La polémique continue sur le destruction ou le déboulonnage de certaines statues présentes dans l’espace publique en France. Tant il est vrai que la statuaire est le miroir de l’emprise idéologique et de la domination de la classe capitaliste rendant hommage à ses « héros » : aux généraux du colonialisme, aux idéologues de l’impérialisme, la classe capitaliste reconnaissante. A contrario, et comme nous l’avons déjà démontré brillent par leur absence les héros populaire. Ceux des conquêtes sociales et démocratiques fondamentales à l’image d’Ambroise Croizat dont la seule statue en France se situe dans la petite ville ouvrière de Port-de-Bouc, ministre de la Santé communiste et créateur de la Sécurité Sociale, sont totalement effacés de nos rues. Tandis qu’à Gelsenkirchen en Allemagne de l’Est une statue de Lénine est érigée, inaugurée par plusieurs centaines de personnes, la campagne de haine lancée dans les médias français n’est pas sans rappeler l’offensive violente lorsque Montpellier a osé installer deux statues de Lénine et de Mao. Démontrant que les déboulonneurs et les briseurs de statues ne sont pas ceux que l’on croit.
Marxist–Leninist Party of #Germany has unveiled Lenin’s statue in #Gelsenkirchen. This is the first time that the Soviet leader’s statue has been installed in the country since the fall of communist East Germany.#leninstatue #communism #statues pic.twitter.com/g2TTujANsa
— Annu Kaushik (@AnnuKaushik253) June 20, 2020
À travers deux prises de position, IC revient sur ce débat qui a tout à gagner à se construire de façon dialectique, sans oublier que l’histoire et son étude sont une des clés de l’émancipation des travailleurs y compris dans la lutte antiraciste.
Sur le déboulonnage et la destruction de statues
À la suite de la mort de George Floyd à Minneapolis (Etats-Unis), on a assisté au Royaume-Uni, en Belgique, aux États-Unis à des déboulonnages de statues de personnages liés à l’esclavage et à la colonisation. Sans lien immédiat avec cette affaire, le débat existe aussi en France, où l’on a assisté le 22 mai au renversement de deux statues de Victor Schœlcher à la Martinique. Mais tout cela est-ce normal ? Assiste-t-on à un changement « naturel » lié à notre époque et à la culture ? Nous allons analyser cela en fonction de l’histoire mais également de l’art et du patrimoine.
1) Une aberration historique et artistique.
Détruire ou censurer des monuments est aberrant d’un strict point de vue historique, patrimonial et artistique. C’est notre patrimoine de France et il concerne l’ensemble du peuple français sans distinction de classe ou de couleur de peau.
Il est vrai que c’est une minorité de privilégiés qui a écrit et façonné une grande partie du patrimoine culturel de nos sociétés. Ces serviteurs des élites travaillaient pour les monarques, le haut clergé, les seigneurs, et ils soutenaient en grande partie une politique en faveur de l’esclavage jusqu’à son abolition. Ces personnes dont on trouve aujourd’hui les effigies (portraits, statues, bas-reliefs …) représentent une partie du patrimoine de la France.
Quand on y réfléchit, c’est une aberration car ces gens n’ont généralement pas servi le peuple. En effet, une grande partie de l’histoire de notre pays est monarchique, capitaliste et colonialiste.
Cependant, il ne faut en aucun cas détruire notre patrimoine. C’est une catastrophe pour l’humanité si on se met à détruire tous les monuments qui montrent des personnages controversés de l’histoire. C’est une relecture critique de notre histoire faite autour de la question de l’esclavage : on relit les personnages de Colbert, Schœlcher ou encore des villes comme Nantes ou Bordeaux mais uniquement sur le prisme de l’esclavagisme. Pourquoi s’attaquer à Schoelcher ? Il est considéré comme le père de l’abolition de l’esclavage en France, mais aujourd’hui on l’accuse uniquement d’avoir privilégié les colons en leur donnant des indemnités qui auraient pu être données aux esclaves affranchis. On prend ce qu’on veut dans l’histoire du personnage comme prétexte pour détruire une œuvre.
