» John Bolton a essayé de m’assassiner » : transcription de l’interview filmée du président vénézuélien Nicolas Maduro par Max Blumenthal pour « The Grayzone » réalisé le 6 août 2019 au lendemain du blocus du Venezuela par les USA de Trump. https://thegrayzone.com/2019/08/06/interview-venezuelan-president-nicolas-maduro/
Max Blumenthal est un journaliste et reporter américain, dont le travail est reconnu par plusieurs prix. Il est le fondateur de « The Grayzone » en 2015, média menant des enquêtes journalistiques sur l’état de guerre perpétuel des USA et ses dangereuses répercussions intérieures.
traduction DG pour https://www.initiative-communiste.fr
« Je suis un homme modeste, de la classe ouvrière, un conducteur de bus. Un militant bolivarien, un révolutionnaire, un chaviste, formé par le Commandant Hugo Chavez. «
MAX BLUMENTHAL: Il y a six mois, le gouvernement des États-Unis a reconnu un dirigeant de l’opposition inconnu en tant que président du Venezuela par intérim. Mais ici, à Caracas, on sait clairement qui assure la charge.
Je viens d’avoir une conversation avec le président élu, Nicolas Maduro. Nous avons parlé des tentatives du gouvernement étasunien de le délégitimer en tant que dirigeant, de détruire l’économie de son pays et même de mettre fin à ses jours.
Monsieur le Président, le dernier journaliste nord-américain auquel vous avez parlé, je crois, était Jorge Ramos, d’Univision. Lorsque j’ai quitté le Venezuela, j’étais dans le même avion que lui, et je l’ai défié en le confrontant à son reportage. Il m’a dit qu’il avait été informé que Mike Pence et Marco Rubio étaient très heureux de ce qu’il avait fait dans son interview avec vous. Ce qu’il a fait, dans sa première question, a été de vous traiter de dictateur, dans une tentative de vous délégitimer, de vous ôter votre légitimité en tant que président.
Mais depuis lors, beaucoup de choses se sont passées. Ces dernières semaines, vous avez accueilli le Sommet des non-alignés, où les représentants de plus de 120 pays sont venus vous rendre visite et soutenir votre pouvoir en tant que président élu. Vous avez également accueilli le Forum de São Paulo, un rassemblement de la gauche de tout l’hémisphère, où vous avez tenu un discours important sur les quatre étapes de la lutte contre l’impérialisme.
Ma question est la suivante : comment ces deux événements, en particulier le Mouvement des non-alignés, confirment-ils que le coup d’État a échoué et que vous êtes en effet le président légitime ?
NICOLAS MADURO: Bienvenue, c’est un environnement propice à la réflexion. C’est une montagne magnifique, vous pouvez voir toute notre belle Caracas.
Si vous voulez mon avis, ce journaliste est venu ici pour me provoquer. Je lui ai donné une chance. Je savais qu’il était un provocateur. Il est un de ces journalistes qui sont des agents des services de renseignement américains.
C’est un agent. Jorge Ramos est agent des renseignements américains et il joue un rôle. Ils ont essayé de le transformer en journaliste anti-Trump, mais la communauté hispanique, latino-américaine, aux États-Unis devrait savoir qu’il est un agent stipendié.
Il est venu avec un plan, et il a échoué. Cela ne vaut pas la peine de parler de lui. C’est du passé et sa provocation s’est mal passée pour lui.
Pour la seconde partie de votre question, nous avions le sommet ministériel du Mouvement des non-alignés. Le Venezuela a présidé ce mouvement ces trois dernières années, depuis le sommet de Margarita en septembre 2016.
Il était de notre responsabilité de tenir le sommet ministériel. Nous l’avons fait. Il a été un succès. Des représentants des gouvernements de 120 pays y ont assisté. Nous avons approuvé des documents fondamentaux pour renforcer le système des Nations unies et faire progresser des causes importantes comme le changement climatique.
Comme vous le savez, le changement climatique affecte toutes les régions du monde. Le président Trump refuse de le reconnaître. C’est de la folie ! Le changement climatique influe sur le réchauffement, il nuit à la planète.
Le Mouvement des non-alignés a ratifié l’Accord de Paris et tous les engagements relatifs au changement climatique.
Nous avons également ratifié l’Agenda 2030, comme on l’appelle, le programme 2030 en vue de l’égalité sociale, l’investissement dans l’éducation publique, la santé publique, le logement, le travail –– tout le programme 2030 pour le développement et d’autres questions essentielles.
Nous avons reçu un grand soutien contre les mesures agressives, les sanctions et le blocus du gouvernement des États-Unis contre le Venezuela. Nous avons reçu des grandes marques de solidarité.
