27 septem bre 2021 – Par Georges Gastaud, directeur politique d’Initiative communiste
Encensée par des médias français plus germano-béats que jamais, Angela Merkel prend enfin sa retraite. Bon débarras !
Car au nom du maintien à tout prix de la zone euromark si favorable aux grands industriels d’Outre-Rhin, la Dame de Fer de l’Europe a copieusement martyrisé l’Europe du Sud, Grèce, Italie, Espagne et Portugal en tête, et impitoyablement tenu en laisse cette France maastrichtienne dont la servitude volontaire, celle du CAC 40 et des gouvernements à sa botte, s’est traduite par une désindustrialisation massive, par la casse continue des acquis de la Libération et par l’euro-privatisation galopante des services publics: en un mot, par l’euro-dislocation en marche de notre pays. Loin de « construire la fraternité en Europe », cette politique égoïste dictée par les intérêts du grand capital allemand et totalement alignée, à l’étranger, sur les diktats de l’OTAN, a plongé l’UE dans la crise, provoqué la montée du populisme d’extrême droite et largement provoqué le Brexit.
A l’intérieur de l’Allemagne dite « unifiée », la politique merkelienne aura élargi le fossé entre la partie Ouest du pays et l’ex-RDA, dont la chancelière est issue, mais qui est toujours livrée au chômage de masse et à une semi-colonisation qui ne dit pas son nom. Avec, cerise sur le gâteau, une tentative avortée, in extremis, d’interdire d’élections nos camarades du Parti Communiste Allemand (DKP)…
Quant aux travailleurs allemands, ils peuvent constater que désormais, maintenant que la RFA n’a plus à subir l’émulation que lui infligeait la RDA sur le terrain social, leurs acquis fondent comme neige au soleil et leurs retraites sont de plus en plus tardives (67 ans en moyenne : vive le progrès social !). Surtout pour ceux qui, précaires ou immigrés notamment, n’ont pas la chance de travailler dans l’industrie automobile que la monnaie unique européenne a pour but de protéger à la fois du protectionnisme américain et des politiques d’inflation compétitive (dévaluation monétaire) pratiquées par l’Europe du sud à l’époque où chaque pays disposait encore de sa souveraineté monétaire.
Bizarrement, alors qu’on nous présente « Mutti Merkel » comme la Mamy Nova du peuple allemand, la CDU-CSU perd les élections, recule de 8 points et obtient son plus mauvais score de l’après-guerre. La gauche établie française, Anne Hidalgo en tête, qui se félicite de la « victoire » (à la marge) de la social-démocratie – totalement impliquée dans la politique de la chancelière sortante – devrait plutôt constater que le SPD, avec ses 28% des voix, reste loin des 40% qu’il obtenait dans les années 1960-1980 ; il est vrai qu’à l’époque, le grand capital allemand mettait intelligemment en place une « économie de marché sociale » (« soziale Marktswirtschaft ») mâtinée de cogestion (« Mitbestimmung ») pour tenir la concurrence idéologique de la RDA, une Allemagne sans chômeur où les soins médicaux et l’accès à l’Université étaient entièrement gratuits.
Rien à espérer pour autant du SPD qui, rappelons-le, fut le premier à briser les acquis à l’époque du gouvernement Schröder-Hartz (pourquoi se gêner puisque les syndicats allemands sont « tenus » par le SPD, que les communistes allemands restent persécutés et que la RDA est criminalisée par les médias ?). Ce SPD qui, sur le plan extérieur, s’est toujours montré d’une impitoyable dureté envers les « PIGS » (Portugal, Italy, Greece, Spain) et avec le « partenaire » français, de plus en plus ouvertement méprisé (à juste titre d’ailleurs: comment des gouvernements-valets, qui rampent devant l’UE et l’OTAN, c’est-à-dire en réalité, devant Berlin et Washington, pourraient-ils inspirer du respect à leurs maîtres d’Outre-Rhin et d’Outre-Atlantique ?).
Il est significatif que la « gauche » allemande (« die Linke »), qui a phagocyté et liquidé l’ex-SED oriental, ne parvienne toujours pas à percer malgré ces circonstances. Comment le pourrait-elle alors que, ayant renié la RDA, le marxisme et le léninisme, restant fort timide face à l’OTAN et s’étant plus d’une fois compromise dans les Länder avec le SPD ou avec les Verts, cette gauche rouge pâle n’a rien de clair à offrir à la classe ouvrière allemande, et qu’elle ne porte même plus la fierté du passé socialiste auprès des « Ossies » humiliés dans leur propre pays – au point de participer à la chasse aux sorcières anticommuniste contre le DKP ?
Ce n’est pas cette Allemagne des nantis, des renégats et du conformisme sociétal que nous aimons, nous les militants franchement communistes de France qui nous réclamons de Jean-Pierre Timbaud, le métallo tombé sous les balles nazies au cri de « Vive le Parti communiste allemand! ». C’est l’Allemagne lumineuse de Lessing, de Goethe, de Kant, de Hegel et de Heine, la belle Allemagne musicienne de Bach et de Beethoven, la combative Allemagne rouge de Marx, d’Engels, d’August Bebel, de Rosa et de Clara, de Thälmann et de Brecht.