C’est une opération de relecture des personnages historiques. À l’époque, les mœurs, la politique étaient différentes et on en a fait des icônes. Aujourd’hui, ils ne sont plus d’actualité et on veut les effacer volontairement de l’histoire.
Nous pouvons faire un parallèle intéressant avec la remise en question progressive de certaines œuvres cinématographiques. L’exemple le plus proche est le film « Autant en emporte le vent », qui est retiré progressivement des plates formes de streaming. Quand on réfléchit bien, ce serait presque logique : ce film est un brûlot raciste, sudiste ou l’esclavage est clairement regretté ! C’est même tout le système d’exploitation des travailleurs qui est mis en avant par ce film. En effet, pour remplacer ses esclaves, Scarlett O’Hara (la personnage principale du film) va même jusqu’à enrôler des prisonniers dans son entreprise pour ne pas à avoir à les payer. C’est terrible comme message. Mais il ne faut en aucun cas censurer le film ou l’interdire ! Il doit rester un objet d’étude cinématographique, en tant que film majeur du cinéma hollywodien, mais aussi un exemple important pour étudier l’esclavagisme ! Et c’est en cela qu’on devient progressiste : en étudiant le passé, le patrimoine et en construisant l’avenir en fonction du peuple et non plus des oppresseurs.
2) Détruire le patrimoine n’est pas un acte révolutionnaire
Dans l’histoire du monde les révolutions n’ont pas détruit volontairement des œuvres artistiques : c’est au contraire un acte anti-progressiste.
- Révolution Française : aucun révolutionnaire n’a eu le mot d’ordre de détruire Versailles. Ni aucun bien de l’Église ou de la monarchie. Pourtant si on y réfléchit, Versailles est une abomination pour le peuple français : la construction du château a entraîné des famines en France après sa construction. C’est un symbole majeur de la monarchie absolue
- bolchevisme : pendant la révolution bolchevique en Russie en 1917, les casses et pillages avaient été strictement interdits par les révolutionnaires (exemple : interdiction de casser les monuments de Petrograd : PILLAGE RIGOUREUSEMENT INTERDIT, des révolutionnaires avaient été exécutés pour avoir saccagé des biens de l’Empire Russe).
Pourquoi est-ce que ces actes n’ont rien à voir avec l’idée de révolution ? Car une Révolution n’a jamais eu pour but de détruire le patrimoine d’un pays. L’héritage culturel d’un pays n’a pas à être mis en opposition ou en guerre avec la population actuelle et notre mode de vie contemporain. Le progressisme n’implique pas le tri du patrimoine historique. C’est un acte grave de vouloir effacer l’histoire d’un pays ou de vouloir la nier.
Les débordements de l’histoire sont une tout autre affaire. Quand la masse, le peuple détruit quelque chose, c’est spontané, c’est un mouvement de foule ! Cela n’a rien à voir avec le déboulonnage programmé des statues ou de la censure volontaire de certaines œuvres. Par exemple, les incendies et saccages de châteaux pendant la Révolution française n’étaient pas prémédités : c’est le Tiers Etat qui les attaquait pour récupérer les documents féodaux qui asservissait le peuple à l’aristocratie. Les débordements de l’histoire, sont donc des émeutes populaires qui ont parfois dégénéré.
À Lyon, toujours pendant la Révolution française, des statues de la façade Ouest de la Cathédrale Saint Jean ont été décapitées par la foule en colère. Mais cela n’était en rien prémédité.
Pour l’art, le pire exemple que l’on n’ait jamais vu est le pouvoir nazi, qui brûlait les livres dont les idées ne semblaient pas correspondre à celles d’Hitler. Plus récemment, les talibans en Afganistan ont délibérément fait exploser des statues bouddhistes très anciennes, uniquement dans le but d’effacer ce passé qui ne leur convenait pas.