Je crois que d’un point de vue diplomatique, cela a été très fructueux. Récemment, il y a quelques jours, nous avons reçu le Forum de São Paulo. Plus de 150 mouvements sociaux et politiques, des partis politiques, de plus de 70 pays y ont assisté. Sept cent vingt dirigeants d’Amérique latine, des Caraïbes et du monde entier.
Nous avons eu l’occasion d’analyser la situation mondiale, la situation géopolitique de l’Amérique latine et de la Caraïbe, et là-bas nous avons reçu un soutien total et absolu pour le Venezuela dans sa lutte pour l’indépendance et la souveraineté. Dans sa lutte contre le blocus, la persécution financière, contre tout ce qui est lié à l’agression économique de l’administration Trump.
Je crois que ces deux événements internationaux se sont déroulés à un niveau élevé.
Maintenant, aux mois d’août, septembre et octobre, nous aurons des réunions mondiales sur les peuples autochtones, les femmes et le féminisme, le mouvement syndical et les syndicats, et plus encore.
Le Venezuela est un lieu de rencontre pour débattre des idées et rêver de l’avenir, ce qui est le plus important.
MAX BLUMENTHAL: Ces événements ont été totalement ignorés par les médias américains. Et je crois que l’un des aspects les plus intéressants du Mouvement des non-alignés est que 21 pays sur les quelque 120 venus à Caracas à cette occasion sont des cibles des sanctions étasuniennes. Et ces sanctions sont essentiellement une forme de guerre hybride. Elles visent un changement de régime.
Donc ma question : qu’est-ce qui est ressorti de ce sommet pour permettre au Venezuela, votre pays, de construire un bloc avec ces autres pays sanctionnés, pour résister à cette attaque à leur indépendance ? Et aussi, que fait le Venezuela pour travailler avec des pays comme la Chine, qui est la cible d’une guerre commerciale des États-Unis, pour survivre à cette attaque ?
NICOLAS MADURO: Il y a divers éléments dans cette question.
Tout d’abord, je peux dire que les médias étasuniens sont alignés sur la politique de Trump contre le Venezuela, contre Cuba, contre le Nicaragua, contre les mouvements progressistes, les mouvements de gauche de notre continent.
Malheureusement, ils sont aveugles à la réalité au Venezuela. Ils ne rapportent que des choses négatives afin de soutenir la stratégie de guerre non conventionnelle et pour tromper et manipuler sur la réalité de notre pays, de Cuba, du Nicaragua, de l’Amérique latins, des pays indépendants qui agissent en Amérique latine.
C’est la réalité. Je ne pense pas qu’elle changera. C’est pourquoi je dis que nous devons utiliser les médias sociaux, les médias alternatifs, YouTube, Periscope, Instagram, Facebook, Twitter —
MAX BLUMENTHAL: — The Grayzone.
NICOLAS MADURO: Exactement.
Utiliser les médias alternatifs pour que la vérité atteigne les gens. Je suis sûr, Max, que la vérité atteint des millions de gens aux États-Unis. C’est pourquoi je fais cette interview et toutes les autres interviews.
Ensuite, il y a un mouvement de solidarité et de soutien croissant pour le Venezuela dans le monde. Le Venezuela est la victime d’une agression brutale et criminelle aux multiples dimensions.
Le peuple des États-Unis devrait savoir que c’est une guerre. Les experts l’appellent guerre non conventionnelle. C’est une guerre économique, financière, commerciale.
Les États-Unis, le gouvernement des États-Unis, persécutent le Venezuela pour qu’il ne puisse pas acheter de médicaments dans le monde. Ils nous persécutent pour que nous ne puissions pas acheter de la nourriture, des fournitures, des marchandises, pour que nous ne puissions rien acheter dans le monde entier.
Ils nous ont volé Citgo. Aux États-Unis, vous voyez des stations-service Citgo – elles sont vénézuéliennes et le gouvernement des États-Unis les a expropriées. Ils l’ont exproprié.
Ils ont gelé des comptes d’une valeur de plus de 20 milliards de dollars dans des banques en Europe et dans le monde C’est de la persécution.
MAX BLUMENTHAL: 1.3 milliard de dollars de la Banque d’Angleterre.
NICOLAS MADURO: En réserves d’or de la Banque centrale du Venezuela. Vous savez que les banques centrales des pays ont une immunité spéciale – c’est un accord d’après-guerre. Immunité spéciale pour les banques centrales.
Et toutes les réserves d’or qu’elles ont dans le monde entier jouissent d’une immunité spéciale en vertu du droit international. Bon, le gouvernement nord-américain, avec le gouvernement britannique complice, ont gelé, volé, plus de 1.4 milliard de dollars en réserves d’or du Venezuela. Les réserves d’or du Venezuela.