Plus que jamais, face à l' »Axe franco-allemand » réactionnaire inféodé à l’OTAN et à sa lamentable guerre de revanche antirusse en préparation, travaillons des deux côtés du Rhin à reconstituer l’Axe rouge franco-allemand, comme s’y emploie le PRCF : c’est indispensable pour que se forge en Europe la contre-offensive des forces de paix et d’émancipation sociale !
Elections 2021 aux Bundestag, les résultats
Participation : 76,57%
- Droite CDU CSU :24,07% / -8,9 points – 196 députés -50 sièges
- Sociaux Démocrates SPD : 25,74% / +5,2 points – 206 députés +53 sièges
- Verts : 14,75% / +5,8 points – 118 députés +51 sièges
- Droite libérale FDP : 11,45% / + 0,7 points – 92 députés +12 sièges
- Extrême droite AFD : 10,35% / – 2,3 points – 83 députés – 11 sièges
- Sociaux Démocrates Die Linke : 4,89% / -4,4 points – 39 députés -30 sièges
les résultats des communistes du DKP
Le Parti communiste allemand (DKP) a finalement pu participer aux élections législatives – malgré l’avis de la commission électorale et de Die Linke), engager des listes et des candidatures dans des circonscriptions uninominales.
En dépit de ces entraves et de la répression, le DKP progresse par rapport à 2017. Les communistes remportent 3445 suffrages supplémentaires au scrutin proportionnel et sans déposer des listes dans tous les Landers.
Au scrutin proportionnel, le DKP remporte 15.158 voix contre 11.713 en 2017. Il réalise ses meilleurs scores à Berlin et en Rhénanie – Nord Westphalie, sa zone d’implantation traditionnelle.
Bade-Wurtemberg : 1174
Bavière : 1371
Berlin : 2152
Brandebourg : 1992
Hambourg : 530
Hesse : 1 331
Mecklembourg-Poméranie : 757
Basse Saxe : 1037
Rhénanie – Nord Westphalie : 2562
Saxe : 1 727
Schleswig-Holstein : 525
Au niveau du scrutin sur circonscription, le DKP présentait moins de candidats. Il recueille 5439 voix contre 7514 suffrages en 2017.
Brandebourg : 1787
Hesse : 42
Basse Saxe : 523
Nord Westphalie : 2281
Rhénanie Palatinat : 293
Schleswig-Holstein : 313
Communiqué du DKP sur les élections fédérales au Bundestag
Patrik Köbele, président du DKP, explique les résultats des élections au Bundestag :
Les résultats des élections fédérales donneront lieu à des négociations entre le SPD, la CDU, les Verts et le FDP. Il est fort probable que la grande coalition ne se poursuivra pas, toutes les autres constellations du camp de ces quatre partis sont envisageables.
Toutes ces constellations représentent un gouvernement fédéral d’agressions internes et externes croissantes. Tous ces partis se sont prononcés dans des nuances différentes pour le cours de guerre de l’OTAN et la militarisation de l’UE, pour le cours contre la Russie et la Chine. Tous ces partis défendent de vives attaques contre les droits démocratiques et sociaux de la population de ce pays. Ces attaques s’intensifieront après les élections. Les justifications seront différentes. Certains justifient davantage les attaques, d’autres moins par la sauvegarde de l’environnement. Aucun d’entre eux n’a de concept pour améliorer réellement la situation écologique parce qu’ils ne veulent pas intervenir dans le profit capitaliste ou même dans les relations de propriété.
Même après ces élections fédérales, la perspective pour le mouvement des travailleurs et de la paix sera : « Allons sur le chemin de la résistance ».
La performance du Parti de gauche est amère et n’est pas une cause de méchanceté ou même de joie. Mais cette performance est le résultat d’une campagne électorale dans laquelle « Die Linke » a clairement indiqué qu’il était prêt à tout jeter par-dessus bord pour la co-gouvernance. L’expérience du Parti de gauche où il participe aux gouvernements montre qu’il ne diffère guère de la social-démocratie traditionnelle.
Malgré l’augmentation de la participation, les non-votants représentent près d’un quart des personnes éligibles pour voter, ils restent donc le « parti » le plus fort. La part des voix des « autres » dépasse largement les 8 % ; avec les abstentionnistes, bien plus de 30 % des personnes ayant le droit de vote ne siègent pas au Bundestag.
Avec de légers gains par rapport à l’élection fédérale de 2017, la performance du DKP n’est pas satisfaisante. Le DKP est trop faible pour se présenter comme tel aux personnes qui recherchent des alternatives. Néanmoins, notre campagne électorale a payé. Il a dans une large mesure conduit le parti et son contenu vers le monde extérieur et l’a renforcé. Le DKP était le seul parti dans cette campagne de guerre, qui a constamment fait campagne pour des positions de paix. Nous avons pu gagner en notoriété, environnement, nouveaux membres et nouveaux militants.
Nous tenons à remercier nos électeurs, nos candidats et camarades qui étaient en campagne électorale. Nous continuons à choisir le chemin de la résistance. C’est maintenant plus nécessaire que jamais : pour la paix avec la Russie et la Chine. Contre la déforestation sociale et le démantèlement de la démocratie. La perspective pour l’homme et la nature n’est pas le capitalisme.
Essen, le 27 septembre 2021
traduction depuis l’allemand IC