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www.initiative-communiste.fr vous propose de retrouver gratuitement une des articles des pages Europe du numéro 159 d’Initiative Communiste de juillet aout 2015 !
« Les capitalistes ont toujours peur de nous. »
Entretien avec Gyula Thürmer, secrétaire général du Parti des Travailleurs de Hongrie (POH)
IC : Quelle est votre analyse du gouvernement Orban ?
GT : C’est un gouvernement de centre-droit avec de nettes tendances nationalistes et anti-communistes. Leur thème principal est de construire une Hongrie moderne reposant sur une forte classe moyenne, avec des positions importantes dans l’économie. Leur idéal est la Hongrie conservatrice d’avant la seconde guerre mondiale.
Pour comprendre la véritable position de l’actuel gouvernement Hongrois il faut se souvenir que nous vivons sous le capitalisme depuis 1990. La classe capitaliste Hongroise comprend deux groupes principaux : l’un s’est développé dans les dernières années du socialisme ; sa richesse est née dans les premières années sombres et agitées du capitalisme. Cette partie de la classe capitaliste est étroitement liée au capital US. Son idéal est libéral et social-démocrate. Elle a été au pouvoir en 94-98 et 2002-2010.
L’autre groupe s’est développé depuis 90 avec la restauration du capitalisme. Il est lié à l’Allemagne et sa conception est le conservatisme, le nationalisme et la religion.
Les limites de l’Union Europénne
Ces deux groupes représentent les intérêts du grand capital international et de certains secteurs de la bourgeoisie Hongroise. Leur essence est la même, leurs méthodes sont différentes.
IC : Que pensez-vous de son rapprochement avec Poutine, qui déplait tellement à l’UE ?
GT : La Hongrie est membre de l’UE et de l’OTAN. L’élite politique considère cela comme la principale garantie internationale du capitalisme Hongrois. 76% des exportations et 70% des importations se font avec l’UE. Dans le même temps, il est clair que l’UE ne peut pas régler tous les problèmes. 80% du gaz naturel et 78% du pétrole consommés en Hongrie viennent de Russie et l’UE n’y peut rien. Ce rapprochement du gouvernement Orban est une tentative de régler des problèmes qui ne peuvent pas être réglés par l’UE. Cela reflète également le fait que l’UE est confrontée à de sérieux problèmes internes et ne représente pas les véritables intérêts des Européens.
IC : Quel est le niveau des campagnes de diabolisation du communisme et des contre-campagnes ? Comment le peuple Hongrois, qui en a fait l’expérience, évalue-t-il les réussites et les échecs passés du socialisme Hongrois?
GT : Les forces capitalistes veulent détruire le mouvement communiste en Hongrie, sur le plan politique, financier et physique. Elles savent parfaitement qu’à présent nous sommes faibles, néanmoins, elles ont toujours peur de nous. Elles ont peur parce qu’elles n’ont pas oublié la période du socialisme, lorsqu’elles étaient vaincues dans une partie du monde et forcées de faire des concessions dans l’autre partie.
Les Hongrie socialiste criminalisée… mais pas la dictature pronazie de Horthy !
Plusieurs lois anti-communistes ont été promulguées. L’usage public de la faucille et du marteau est interdit depuis 1993. La nouvelle constitution hongroise de 2012 stipule: « Nous ne reconnaissons pas la négation de notre entité historique qu’étaient les occupations étrangères ; nous rejetons toute sous-estimation des crimes inhumains commis contre la nation Hongroise et ses citoyens sous les dictatures national-socialiste et Communiste ». En novembre 2012, le Parlement de Budapest a interdit l’usage public de noms liés aux « régimes autoritaires du 20ème siècle ». Selon le gouvernement et la constitution Hongroise actuels, ces régimes sont à la fois la dictature fasciste de Ferenc Szalasi (Octobre 44- avril 45) et tous les gouvernements d’édification du socialisme de 48 à 90. Mais pas la dictature de Miklos Horthy (1919-44).