Donc nous affrontons cette guerre avec du travail, de la créativité, de la persévérance, de la résistance.
Je peux dire aux Nord-Américains que tôt ou tard, nous vaincrons toutes ces politiques criminelles.
Je peux dire au peuple des États-Unis qu’avec toutes les sanctions, la persécution, l’agression, ils n’ont pas été capables de vaincre notre esprit combattif, notre dignité. Et ils n’en seront pas capables. Le Venezuela résiste. Chaque fois que nous sommes frappés, nous résistons avec notre travail, notre production, notre productivité.
Et pour la troisième partie de votre question, oui, nous avons des alliances dans le monde entier avec des gouvernements indépendants, pour des relations commerciales, financières et en matière d’énergie, et nous continuerons à aller de l’avant.
MAX BLUMENTHAL: Je veux vous poser une autre question sur les sanctions. En 2016, votre gouvernement a créé un programme connu sous le nom de CLAP, pour aider à compenser certains des coûts sociaux des sanctions, pour distribuer de la nourriture à très bas prix , ainsi que des produits sanitaires, à maintenant 6 millions de familles –– pas 6 millions de personnes, mais 6 millions de familles, ce qui correspond à un pourcentage important de la population du Venezuela.
Maintenant les États-Unis disent qu’ils veulent sanctionner le programme CLAP tout en refusant au Venezuela d’acheter de la nourriture pour l’importer. Un conseiller au candidat d’opposition Henri Falcón a écrit un article et expliqué à notre collègue Aaron Maté qu’il pensait qu’en raison de ces sanctions, le Venezuela connaîtra une famine dans les 12 prochains mois. Et il a dit que les sanctions sont conçues précisément dans ce but, provoquer une famine.
Est-ce quelque chose qui vous préoccupe ? Et vu que les États-Unis vous bloquent chaque fois que vous essayez de sortir de ce blocus économique, que pouvez-vous faire concrètement pour empêcher que cela ne se produise ?
NICOLAS MADURO: Cela ne s’est pas produit dans l’Irak de Saddam Hussein. Si vous vous rappelez, l’Irak de Saddam Hussein subissait des sanctions approuvées par l’ONU. Ce n’était pas des mesures unilatérales. Elles n’étaient pas illégales. Elles étaient multilatérales et légales. Bien qu’elles aient pu être injustes.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé un programme pétrole contre nourriture. Pétrole contre médicaments. Même Saddam Hussein, alors qu’il était en guerre ouverte avec les États-Unis –– le Conseil de sécurité de l’ONU lui a ouvert une voie pour importer de la nourriture et des médicaments.
Donald Trump, John Bolton, les extrémistes du KKK qui gouvernent les États-Unis aujourd’hui –– je peux le dire ; je ne sais pas si on le dit aux États-Unis, mais je vais le dire : ce sont des extrémistes du Ku Klux Klan. Tout comme le KKK qui attaquait les maisons des militants pour les droits civiques, ils essaient d’attaquer notre maison, le Venezuela.
Ils nous empêchent d’avoir accès à la nourriture, aux médicaments, aux biens essentiels. Nous ne demandons à personne de nous les donner, nous avons l’argent pour l’acheter.
Il est important de connaître le programme CLAP. Qu’est-ce que le CLAP ? C’est un acronyme pour les Comités locaux d’approvisionnement et de production. J’ai créé ces comités locaux en 2016 pour la distribution de nourriture aux communautés.
Aujourd’hui, nous avons 33 000 Comités locaux d’approvisionnement et de production. Ces 33 000 comités atteignent plus de 6 millions de familles.
Vous devez savoir que le Venezuela est un pays de 30 millions d’habitants. Chaque famille a quatre membres. Cela signifie que les CLAP atteignent près de 80% des familles vénézuéliennes, en particulier les plus pauvres.
Avec les CLAP, nous avons créé un programme pour procurer aux familles un panier de nourriture, au moins une fois par mois. Est-ce que vous avez ça aux États-Unis ? De l’épicerie. Une boîte avec 24 produits, 24 produits essentiels. Subventionnés. Elles sont livrées à domicile. Dans certaines parties du pays, nous nous sommes organisés pour les livrer tous les 15 jours, dans d’autres tous les 20 jours.
Ce qui est vrai, c’est que les familles vénézuéliennes reçoivent un soutien sous forme de soins de santé gratuits, d’écoles publiques gratuites, un soutien pour le logement, un soutien par le biais d’un programme appelé la carte du pays d’origine qui leur donne une subvention directe, de l’argent.