Ce que nous constatons de très intéressant, c’est que ces 20 dernières années, c’est clairement le patrimoine communiste et révolutionnaire que l’on aimerait rayer du paysage. En effet, en Europe de l’EST, on détruit des statues représentants de grands leaders communistes. On veut jeter l’héritage marxiste-léniniste comme un vulgaire mouchoir sale. C’est un acte grave contre le patrimoine de l’humanité, il y a vraiment la volonté de rayer le communisme de l’histoire.
LA CLEF C’EST L’HISTOIRE ET SON ÉTUDE
Mon rôle de professeur d’Histoire et plus généralement, des historiens, ce n’est pas de juger ou d’excuser ce qui s’est passé, c’est de raconter les faits historiques et de les expliquer. C’est mon rôle social et Civique de professeur d’Histoire. Et c’est malheureusement ce qui est quasiment impossible aujourd’hui car l’histoire est reléguée au dernier plan ! On l’étudie de moins en moins et donc les gens l’oublient. Comment faire ?
Il faut travailler à redonner les moyens culturels, le savoir à la population pour qu’elle puisse connaître, comprendre, qui a travaillé historiquement pour faire avancer la société et l’humanité, quelles que soient sa classe sociale et son idéologie.
- Dans un premier temps, il faut donner des explications sur ces monuments, ces noms de rues, ces œuvres dans les musées… Il faut présenter l’histoire de façon plus accessible au public. Il faut remettre l’histoire au cœur de l’apprentissage et de la discussion. Avec des écriteaux, des panneaux en dessous des monuments.
- Il faut faire en sorte que les musées soient gratuits. L’objectif serait de redonner au peuple les moyens d’accès au patrimoine artistique et culturel. L’histoire comme l’art est devenue élitiste et n’est généralement plus destinée à la majeure partie de la population. Avec ce travail de fond, une personne sera capable de comprendre la signification d’une statue historique, avec ses mauvais côtés mais aussi avec ce qu’il a apporté à notre monde.
- Une autre solution importante serait à l’ avenir, de donner des noms de rues ou ériger des monuments à des gens qui se sont battus pour le peuple . Il faut maintenant attribuer des rues à des oubliés ou à des révolutionnaires qui se sont battus pour le peuple de France. Et non plus ériger uniquement des œuvres, statues, aux gens issus de la classe dominante. Mais cela doit se rajouter, et non remplacer.
Si on se dit progressiste, on ne peut pas ériger en règle l’abolition de l’héritage culturel. C’est une aberration. Si on explique aux gens la réalité historique, ils se feront eux-mêmes leurs opinions, comprendront ce qui s’est passé et justement, agiront dans le sens du progressisme.
EX de professeur : Jules Ferry . C’était une incarnation de la bourgeoisie industrielle exploiteuse et de la colonisation violente. Mais c’était aussi un des pères fondateurs de la République Française, le fondateur de l’école républicaine laïque, qui a été un modèle de scolarisation dans le monde et qui a permis l’accès à l’école pour les filles ! C’est du patrimoine et il a forgé notre pays depuis des siècles, qu’il soit monarchiste, impérial, colonisateur, républicain. C’est donc ça qu’il faut faire : expliquer. Si vous n’aimez pas Jules Ferry, Colbert ou Louis XIV, alors voilà, on va vous expliquer qui étaient réellement ces gens, qui ont fait l’histoire de France avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Il y a des infâmes exploiteurs, colons, qui ont été a l’origine d’œuvres d’art exceptionnelles et de changements politiques majeurs, c’est un fait.
Nous pouvons finir aussi par dire que le problème du racisme et du néo-colonialisme ne sera jamais résolu par le déboulonnage des statues ou plus généralement la destruction du patrimoine d’un pays. Au contraire, je pense que casser le patrimoine va encore plus amener la division au sein de notre population et cela va faire monter les extrêmes. IL FAUT EXPLIQUER QUI étaient ces hommes : et ça on ne le fait pas. L’ignorance historique, et donc politique, amène à des actions comme un démantèlement du patrimoine que l’on ne comprend plus. Il est temps de repolitiser massivement la population française pour aller vers un vrai progressisme marxiste !
Sincères remerciements à Annie Lacroix-Riz pour son aide dans ce travail.
