le commandement de Victor Tourtois, dirigeant FTP, Vasyl Poryk, la tête d’un bataillon soviétique, multiplie les initiatives. Aux troupes qu’il anime, on prêtera un bilan édifiant de 300 soldats et officiers tués ou blessés, 11 convois militaires déraillés, 2 ponts détruit. Mais aussi la mise hors d’état de nuire de collaborateurs notoires ou des attaques de dépôts de munitions et de vivres. Des camps, il organise aussi la fuite de ses compatriotes susceptibles d’alimenter les rangs de la résistance.
Sa tête mise à prix
Le récit de ses exploits se serait-il alors largement répandu dans les corons au point de mobiliser toute l’énergie mortifère de l’occupant et de ses alliés vichystes ? Fin avril 1944, informés de la présence d’évadés soviétiques dans le quartier de la Parisienne à Hénin Liétard, des dizaines de soldats allemands cernent la cité. Vasyl Kolesnyk, son fidèle camarade, est abattu. Blessé à la jambe, Poryk est transféré à la prison Saint-Nicaise dArras puis torturé. Son calvaire se poursuit jusqu’à son évasion dans de dantesques conditions. Il égorge la baïonnette sa sentinelle allemande avant de retourner à travers champs et au prix de mille dangers dans sa famille d’adoption. Encore convalescent, il reprend néanmoins ses activités. Poryk, le bolchévique, défie le III*** Reich. Sa tête est mise à prix. La traque prend fin au coeur de la cité , entre Grenay et Loos en-Gohelle, près de Lens. Le lieutenant tombe dans un guet-apens. Et c’est mourant ou peut-être même déjà mort que les nazis le fusillent à la citadelle d’Arras… Nous sommes le 22 juillet 1944.
Héros de l’Union Soviétique
Ses contemporains mettront en avant la gentillesse d’un homme aussi courtois dans la vie qu’intransigeant dans la lutte, mais également son autorité naturelle, son charisme et sa foi dans la défaite inéluctable du nazisme. Il est revenu une fois à la maison en tenue d’officier soviétique, une mitraillette à la main, confiait Emilie Offre. Dans l’Héninois, son courage est resté légendaire, prétendra le colonel Lhermitte dans les années 1960. A l’instar du journaliste communiste André Démarez, d’autres avancent aujourd’hui qu’aux lendemains de la guerre, personne ne parlait de Poryk, sauf des gars comme Victor Thurtois, vraiment les proches, le premier cercle. Dans les années 1960, l’URSS se saisit néanmoins de son parcours et l’élève au rang de Héros, avant de prendre l’initiative d’ériger à sa mémoire (et celle de Vasyl Kolesnyk) un monumental édifice sculpté dans le granit, au cimetière d’Hénin Liétard. Son inauguration le 18 février 1968 attire des centaines de personnes dont le maréchal Sokolowski, autre héros soviétique de la Seconde Guerre mondiale. A l’heure de l’escalade américaine au Vietnam qui met en péril la Paix mondiale, l’ambassadeur d’URSS à Paris célèbre la coopération franco-soviétique scellée dans le sang de nos meilleurs fils. L’occasion de vanter les mérites de l’internationalisme prolétarien et les vertus du dévouement antifasciste. Tout un symbole dans une ville d’HéninBeaumont**** de nouveau gangrenée par la Peste brune.
Jacques Kmieciak
* »Les prisonniers de Beaumont « de Furi Lysenko
** Le jeune homme à la rose, d’André Pierrard. Presses de la Cité. I969.
**Nous avons ici privilégié la transcription préconisée par lambassade dUkraine à Paris. En France, Vasyl Poryk est aussi connu sous le nom de Vasil ou Vassili Poric, voire Boric ..,
*** Sur ce sujet, lire Etienne Dejonghe : Requis ukrainiens et prisonniers de guerre soviétiques dans le Nord de la France, 1942 – 1944. Revue du Nord, numéro hors-série, 1988.
**** Hénin Liétard est devenu Hénin Beaumont en 1971 la faveur de sa fusion avec Beaumont en-Artois.