En plus de tout ce soutien, les familles reçoivent de l’épicerie. Aujourd’hui, nous avons un plan spécial pour les protéines animales afin que les familles puissent recevoir toute leur nourriture.
Ce programme vient d’être sanctionné par l’administration Trump à la demande de l’opposition qui a soutenu le coup d’État. Le public étasunien devrait le savoir. Le monde devrait le savoir. C’est impensable. Ils s’en prennent à notre nourriture.
John Bolton, cet extrémiste du KKK, et Elliott Abrams, cet autre extrémiste du KKK connu pour son implication dans le scandale Iran-Contra dans les années 1980, ils disent que nous devons laisser la population vénézuélienne sans nourriture. Ils le disent ouvertement et publiquement.
Ils sont immoraux. Nous devons les vaincre. L’opinion publique nord-américaine doit se mobiliser en solidarité avec le peuple vénézuélien.
Mais je peux vous garantir, Max, que le programme CLAP continuera. Qu’il n’y aura pas de famine au Venezuela.
Au Venezuela, comme je dis, et je ne sais pas si on peut le traduire en anglais, qu’il pleuve, qu’il tonne ou que le soleil brille, le CLAP continuera et nous continuerons à servir ces 6 millions de foyers avec la production nationale et un grand effort de notre pays.
Avec de la production et du travail, nous vaincrons le plan criminel fomenté par Donald Trump, Johgn Bolton et le KKK qui gouverne la Maison Blanche visant à provoquer une famine au Venezuela.
MAX BLUMENTHAL: Beaucoup d’Américains sont au courant des événements depuis janvier, lorsque les États-Unis ont perpétré un coup d’État contre votre gouvernement, par l’intermédiaire de Juan Guaidó. Mais ils ne connaissent pas les nombreuses crises et les événements vraiment horribles qui y ont mené.
En 2017, la ville que vous voyez derrière vous, Caracas, était en feu, avec les guarimbas. Et beaucoup de gens ont été tués, y compris des chavistes comme Orlando Figueroa, qui a été brûlé vif parce qu’il était noir.
Vous avez convoqué une Assemblée constituante, ce à quoi beaucoup de gens, y compris du côté chaviste, ne s’attendaient pas. Vous avez été qualifié de dictateur par les États-Unis pour avoir fait cela, à cause de l’Assemblée nationale et de son rôle – elle a perdu son rôle.
En août 2018, vous avez été confronté à une tentative d’assassinat. Des drones chargés d’explosifs ont tenté d’exploser pendant un défilé militaire alors que vous vous teniez debout avec vos ministres. C’était une tentative de vous tuer, vous et beaucoup de vos ministres.
Je désire savoir ce qui vous est passé par la tête pendant cette tentative d’assassinat. À quoi avez-vous pensé lorsque c’est arrivé ? Et quelle a été la décision la plus difficile que vous avez prise pendant cette période qui va de 2017 jusqu’au coup d’État ?
NICOLAS MADURO: Tout d’abord, le Venezuela est un pays profondément démocratique et libre. En 20 ans, nous avons vécu un processus révolutionnaire. Le commandant Chavez, qui a été le fondateur de cette Révolution bolivarienne, inspirée par les idéaux et l’héritage de notre Liberator, Simon Bolivar, peut être considéré pour l’histoire comme le grand démocratiseur de la vie politique et civile du Venezuela.
Pendant ces 20 ans, nous avons eu, par exemple, 25 élections. Des élections présidentielles chaque fois que la Constitution l’exige. Des élections législatives, des élections des gouverneurs des 23 États, des élections des maires des 330 municipalités, des élections des assemblées législatives locales et régionales. Des élections pour les référendums consultatifs sur des questions nationales, comme la révision de la Constitution. Vingt-cinq élections.
Nos forces, les forces chavistes bolivariennes, ont remporté 23 de ces 25 élections. Nous avons gagné contre l’opposition unie. Ils sont toujours unis. Nous les avons battus 23 fois.
La dernière fois, par exemple, nous les avons battus, il y a deux ans ou moins –– il y a 18 mois, nous les avons battus dans 19 des 23 gouvernorats, y compris les plus grands États du pays.
Sur les 335 municipalités, par les votes populaires, nous avons battu l’opposition dans 307 d’entre elles. Et le 20 mai de l’an dernier, j’ai battu deux candidats de l’opposition qui participaient aux élections, avec 68% des votes.
Le Venezuela a un registre électoral ouvert. Le Venezuela ne connaît pas le vote obligatoire. Il a un registre électoral dans lequel 99% des citoyens en âge de voter sont enregistrés. Contrairement aux États-Unis dans lesquels plus de 30% des citoyens en âge de voter ne sont pas inclus dans le système électoral. C’est une grande différence.
