Le communisme, première force d’opposition en Russie…
25 décembre 1991 : l’oligarchie capitaliste – George H. Bush en tête – sabre le champagne en voyant le fossoyeur Gorbatchev, en lambeaux, annoncer en direct à la télévision sa démission à la tête d’une URSS qui s’écroule. C’est le temps du triomphalisme occidental, des fausses promesses et des illusions qui vireront très vite aux désillusions et montreront le réel visage du capitalisme. « Héros » de la chute de l’URSS et héraut de la « thérapie de choc » néolibérale, Boris Eltsine reçoit le soutien de tout le bloc de l’Ouest pour abattre le spectre communiste et ne lésine pas sur les moyens en privatisant, via le gouvernement Gaïdar, tous les secteurs-clés de l’économie et en interdisant le parti communiste de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR). Le résultat ne se fait pas attendre pour les travailleurs et les citoyens de Russie, mais aussi des anciennes républiques baltes, ukrainienne, moldave, caucasiennes ou d’Asie centrale : corruption démultipliée, triomphe des mafias et d’oligarques véreux, démantèlement des droits sociaux et des services publics, effroyable précarisation qui culmine avec la terrible crise de l’été 1998… et réalité de la « démocratie » bourgeoise lorsque, en octobre 1993, Eltsine envoie les chars pilonner la Maison blanche, siège du Congrès des députés du peuple qui résiste à la dissolution prononcée par le « héros de l’Occident ».
Et très vite, malgré le démantèlement des statues de l’époque soviétique qui, à l’époque, ne suscite pas les cris d’orfraie en Europe (où la débolchévisation bat son plein sous l’impulsion de gouvernements réactionnaires et sociaux-démocrates et de l’Union européenne), le spectre communiste ressurgit : en dépassant (largement) 15 puis 16 millions de voix aux législatives de 1995 et 1999, le Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR), né sur les décombres du PCUS, devient le premier parti politique du pays. Et si l’autoritarisme poutinien cherche à contenir le spectre, il ne peut empêcher le communisme de continuer à exercer son influence dans un pays où les attaques contre les travailleurs se multiplient, comme lorsque Poutine augmente le départ de l’âge à la retraite de 55 à 63 ans pour les femmes. Résultat : le PCFR demeure la première force d’opposition au pouvoir poutinien, dépassant nettement les 10 millions de voix lors des élections législatives de septembre 2021… ce qui déboucha sur la répression sévère envers des membres (y compris jeunes) du PCFR[1], sans que les « défenseurs du monde libre » s’en émeuvent le moins du monde.
… malgré l’euro-maccarthysme atlantiste et fascisant
Car pour les euro-maccarthystes atlantistes d’Europe et des États-Unis, la fin justifie les moyens pour conjurer un spectre qui continue de hanter le monde capitaliste en ce 25 décembre 2021, particulièrement dans les anciennes républiques socialistes soviétiques – spécifiquement en Russie et Biélorussie (faut-il d’ailleurs s’étonner de voir cette dernière être la cible des nombreuses provocations occidentales à son encontre ?[2]). Et ceci pas seulement dû à l’expansion otanienne entamée dès la chute de l’URSS, visant à encercler la Russie en intégrant dans le dispositif belliciste nord-atlantique les anciennes démocraties populaires d’Europe de l’Est (Tchécoslovaquie, Hongrie, Pologne, etc.) puis, progressivement, les anciennes RSS. Cette stratégie d’encerclement agressif justifiée au nom d’une « menace russe » pour la paix culmine ces dernières semaines avec la volonté du nouveau gouvernement en place à Berlin – les Verts de Gris « Grünen » en tête – de voir l’Ukraine dirigée par des nostalgiques du Troisième Reich rejoindre l’atlantiste UE et l’OTAN[3]. Arrivé au pouvoir avec la volonté de mettre fin au déclin de la puissance russe, Poutine tient tête et devient, avec la Chine populaire, « ennemi majeur » pour l’establishment européiste et états-unien – sauf quand il s’agit de détruire ce qu’il reste de conquêtes sociales et politiques de la période soviétique.