Dark Vlador
Statues déboulonnées hier et aujourd’hui : les masques tombent !
Chaque culture nationale comporte des éléments, même non développés, d’une culture démocratique et socialiste, car dans chaque nation, il existe une masse laborieuse et exploitée, dont les conditions de vie engendrent forcément une idéologie démocratique et socialiste. Mais, dans chaque nation, il existe également une culture bourgeoise (et qui est aussi, la plupart du temps, ultra‑réactionnaire et cléricale), pas seulement à l’état d’« éléments », mais sous forme de culture dominante.
Lénine, Notes critiques sur la question nationale
par Michel Aymerich – Actualisé le 20/06/2020 à 00:25.
PREMIÈRE PARTIE
Par Michel AYMERICH
« À Richmond (Virginie), l’ancienne capitale sudiste, la statue de Jefferson Davis (1808-1889), le président sécessionniste, a été arrachée de son piédestal mercredi 10 juin. Elle mesurait 2,4 m de haut et datait de 1907. Des manifestants se réclamant de Black Lives Matter l’ont abattue à l’aide de cordes, sous le regard impassible de la police. » rapporte Le Monde du 10 juin [1].
Le journal ajoute «Le maire de cette capitale de l’héritage colonial, le démocrate Levar Stoney, avait annoncé son intention de mettre au rebut les statues rappelant le passé esclavagiste du Sud. Les manifestants l’ont devancé, bien qu’il leur ait demandé de laisser des « professionnels » opérer pour des raisons de sécurité. Jefferson Davis, ancien secrétaire à la guerre et sénateur du Mississippi, ne sera pas réexposé. Le maire l’a qualifié de « raciste et de traître » n’ayant aucunement sa place « sur ce piédestal». […] Toujours à Richmond, l’imposante statue du général Robert Lee, le chef militaire de la Confédération, au pied de laquelle l’extrême droite aime à se rassembler, est en attente. Le gouverneur démocrate Ralph Northam a ordonné le déplacement du monument de 12 tonnes et 18 mètres de haut, inauguré en 1890, mais un juge a suspendu lundi tout mouvement pour dix jours. Selon le Southern Poverty Law Center, il reste 771 statues aux États-Unis honorant les onze Etats confédérés ayant fait sécession en 1860 (Caroline du Sud, Mississippi, Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane, Texas, Virginie, Arkansas, Caroline du Nord, Tennessee). Aux yeux de leurs défenseurs, ces monuments représentent un hommage aux énormes pertes subies par le Sud pendant la guerre civile (260 000 soldats tués, côté sécessionniste ; 360 000 pour le Nord). [2]»
Le journal Le Monde et les médias dominants -ceux appartenant à la fraction principale de la classe des grands capitalistes- rapportent ces faits sans enthousiasme, sans pouvoir ni vouloir expressément les condamner clairement. Disons qu’ils ont intellectuellement tendance à discrètement faire la moue. Bien que des préjugés subsistent avec plus ou moins de vigueur, cela fait des décennies que le racisme institutionnalisé est devenu largement obsolète. Car le capitalisme a besoin de l’esclavage salarié de travailleurs de toutes les couleurs.
Mais parallèlement la classe capitaliste craint l’unité internationaliste et donc «raciale» des travailleurs sur la base de leur propre conscience de classe. Des courants bourgeois actuellement minoritaires (pour combien de temps encore ?) et leurs idiots utiles protestent contre le déboulonnage des statues qui sont ses repères idéologiques plus ou moins assumés. Ils n’en ont guère d’autres. En voici une illustration:
Ces courants bourgeois actuellement minoritaires aimeraient stopper la roue de l’histoire et comme ils ne le peuvent pas en totalité, ils œuvrent, au minimum, à la faire dévier dans le sens d’un néo-fascisme mâtiné d’un racisme mis au goût du jour… Pour ce faire, ils exploitent de façon réactionnaire le vrai défi de la réaction islamiste que l’impérialisme principal que sont les USA et leurs alliés n’ont pas hésité et n’hésitent pas à soutenir en sous-main. Ce qu’ils font, par exemple, actuellement dans la province du Xinjiang qui a le statut de région autonome de la République populaire de Chine [3].