J’ai gagné avec 68% des suffrages exprimés. Mais je peux vous donner plus d’information. J’ai gagné 33% des électeurs inscrits. Combien Donald Trump en a-t-il eu quand il a gagné ? Vingt-deux pour cent des électeurs inscrits, en plus du fait que 30% des personnes en âge de voter aux États-Unis ne sont pas enregistrés. Ce sont de petits détails que l’on peut voir.
Le degré de légitimité de la Révolution bolivarienne, de la démocratie vénézuélienne, le degré de légitimité de mon pouvoir de président de la république, des gouverneurs, des maires, des membres constituants, des députés, est très élevé, c’est une réalité. C’est ce que le KKK des États-Unis ne veut pas comprendre. Ils ne veulent pas comprendre que notre légitimité est réelle. Nous sommes réels, exactement comme ce bois. Nous sommes réels. Notre légitimité est réelle, certaine, forte.
C’est pourquoi ils échouent et continueront à échouer, Max. Écrivez-le. Nous sommes en 2019 et ils ont échoué. Ils continueront à échouer dans leurs tentatives de coups d’État, leur déstabilisation, ils échoueront dans tout, nous les vaincrons en tout avec des votes, avec le peuple, avec la démocratie, avec la liberté, avec les institutions.
Maintenant, il y a un an, cela fera un an en août, il y a eu une tentative. Je peux vous dire qu’aujourd’hui, j’ai la preuve que la tentative d’assassinat avait été ordonnée par John Bolton à la Maison Blanche.
MAX BLUMENTHAL: Vous êtes en train de dire que John Bolton a personnellement commandité une tentative d’assassinat contre vous ?
NICOLAS MADURO: Et il a attendu les résultats à la Maison Blanche. Si vous creusez plus profond, vous le verrez un jour. La preuve sera faite pour John Bolton, en coordination avec le président colombien d’alors, Juan Manuel Santos. Et ils ont confié la tâche à Julio Borges, un ancien député au Venezuela.
Nous avons des témoignages, nous avons des témoins, des preuves. Tous les auteurs matériels de cette tentative d’assassinat par drone ont été capturés. Certains des auteurs opérationnels et intellectuels ont été capturés. Et tout cela pointe vers Julio Borges à Bogotá. Tout cela pointe sur Juan Manuel Santos en Colombie. Tout. Toute la logistique, le soutien institutionnel, l’assistance technique, le soutien des services de renseignement colombiens. Tout cela pointe sur John Bolton, qui a une mentalité criminelle, une mentalité de meurtrier.
Nous avons survécu à ce jour-là.
MAX BLUMENTHAL: Jaime Bayly a dit que le complot venait de Miami.
NICOLAS MADURO: C’est exact. Les auteurs intellectuels, les financiers et les gens qui ont dirigé les opérations par vidéo-conférences vivent à Miami. Ils sont protégés par le gouvernement des États-Unis et font partie des réseaux créés par la Maison Blanche –– dans ce cas par John Bolton.
Je ne peux pas accuser le président Trump, je ne peux pas le faire pour le moment, mais j’ai toutes les preuves pour accuser et demander une enquête emblématique sur John Bolton. Un criminel. C’est un criminel. Il a échoué.
Qu’est-ce qui m’a passé par l’esprit à ce moment-là ? J’étais concentré sur le discours que je tenais. J’ai pensé que ce n’était rien. Je n’ai pas pensé que c’était une tentative d’assassinat.
Après, mon personnel de sécurité m’a protégé et le second drone a explosé. C’est là que j’ai réalisé que c’était une tentative d’assassinat. À ce moment, j’étais préoccupé par la sécurité et la vie des familles, des soldats qui étaient là.
Heureusement, ils se sont dispersés parce que davantage de bombes auraient pu arriver. Il y a eu sept blessés parmi les soldats.
Plus tard, quand je me suis retiré de là, mon esprit s’est concentré sur les gens et leurs soucis. C’est pourquoi j’ai parlé rapidement après, parce que je savais que les gens se faisaient du souci. Ils voulaient savoir ce qui s’était passé.
Je suis un homme de foi. Je crois beaucoup en Dieu. Un homme d’action et de prière, un chrétien. Je crois qu’il y a eu un événement ce jour-là, que Dieu nous a sauvé la vie.
Parce qu’ils l’avaient planifié à la perfection, avec tant de méchanceté, pour nous assassiner. Et le Venezuela serait entré dans une nouvelle phase –– la révolution aurait été radicalisée. Vous pouvez en être sûr, Max.
La révolution serait passée de la phase dans laquelle nous avons vécu pendant 20 ans à une phase plus radicale, plus profonde. Un passage à la révolution armée. Cela aurait produit le contraire de ce qui était prévu.