En effet, le spectre communiste persiste du fait des résultats émanant de la « thérapie de choc » néolibérale et la prétendue « mondialisation heureuse » qui saccage la Terre, détruit les conquêtes sociales, arase les libertés publiques… et nourrit une dangereuse fascisation jusqu’en Russie, où les nervis de l’ultra-droite adeptes d’un ultranationalisme orthodoxe et/ou d’un eurasisme identitaire pullulent sans que cela heurte les « défenseurs du monde libre » ; il est d’ailleurs plus facile pour Poutine de taper sur le PCFR que sur le parti Grande Russie… Le résultat ? Une nostalgie envers l’URSS, pas seulement pour sa puissance qui lui permit de tenir tête à l’impérialisme euro-atlantique pendant plus de trois quarts de siècles – réussissant entre autres à abattre l’Europe nazie qui cherchait à « anéantir le judéo-bolchevisme ». Mais aussi parce que, comparaison effectuée, les Russes s’aperçoivent bien des bénéfices du système socialiste par rapport au capitalisme, y compris dans la lutte contre les pandémies : alors que la Russie poutinienne est marquée par une hécatombe (près de 300.000 victimes du coronavirus) après avoir favorisé la privatisation de la santé, la Russie bolchevique, alors en pleine guerre civile et internationale[4], réussit cent ans plus tôt, par l’intermédiaire du médecin bolchevique Nikolaï Semachko, à fonder un système de santé public apte à lutter contre la terrible grippe espagnole qui tua jusqu’à 50 millions de personnes dans le monde (selon l’Institut Pasteur)[5].
Une nostalgie croissante des régimes socialistes…
Les dirigeants capitalistes euro-atlantiques peuvent s’émouvoir et s’indigner autant qu’ils souhaitent, les sondages indépendants du pouvoir poutinien le démontrent : en mars 2019, « près des trois quarts des Russes ont une opinion positive de Staline », et notamment parce que « Staline commence à être perçu comme un symbole de justice et une alternative au gouvernement actuel, vu comme injuste, cruel et sans égards pour la population »[6]. Et quand bien même les analystes antisoviétiques font tout pour minimiser ces données, ils se heurtent à une réalité matérielle concrète : celle d’une époque où la recherche et la science permirent à Youri Gagarine d’être le premier homme à voyager dans l’espace ; où la forte industrialisation offrit la base indispensable pour urbaniser le pays, sortir l’URSS d’une situation agricole archaïque remontant au servage tsariste[7]… et vaincre le nazisme ; où les études ne coûtaient pas cher et permettaient l’ascension sociale ; où la santé et les transports étaient gratuits ; où les sans-domicile fixes n’existaient pas. En somme, celle d’une époque où, malgré l’absence d’abondance et parfois même des pénuries (imputables en partie aux erreurs du système économique soviétique notamment sur le plan agricole), la population subvenait à ses besoins élémentaires et pouvait profiter de plaisirs de la vie comme la culture. C’est à cette « incompréhension » que s’est ainsi heurtée Nicolas Werth, historien grand amateur du prétendu concept de « totalitarisme » et qui chercha des témoignages sur les traces du goulag dans la Russie post-soviétique, tombant sur ce témoignage (dont on ne cautionnera nullement la fin fleurant bon ton le racisme antimusulman) :
« Visiblement, Serguei Grigorievitch Bekarevitch n’est pas ravi de voir débarquer le groupe difficilement identifiable que nous formons, Irina, Oleg, Elsa et moi. […] « Mais pourquoi toujours cet intérêt obsessionnel pour les « pages sombres » de notre histoire ? [Notre demande a visiblement exaspéré Serguei Grigorievitch.] La Kolyma, notre belle région de Magadan ne se résument pas au travail forcé, au Goulag, aux répressions. Qu’y avait-il avant ici ? Rien, quelques éleveurs de rennes, une culture primitive ! Que voyez-vous maintenant ? Une ville magnifique, avec son opéra, ses palais de la culture, ses belles avenues, sa superbe cathédrale, la plus grande de tout l’Extrême-Orient russe ! Vous l’avez vue, notre cathédrale ? Notre région est tournée vers l’avenir, pas vers le passé ! Oui, je sais, chez vous à Saint-Pétersbourg, en France, le thème du Goulag est à la mode, vos intellectuels de gauche du genre Lévy – c’est bien ça, vous voyez de qui je veux parler, dit-il en se tournant vers moi, celui qui va partout où l’OTAN fourre son nez, en Libye, à Sarajevo dans les années 1990 quand vous bombardiez les Serbes et souteniez les Musulmans – ceux-là mêmes qui ont mis vos banlieues à feu et à sang pour vous remercier ! » »[8]
Malgré tous leurs efforts pour criminaliser le communisme – à l’image de l’infamante résolution adoptée par le Parlement européen le 19 septembre 2019 qui associe le communisme au nazisme –, les dirigeants euro-atlantiques ne peuvent empêcher la soviétostalgie touchant de plus en plus de travailleurs et de citoyens d’ex-URSS, mais aussi l’Ostalgie en ex-RDA[9] – en dépit des tentatives de marchandisation et de ringardisation –, la nostalgie d’une majorité de Roumains vis-à-vis de la République socialiste de Ceausescu[10] ou encore la « Yougonostalgie » que symbolise le témoignage suivant :
« La plupart des gens sont nostalgiques de la stabilité sociale, de la possibilité de voyager librement, du niveau d’éducation et du système de protection sociale qui existaient en Yougoslavie. Née en 1953 à Dubrovnik (actuelle Croatie), Stane a déménagé à Belgrade en 1972 pour étudier les sciences politiques. Une époque qu’elle se remémore avec émotion : « Je venais d’un petit village… À Belgrade, l’éducation était gratuite, les logements étudiants étaient bon marché, le système de santé était gratuit, on pouvait obtenir un appartement de fonction… » Elle dit avoir exercé « une centaine d’emplois », d’ouvrière dans une usine à organisatrice d’événements. Elle vend aujourd’hui des souvenirs de la Yougoslavie dans le parc Kalemegdan, au centre de Belgrade. »[11]
… nécessitant de reconstruire des partis franchement communistes !