On l’a vu dans l’histoire. Il arrive que celle-ci puisse régresser de façon spectaculaire. «En juillet 1916, Lénine […] faisait remarquer qu’il est «antidialectique, antiscientifique, théoriquement inexact, de se représenter l’histoire universelle avançant régulièrement et sans heurts, sans faire quelquefois des sauts gigantesques en arrière.[4]»
L’exemple historique le plus dramatique qui doit illustrer cette remarque de Lénine a été donné après son décès en janvier 1924 par le nazisme (le fascisme allemand) placé au pouvoir par le Maréchal Hindenburg, lorsqu’il nomma Hitler au poste de chancelier du Reich le 30 janvier 1933 [5].
Mais là, à l’opposé, le déboulonnage actuellement en cours des statues d’esclavagistes et autres criminels qui hantent «notre» histoire dans le dit «Occident» (en vérité les États-nations qui forment le capitalisme-impérialisme qui a son centre aux USA) va dans le bon sens. Je dois avouer qu’il me ravit pour l’essentiel. Des guillemets à «notre» car cette histoire, ici remise en cause, est en premier lieu celle des maîtres, des gros possédants, des grands capitalistes propriétaires des moyens de production et d’échange. En bref, des classes exploiteuses!
Elle n’est pas l’histoire des simples gens, des opprimés, des exploités, des révoltés, des révolutionnaires de toutes les couleurs, de toutes les «races» et ethnies . Elle est l’histoire à laquelle au fil des millénaires, Spartacus et ses descendants politiques se sont opposés.
Dès 1913, dans Notes critiques sur la question nationale, Lénine, dont j’ai mis plus haut en exergue les lignes suivantes, soulignait ce qui tombe sous le bon sens de chacun qui a su préserver sa conscience de l’intense lavage idéologique de cerveau :
«Chaque culture nationale comporte des éléments, même non développés, d’une culture démocratique et socialiste, car dans chaque nation, il existe une masse laborieuse et exploitée, dont les conditions de vie engendrent forcément une idéologie démocratique et socialiste. [6]»
Les éléments sous leur forme visible de cette « culture démocratique et socialiste », existante «dans chaque nation» sont largement absents du paysage architectural et artistique des pays soumis à un régime politiquement bourgeois et économiquement capitaliste. Les représentations sous forme de bustes et statues dans l’espace publique, comme de peintures dans les musées et expositions permanentes manquent la plupart du temps. Elles sont sous-représentées aux yeux des masses et lorsqu’elles existent, elles servent trop souvent d’alibi au présent opposé au passé. Présent caractérisé par ses inégalités économiques, sociales et raciales criantes [7].
Deux exemples, parmi d’autres, de combattant/e/s du Panthéon à venir de celles et ceux qui aux États-Unis ont lutté contre l’esclavage :
Quand ces représentations, sous forme de bustes et statues dans l’espace publique, comme de peintures, existent, l’essentiel est caché ou au mieux embrouillé lorsqu’il s’agit d’expliquer dans quelle mesure et pourquoi l’esclavage classique et le racisme institutionnalisé (la ségrégation aux États-Unis, l’antisémitisme exterminatoire germano-fasciste et l’Apartheid en Afrique du sud) font largement partie du passé. Dans la seconde partie (à venir) de cet article j’aborderai la question de l’impulsion initiale de la politique du Parti communiste des États-Unis sur la question noire venue… de Moscou !
Mais outre les«éléments […]d’une culture démocratique et socialiste», Lénine rappelle que «dans chaque nation, il existe également une culture bourgeoise (et qui est aussi, la plupart du temps, ultra réactionnaire et cléricale), pas seulement à l’état d’«éléments», mais sous forme de culture dominante. [9]»
Et c’est bien la culture dominante qui à la fois reflète et contribue à reproduire la domination politique et par conséquent économique (ou inversement) des masses populaires au sein de chaque État-nation (existant ou en devenir…) par la classe dirigeante.