Grâce à Dieu et à notre bonne fortune, nous sommes vivants et triomphants. Plus triomphants que jamais.
MAX BLUMENTHAL: Nous entendons tellement de choses dans nos médias aux États-Unis sur la corruption dans votre gouvernement. Nous entendons très peu de choses bien sûr sur la corruption dans le gouvernement du Honduras, où le président fait l’objet d’une enquête de la DEA Drug Enforcement Administration et où 300 millions de dollars ont été volés aux services de santé publique.
Mais néanmoins, nous entendons constamment ces allégations. Et après avoir parlé à des chavistes de base ici, et même à des représentants du gouvernement, il y a des plaintes à propos de fonctionnaires qui nuisent à la révolution parce qu’ils volent et détournent des fonds, ce genre de choses.
Je sais aussi que vous avez pris, que votre gouvernement a pris des mesures pour réprimer la corruption, par exemple contre Rafael Ramirez, le directeur de PDVSA qui était ambassadeur et qui est aujourd’hui toujours aux États-Unis. Je crois qu’il est accusé d’avoir volé des centaines de millions de dollars.
Que pourriez-vous dire au public américain sur ces accusations de corruption et sur les efforts que vous déployez contre elles ?
NICOLAS MADURO: C’est une question pertinente. C’est un problème en suspens pour la Révolution bolivarienne. Sans aucun doute nous avons livré une bataille acharnée contre la culture pourrie de la corruption, contre les fonctionnaires corrompus. Nous avons mené une bataille acharnée. D’abord le Commandant Chavez puis cela a été mon tour. C’est une dure bataille.
Il m’est revenu la tâche, après des enquêtes impartiales et scientifiques, d’exécuter les ordres que m’avait donné le procureur général et les tribunaux d’emprisonner des ministres. Et je les ai envoyés en prison, plusieurs ministres.
J’ai dû emprisonner des responsables de haut niveau, de PDVSA par exemple, où nous avons révélé une mafia. Cet homme que vous avez mentionné, Rafael Ramírez, c’est le plus grand mafieux, le plus grand voleur. Cela me peine de le dire, parce qu’il était avec nous. Chavez lui faisait confiance, et il s’est moqué et a trahi la confiance de Chavez. Maintenant, il vit dans un immense palais en Italie, protégé par le gouvernement américain.
Parce que c’est encore autre chose, tous les gens corrompus que nous découvrons ici finissent par s’enfuir. Ils partent vivre à Miami, en Floride. Pas seulement des fonctionnaires corrompus, mais des personnes corrompues du secteur privé.
Je peux dire que le grand financier de la campagne électorale de Marco Rubio et Donald Trump, un homme du nom de famille de [Nelson] Mezerhane qui était propriétaire de la Federal Bank au Venezuela –– c’est un financier, c’est l’une des personnes les plus corrompues, qui a pris des milliards de dollars qui ont été volés aux déposants de sa banque au Venezuela. Il vit en Floride, protégé par le gouvernement des États-Unis.
C’est du deux poids deux mesures. Je peux dire que c’est un problème encore en suspens. Je peux dire que la pratique corrompue de certains responsables nuit à la population. Je peux dire que je peux m’engager totalement envers le peuple, que je vais étendre la bataille pour l’éthique, pour la moralité, contre la corruption. Vous pouvez en être absolument sûr.
MAX BLUMENTHAL: Nous avons un peu parlé de votre opposition. Votre ministre des Affaires étrangères est actuellement à la Barbade, il dialogue avec l’opposition. Et il y a également un dialogue médiatisé en Norvège.
La dernière fois que c’est arrivé, c’était en 2018, lorsque vous avez accepté des élections anticipées à leur demande. Vous avez avancé les élections puis vous êtes entré en négociation avec Volonté populaire et le MUD.
Finalement, ils ont décidé de boycotter les élections pour les délégitimer. Puis les États-Unis, je crois, ont menacé de sanctionner Henri Falcón, le principal candidat de l’opposition, pour s’être présenté aux élections.
Pensez-vous que le résultat aurait été différent en 2018 s’ils avaient tous participé et s’étaient ralliés à un seul candidat ? Pensez-vous qu’ils auraient pu gagner ? Notamment étant donné l’état de l’économie sous une attaque américaine soutenue.
Et je suppose qu’une autre partie de la question serait : voyez-vous un espoir pour ce dialogue s’ils demandent de nouveau des élections anticipées ? Quel est l’intérêt ?
NICOLAS MADURO: L’opposition a toujours été comme ça et le monde devrait le savoir. D’abord, l’opposition n’est pas responsable d’elle-même. Ils ont des propriétaires, ils ont des patrons. Ces propriétaires, ces patrons, sont à Washington, malheureusement.