Car jour après jour, la « mondialisation capitaliste », avec ses corollaires continentaux à commencer par la mortifère UE, révèle toute l’étendue des désastres qu’elle cause, affamant, massacrant, tuant les êtres vivants réduits à l’état de choses, voire de « rien », à commencer par le genre humain pour qui le meilleur rempart se nomme Internationale. Et jour après jour, les États-Unis et leurs affidés, sentant leur hégémonie pluriséculaire décroître, ne peuvent contrer l’émergence de la Chine populaire, qui effectue un « virage à gauche » croissant sous Xi Jinping et devient ainsi le nouveau « péril rouge » et « péril jaune » à abattre[12] car représentant une alternative à la domination impérialiste dans le monde[13].
Voilà pourquoi, sans pleurer ni regretter les temps disparus, trente ans après la chute d’une URSS dont il faut tirer les leçons négatives et surtout positives réelles[14],il convient de reconstruire un parti communiste de classe et de masse, assumant pleinement le marxisme-léninisme pour ne pas tomber dans les dérives mutantes de l’eurocommunisme (qu’encouragea Gorbatchev) et du gorbatchévisme qui ont précipité la chute de l’URSS, afin d’affronter et de combattre toutes les instances de soumission de l’ordre capitaliste euro-atlantique – l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme mondialisé (FMI, OMC, Banque mondiale, etc.) –, semant misère et chaos partout où il sévit… et rallumant la flamme nostalgique du communisme. Une flamme que le Pôle de Renaissance communiste en France, refusant de tomber dans l’autophobie et de renier l’histoire réelle de l’URSS, nourrit et fait grandir par ses combats politique, idéologique et social auprès des citoyens et des travailleurs broyés par un ordre déshumanisant ; et ce, afin qu’adviennent de « nouveaux Jours heureux » au sein d’une nouvelle « République de l’amour humain » dont les travailleurs et les citoyens de France et dans le monde ont tant besoin !
[1]https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/russie-vagues-darrestations-et-de-repressions-contre-les-elus-communistes-du-kprf/
[2]https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/bielorussie-du-contexte-historique-au-monde-actuel-entretien-en-video-avec-bruno-drewski-chercheur-a-linalco/
[3]https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/ukraine-le-camp-euro-atlantique-prend-la-responsabilite-dengager-un-conflit-de-haute-intensite-avec-la-russie/
[4] Lire notamment Youri Korablev, Anatoli Chouryguinine, La guerre de 1918-1922 : quatorze puissances liguées contre la Révolution russe, Delga, Paris, 2017 (extrait de l’ouvrage Histoire de l’URSS : de la révolution d’octobre à nos jours, Editions du Progrès, Moscou, 1977).
[5] Lire « Réflexion léniniste sur… l’épidémie de la grippe espagnole », Initiative communiste, janvier 2021.
[6]http://www.slate.fr/story/175929/russie-sondage-staline-opinion-positive-regime-sovietique
[7] Lire notamment Mark Tauger, Famines et transformations agricoles en URSS, Delga, Paris, 2014.
[8] Nicolas Werth, La route de la Kolyma. Voyage sur les traces du goulag, Belin, Paris, 2012.
[9]https://www.france24.com/fr/20191107-allemagne-ostalgie-nostalgie-rda-toujours-vent-poupeLire aussi Maxim Leo, Histoire d’un Allemand de l’Est, Arles, Actes Sud, 2013.
[10]https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/roumanie-les-nostalgiques-de-nicolae-ceausescu_3758237.html
[11]http://www.slate.fr/story/181899/yougonostalgie-histoire-yougoslavie-identite-passe-present-serbie-problemes
[12]https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/ni-peril-jaune-ni-peril-rouge-pour-lamitie-la-paix-et-la-cooperation-mutuellement-gagnante-avec-le-peuple-chinois/
[13]https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/le-virage-a-gauche-de-xi-vers-une-chine-socialiste-est-reel/
[14] Lire Jean-Paul Batisse, Il était une fois en URSS, Delga, Paris, 2019.