Plus loin dans le même article, Lénine précise son raisonnement dialectique:
«Chaque nation contemporaine comprend deux nations, dirons nous à tous les national sociaux. Chaque culture nationale comprend deux cultures nationales. Il y a une culture grand russe des Pourichkévitch, des Goutchkov et des Strouvé, mais il y a également une culture grand russe caractérisée par les noms de Tchernychevski et de Plékhanov. De même, il y a deux cultures ukrainiennes, comme il y en a deux également en Allemagne, en France, un Angleterre, chez les Juifs, etc. Si la majorité des ouvriers ukrainiens se trouvent sous l’influence de la culture grand russe, nous savons pertinemment que, parallèlement aux idées de la culture grand russe cléricale et bourgeoise, les idées de la démocratie et de la social démocratie grand russes exercent aussi leur influence. En combattant la «culture» du premier genre, un marxiste ukrainien fera toujours une distinction entre elle et la seconde, et dira aux ouvriers ukrainiens : «Il faut absolument saisir, utiliser, affermir de toutes nos forces toute possibilité d’union avec l’ouvrier conscient grand russe, avec sa littérature, avec le cercle de ses idées. C’est ce qu’exigent les intérêts vitaux du mouvement ouvrier et ukrainien et grand russe. [10] »
Lorsque consécutivement au «second Anschluss : l’annexion de la RDA» [11], la réaction impérialiste allemande (avec l’aval réjoui de tous les secteurs de la réaction mondiale qui s’étendait de l’extrême-droite à la pseudo-gauche) a entrepris de déboulonner la statue de Lénine à Berlin fin 1991 et début 1992, on n’entendait pas les actuelles protestations mentionnées plus haut. Protestations toutes plus immorales, cyniques, «amnésiques», les unes que les autres face au déboulonnage ou au vandalisme actuel de statues d’esclavagistes, de racistes avérés, de colonialistes aux USA, au Royaume uni, en Belgique et ailleurs.
Mais là je souris (pour le moins..) en pensant à tous ceux qui se réjouissaient du déboulonnage de la statue de Lénine et se plaignent de ce qui a cours, principalement aux USA, le centre du capitalisme-impérialisme, mais aussi à sa périphérie politique…
La réaction unie de l’extrême droite à la pseudo-gauche (les héritiers politiques de la deuxième Internationale), la gauche du système capitaliste-impérialiste dans son ensemble, s’était réjouie du déboulonnage des statues de Lénine à Berlin et dans d’autres pays.
Ce faisant, le noyau de la réaction unie (la grande bourgeoisie) ne se trompait pas dans ses positions de classe (la bourgeoisie était parvenue à entraîner une petite bourgeoisie suicidairement enthousiaste sur les perspectives illusoires d’un meilleur monde et à tromper un prolétariat depuis longtemps désorienté…). Lénine est le révolutionnaire qui au vingtième siècle a le plus contribué à modifier la face du monde. Notamment dans les questions nationale et raciale étroitement liées aux questions économiques et sociales, et au combat contre le capitalisme-impérialisme pour la révolution socialiste mondiale.
Si aujourd’hui la Chine est devenue ce qu’elle est sous sa forme de République populaire de Chine dirigée par le Parti communiste chinois (PCC), c’est en grande partie parce que l’Internationale communiste – créée le 02 mars 1919 à l’initiative de Lénine, consécutivement à la révolution bolchévique d’octobre 1917 [12] – a donné naissance au PCC, fondé le 1er juillet 1921…
Une République populaire de Chine qui doit inspirer les peuples d’Afrique et inspire dors et déjà bien des Africains parmi les plus conscients [13] !
Lénine a initié un changement radical d’attitude à l’égard des Noirs des États-Unis et du monde, par le moyen de l’Internationale communiste, dont le Parti communiste des États-Unis d’Amérique était la section américaine. Ce sera l’objet de la démonstration de la seconde partie…
NOTES :
[2] Ibid.