Ce n’est pas une opposition indépendante, avec ses propres positions. Ils ne peuvent pas parvenir à un accord avec nous si Washington n’est pas d’accord et leur dit de ne pas le faire. C’est le point auquel nous sommes arrivés dans cette situation.
C’est ce qui s’est passé en janvier et février 2018. L’opposition avait passé trois ans à demander que les élections présidentielles aient lieu plus tôt. Nous sommes entrés en discussion et nous avons dit oui, tenons les élections présidentielles plus tôt.
Nous sommes arrivés à un accord, avons rédigé un projet de document, nous avons donné toutes les garanties électorales, et lorsque nous allions signer le document, devant le président de la République dominicaine, Danilo Medina, et l’ancien président espagnol, Rodriguez Zapatero — ils sont témoins — les documents étaient prêts à être signés, et le secrétaire d’État de Donald Trump à l’époque, Rex Tillerson, a appelé et a donné l’ordre au chef négociateur de l’opposition Julio Borges de ne pas le signer.
Son propriétaire, Rex Tillerson, a donné l’ordre. Une partie de l’opposition a refusé de participer aux élections. Auraient-ils pu gagner ? Je ne sais pas. Nous avons une base. Nous avons remporté 23 élections sur 25.
J’ai la foi, je l’avais alors et je l’ai aujourd’hui, que même face à une opposition unie, nous gagnerions. Que nous gagnerions en 2018 comme nous l’avons fait. J’ai foi en cela. Bien sûr ce scénario serait de la politique-fiction, mais nous avons la foi, la certitude que nous aurions gagné grâce à l’expérience que nous avons eue, grâce au pouvoir du peuple que nous avons.
Pourquoi se sont-ils retirés, Blumenthal? Pourquoi se sont-ils retirés en 2018? Parce qu’ils avaient déjà cette stratégie d’agression totale contre le Venezuela. Ils avaient cette stratégie: au lieu d’ignorer les élections, de tenter de ne pas me reconnaître, moi ou notre gouvernement, par les États-Unis et d’autres gouvernements alliés à Donald Trump. De s’emparer de nos propriétés à l’étranger, d’exproprier Citgo.
Le plan que nous avons vu cette année ? Le commandement américain du sud l’avait déjà en place pour le Venezuela. C’est pourquoi ils ont donné cet ordre.
Ils savaient, Blumenthal, qu’ils ne nous battraient pas aux élections. Ils n’allaient pas courir le risque de perdre des élections et de donner une forte légitimité au gouvernement bolivarien du Venezuela.
MAX BLUMENTHAL: Quelles seraient les conséquences pour ce pays, et pour le continent, si votre gouvernement tombait dans un coup d’État soutenu par les États-Unis, et si des éléments comme Volonté populaire y entraient ? Est-ce que vous… –– je vous ai entendu, par exemple, faire allusion à la possibilité d’une guerre civile. Quelle conséquence ?
NICOLAS MADURO: S’il se passait quelque chose comme ça –– je crois que c’est peu probable. Un renversement du gouvernement révolutionnaire provoquerait un soulèvement national, populaire, civil et militaire. Une insurrection générale. Il conduirait à une révolution encore plus radicale qui prendrait une voie différente. Vous pouvez en être sûr.
L’Amérique latine entrerait dans une phase révolutionnaire avec une stratégie différente. Une phase différente parce que nous ne nous rendrons jamais. Nous ne céderons jamais.
Nous lutterons toujours, et lorsque je dis « nous », je parle des gens humbles, des millions de Vénézuéliens qui nous ont donné 23 victoires dans 25 élections, ces Vénézuéliens dont CNN, le New York Times, le Washington Post, Fox News ne parlent pas. Ils sont invisibles, mais ils existent..
Je voulais revenir en arrière et répondre à une partie de la dernière question. J’agis avec espoir et foi pour instaurer un dialogue permanent. C’est notre proposition centrale à la Barbade d’établir un dialogue permanent avec un programme qui va au-delà des circonstances présentes.
L’opposition peut demander et proposer ce qu’elle veut et nous pouvons avancer avec un accord. Nous pourrions proposer et demander ce que nous voulons et nous pourrions aller de l’avant avec un accord. Des accords partiels sur différentes questions relatives à l’économie. Des accords partiels pour demander et exiger la levée du blocus et des sanctions américains. Des accords partiels pour offrir des services sociaux et fournir des soins à la population. Des accords partiels pour garantir tout ce qui concerne les élections auxquelles nous pouvons tous participer pour renouveler la législature vénézuélienne. Des quantités d’accords.