Par conséquent, aucun parti politique, association, média, rue ou espace public ne peut comporter le nom de personnes qui ont joué un rôle dans la fondation, la direction ou la défense de ces « régimes autoritaires », ni des mots, expressions ou noms d’organisations qui sont directement liés à ces dits régimes. Pour cette raison, nous avons dû changer le nom de notre parti et nous n’avons pas le droit d’utiliser le mot « Communiste ».
Les forces capitalistes savent que les gens n’ont pas oublié le socialisme et qu’ils commencent à s’en souvenir quand ils sont confrontés aux cruautés actuelles des sociétés capitalistes. Bien sûr, 26 ans se sont écoulés depuis la destruction du socialisme en 1989, néanmoins, les gens se souviennent des réussites du socialisme.
« Les gens commencent à ouvrir les yeux »
A l’époque du socialisme, tout le monde avait du travail. La Hongrie était véritablement un pays de plein emploi. Aujourd’hui, il y a officiellement 366 000 privés d’emploi (7%). En outre, 400 000 hongrois ont trouvé du travail ailleurs dans l’UE.
A l’époque du socialisme, tout le monde avait accès gratuitement à l’éducation. Maintenant, il faut payer beaucoup de prestations. 78 000 étudiants ont été intégrés dans les universités hongroises pour l’année 2015-2016, 23 000 d’entre eux devront se financer. La rentrée scolaire à l’école primaire coûte entre 70 à 100 € et est à la charge des parents. (ndlr : le salaire mensuel moyen en 2014 était de 519 €).
A l’époque du socialisme, les gens n’avaient pas à payer les soins médicaux et le niveau des soins était satisfaisant. Aujourd’hui, le gouvernement hongrois dépense 4% du PIB pour la santé. Quelles en sont les conséquences ? Le niveau des services gratuits dans les hôpitaux publics baisse et ceux qui veulent être mieux soignés et en ont les moyens vont dans le système privé.
Les gens commencent à le comprendre. Il n’y a pas encore de grèves ou de manifestations d’ampleur mais les gens commencent à ouvrir les yeux, nous sentons monter une sympathie pour le Parti des Travailleurs de Hongrie. Aux élections nationales de 2014, nous avons obtenu 0,58 % des votes, ce qui est peu, mais c’est le meilleur score de ces dernières années (0,3% en 2006 et 0,11 % en 2010). Notre parti a retrouvé sa place de premier parti non parlementaire.
Ce résultat a été obtenu par une mobilisation de toutes les ressources matérielles et humaines du parti, en dépit d’une offensive anti-communiste générale et du fait que nous n’avons aucun accès aux médias. Nous le considérons comme une bonne base pour le combat ultérieur contre le capitalisme.
Lutte contre l’UE et le capital
Nous combattons le capitalisme. En agissant pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de vie, une loi électorale plus démocratique, nous agissons pour des réformes du capitalisme. Mais nous savons que les forces capitalistes peuvent à tout moment reprendre ces réformes. C’est pourquoi la véritable solution aux problèmes des travailleurs est le socialisme.
IC : Que pense le POH des luttes nationales et internationales pour briser cette UE que nous considérons comme la prison des peuples ?
GT : La Hongrie est devenue membre de l’UE le 1er Mai 2004. Ceci a constitué une victoire pour les grands groupes capitalistes hongrois et les intellectuels dominants et une défaite pour la majorité du peuple.
Nous devons expliquer aux gens que l’UE n’est pas une organisation caritative. Elle sert les intérêts du grand capital. L’UE c’est le capitalisme. Si nous voulons nous débarrasser de l’UE, nous devons nous débarrasser du capitalisme.
Le renversement du capitalisme par les Européens créera une coexistence et une coopération nouvelles, libérées de l’exploitation des petites nations par les grandes. Le Parti des Travailleurs de Hongrie croit en l’internationalisme; nous avons le même ennemi et nous devons le combattre ensemble.
Nous participons aux rencontres internationales des partis communistes et ouvriers. Nous soutenons les rencontres traditionnelles des partis européens et nous entendons continuer. Nous avons soutenu l’idée du Parti Communiste de Grèce de mettre en place une nouvelle forme de coopération, « L’Initiative des Partis Communistes et Ouvriers pour étudier les enjeux européens et coordonner leurs activités » et nous y participons.
Initiative Communiste n°160 septembre 2015