[4] Lénine, A propos de la brochure de Junius, https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/07/vil191607001.htm
[5] G. Dimitrov, dans son rapport « L’offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale Communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme » du 02 août 1935 au VIIe congrès de l’Internationale Communiste, le caractérise ainsi : « Le fascisme au pouvoir est […] la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier.
La variété la plus réactionnaire du fascisme, c’est le fascisme du type allemand, il s’intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme allemand.
Le fascisme allemand ce n’est pas seulement un nationalisme bourgeois, c’est un chauvinisme bestial. C’est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l’égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels.
C’est la barbarie médiévale et la sauvagerie.
C’est une agression effrénée à l’égard des autres peuples et des autres pays.» http://lesmaterialistes.com/georgi-dimitrov-definition-fascisme
[6] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 2. La « culture nationale »
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000c.htm
[7] «Les Afro-Américains principalement, mais aussi les Latinos, récemment immigrés, se trouvent, en ce moment, frappés par la pandémie du Covid-19 deux fois plus en proportion que les Blancs. Ce n’est pas un malheureux hasard, mais une révélation de leur situation sociale : ils se trouvent être les plus pauvres des Américains, les plus fréquemment atteints par des maladies chroniques qui ne sont pas soignées, comme le diabète, parce qu’en dehors des urgences hospitalières, ils ne bénéficient pas d’assurance santé.
Au surplus, quand le chômage frappe, près de 20 % de la population active, ces « minorités » raciales sont les premières licenciées, souvent sans assurance contre le chômage, dépendantes entièrement de la charité des Eglises et des fondations philanthropiques et, selon les Etats, de quelque aide locale »
[9] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 2. La « culture nationale » Ibid.
[10] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 3. L’épouvantail nationaliste de l’«assimilationnisme»
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000d.htm
[11] « Aucune chance n’a, en réalité, été laissée aux entreprises est-allemandes. Place nette aura été faite pour les groupes ouest-allemands et la population de l’ex-RDA en aura fait les frais. C’est pourquoi Vladimir Giacchè revendique le terme « d’annexion » qui a été banni du débat public allemand. » https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/l-ex-rda-est-un-mezzogiorno-au-centre-de-l-europe-509960.html
Egalement, https://www.monde-diplomatique.fr/2019/11/KNAEBEL/60911
[12] « Il y a cent ans, les salves de la Révolution d’Octobre ont apporté à la Chine le marxisme-léninisme. Des éléments avancés en Chine ont découvert, à travers la vérité scientifique du marxisme-léninisme, la clé de la résolution des problèmes chinois. » (Xi Jinping, octobre 2017) http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2017/11/texte-integral-du-rapport-de-xi-jinping-au-19e-congres-national-du-pcc.html
[13] « […] les Européens nous ont formatés à être une population de marginaux, tout en bas de l’échelle. Pour y parvenir, ils nous ont repoussés et confinés dans les ghettos de leurs villes où ils nous ont laissés libres de nous enfoncer dans les pires trafics qu’ils répriment sévèrement chez les blancs. Dans les ghettos noirs de Paris, Londres, New York ou Chicago, même la Police n’y met plus les pieds. Les populations noires qui y habitent, subissant une double peine. D’abord, pour le fait d’être confinés en enfer et ensuite parce que dans cet enfer, à dicter la loi ce sont les gangs.
Lorsque nous allons en Asie, au Japon, en Corée ou en Chine, souffrons d’accepter que les asiatiques ne nous considèrent pas comme des marginaux qu’on laisse commettre des crimes sans réagir, juste pour les pousser à s’enfoncer toujours davantage, génération après génération. […] Nous ne sommes pas ici pour nous faire aimer, mais pour trouver les moyens techniques qu’on n’a jamais eu de l’occident, pour créer la richesse en Afrique, la seule capable de nous aider à couper définitivement les chaines de la soumission et de l’esclavage. Rien ne nous garantit que les chinois ne vont pas changer d’idée demain, raison de plus pour accélérer nos voyages vers la Chine pour ramener en Afrique le maximum des équipements pour produire cette richesse ».