Mais ce qui est fondamental, ce qui est vraiment fondamental dans cette étape du dialogue que nous avons avec l’opposition à la Barbade, avec le soutien de la Norvège, est d’instaurer un dialogue permanent avec un agenda permanent pour commencer à montrer des progrès dans les accords partiels, dans la compréhension souveraine entre Vénézuéliens.
Personne ne devrait s’en mêler. Personne ne devrait s’ingérer. Je peux vous dire, Blumenthal, que chaque jour où s’ouvrent les négociations dans le dialogue, les États-Unis prennent des mesures, des sanctions brutales pleines de haine parce que les extrémistes du KKK à la Maison Blanche ne veulent pas de dialogue ; ils veulent la violence, ils veulent le chaos.
Mais au Venezuela — et je le dis avec beaucoup d’espoir et de foi — le dialogue, la paix et la stabilité prévaudront.
MAX BLUMENTHAL: Je ne sais pas, lorsque vous parlez de Jorge Ramos, s’il est un agent du gouvernement étasunien ; je n’ai vu aucune preuve en ce sens. Mais je pense qu’il fait ce qu’il veut faire ; il veut devenir célèbre. Il y a beaucoup d’autres journalistes américains qui agissent comme sténographes pour notre État de sécurité nationale.
Et ce qu’ils ont fait, c’est vous diaboliser plus que tout ce dont je peux me souvenir depuis Saddam Hussein. Ils vous ont traité de dictateur ; ils ont dit que vous aviez le Hezbollah dans votre pays ; ils ont dit que vous avez des milliers d’agents cubains partout – les cameramen sont peut-être des agents cubains, je ne sais pas.
Ils vous ont accusé de tout sauf de manger le cœur des petits enfants. Et je serai attaqué pour avoir eu cette interview avec vous, et de ne pas vous contraindre à un interrogatoire renforcé.
Donc je veux vous donner cette possibilité. Je pense que c’est mon devoir de vous offrir cette occasion, et de donner l’autre version de l’histoire que les médias américains –– y compris beaucoup de nos médias progressistes et alternatifs –– refusent de donner.
C’est à vous de dire aux Américains qui est Nicolas Maduro, comment il se voit, et ce qu’il dirait à un futur dirigeant des États-Unis –– vous avez traité Donald Trump de membre du Klu Klux Klan –– mais un futur dirigeant désireux de s’asseoir et de dialoguer avec vous.
NICOLAS MADURO: Parlons-en. Je l’ai dit au président Donald Trump de toutes les manières et dans toutes les langues. Si un jour, dans le présent ou le futur, il y avait une possibilité de dialogue, de compréhension respectueuse entre égaux, je serais prêt à lui serrer la main, à progresser et à surmonter cette phase. Je l’espère.
Nous les croyants, nous en appelons à Dieu. J’espère qu’il y aura de la lumière, un halo de lumière, d’espoir de dialogue, d’une nouvelle sorte de relation entre les États-Unis et la Révolution bolivarienne et le Venezuela. Je l’espère.
Qui je suis ? Je peux vous dire que je crois à la vérité. La vérité peut faire briser tous les murs, tous les mensonges, toutes les manipulations. Seule la vérité vous libérera, a dit notre Seigneur Jésus-Christ. Je crois en la vérité.
Je suis un homme modeste, de la classe ouvrière, un conducteur de bus. Un militant bolivarien, un révolutionnaire, un chaviste, formé par le Commandant Hugo Chavez.
Tout ce que nous avons, nous l’avons obtenu par le travail, par l’effort, par le vote populaire, par le vote populaire. Nous n’avons jamais rien obtenu par la force. Cela a toujours passé par le vote populaire, par la légitimité du peuple. C’est ainsi que nous allons continuer.
Ils peuvent dire ce qu’ils veulent. La Révolution bolivarienne continuera et la vérité ouvrira la voie.
Merci beaucoup. Merci.
On attend toujours le journaliste français qui interviewera N. Maduro en toute indépendance…
N. Maduro ne mâche pas ses mots, et si la moitié de ce qu’il avance est vrai, les USA ont un rôle qui n’a pas changé. Intimider, corrompre et écraser quand c’est possible les pays, les peuples qui s’opposent à eux, à leur prétention délirante et insupportable à gouverner le monde.
Je me souviens de journalistes TV et Radio qui prêchaient toute honte bue pour les USA – ou plutôt le gouvernement US, le peuple n’est que le dupe et la victime de son gouvernement, de cette infecte ploutocratie – en leur décernant le label de « plus grande démocratie du monde ». On ne l’entend cette délirante affirmation. Même les plus fanatiques, les plus atlantistes n’osent plus. Les temps changent…