A quoi faut-il obéir ? Tel est le fond du litige que les citoyennes et les citoyens doivent lire dans l’échange de répliques qui vient d’opposer le chef d’Etat-major des Armées et le président de la République.
Rapportant devant une commission parlementaire, le chef d’Etat-major a dit quelle mauvaise opinion il avait de la gestion budgétaire de notre Défense nationale. C’était simplement son devoir.
Austérité = autoritarisme
Mais cela n’a pas plu au président de la République, qui a crûment et sèchement fait savoir : « C’est moi qui commande ! ».
Ni le budget, ni son évolution ne sont discutés ici : quand des communistes discutent des problèmes de défense, le budget vient en dernier, lorsque les réalités matérielles et humaines de la politique de défense ont été tirées au clair.
En vérité, ce « Silence dans les rangs ! » … de la part d’un président de la République est-il seulement irresponsable ?
Ou ne signifie-t-il pas plutôt que le président Macron a décidé une autre politique militaire que celle que le chef d’Etat-major des armées mettait en œuvre ?
Le chef d’Etat-major lui aussi doit tirer au clair les conditions matérielles et humaines de la politique militaire avant de parler budget ; nous ignorons à peu près tout de cette discussion, nous savons seulement que le chef d’Etat-major juge insuffisant le budget de la Défense nationale.
Le président Macron en juge différemment : cela montre clairement qu’il porte une autre politique militaire que celle jusqu’à présent conduite par le chef d’Etat-major.
Quelle est la politique militaire de Monsieur Macron ?
Ne nous donnons pas le ridicule de croire qu’il s’agirait de donner un tour résolument pacifiste à la politique française : Monsieur Macron continue de soutenir la politique de guerre universalisée du grand capital US : il soutient notamment les nazis en Ukraine et dans les Etats baltes, les intégristes de l’Islam au proche et au moyen-Orient pour ne citer que ceux-là …, et de plus, il continue de projeter nos forces de combat hors de nos frontières pour des missions que notre intérêt national ne commande pas, mais qui participent de la guerre impérialiste universalisée.
Cette autre politique, nous la lisons clairement dans le programme du candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron : selon lui désormais, les missions de nos armées ne lui sont plus assignées par notre Nation, mais par l’Union européenne, et participent de ce qu’il appelle la défense européenne ; elles n’ont donc plus besoin de nos arsenaux pour leur fournir leurs armes : elles se fournissent désormais au marché européen de l’armement ( par exemple, le remplacement du fusil français FAMAS par un fusil allemand est en cours depuis 2 014 ), ce qui a déjà conduit à fermer quelques-uns de nos meilleurs arsenaux et va bientôt mettre en cause les usines Dassault, mais aussi les chantiers navals de Saint Nazaire où ont été construits les « Mistrals » que le précédent président et son gouvernement ont tellement méprisés qu’ils ont refusé de les livrer à leur acheteur, alors que celui-ci les avait déjà payés en grande partie !…
Défense européen ? C’est la suppression de la défense nucléaire payée par
la France et censée la protéger, payée par la France !
Quant à notre armement nucléaire, nous pouvons être sûrs qu’il va devenir l’armement nucléaire de la future armée européenne, et qu’il recevra une doctrine d’emploi totalement nouvelle : quelle sera sa mission ? L’expérience de la Yougoslavie, et aujourd’hui de l’Ukraine est claire : les institutions de l’Union européenne ne placent aucun obstacle devant l’un quelconque de ses pays membres s’il se lance dans une agression : L’Union européenne, ce n’est pas la paix, et l’OTAN, c’est la guerre ! …
En vérité, la mission que Monsieur Emmanuel Macron a choisi d’assigner à nos armées n’est pas la défense de nos intérêts nationaux : c’est la défense des intérêts des plus grands capitalistes propriétaires d’entreprises dans notre pays, et ces messieurs intègrent déjà, depuis plus d’un demi-siècle, leurs intérêts dans ceux de leurs collègues propriétaires d’entreprises dans toute l’Europe : c’est au point que nous ne savons plus, en général, quel est leur passeport : français, allemand, norvégien, italien, anglais, US ? D’ailleurs, nombre d’entre eux possèdent plusieurs passeports, qui peuvent être vrais, vrai-faux, comme faux-vrais ! C’est à cela qu’aboutit l’intégration européenne du capital en voie de mondialisation …
Obéir au devoir de défendre la Patrie, c’est à dire les intérêts de tous les travailleurs, ou défendre les intérêts privés et égoïstes de l’oligarchie capitaliste ?
Or, les intérêts de la Nation française, ne serait-ce que par le fait majoritaire, sont les intérêts de tous les travailleurs de notre pays, quel que soit leur statut, et nous savons que parmi eux, les intérêts les plus cohérents et les plus urgents sont ceux de la classe ouvrière : il est alors évident que l’éventualité de voir les armées de la France défendre les intérêts nationaux de la France, cette éventualité représente exactement la plus grande terreur de ces Messieurs les plus gros capitalistes, celle qu’ils ne supportent pas : ils ont tourné le dos à la Nation, et ils le savent parfaitement ; et Emmanuel Macron est un des leurs !
Les membres de nos forces armées sont donc tiraillés entre la mission de défendre nos intérêts nationaux et celle de défendre la propriété privée du capital et l’appropriation privée du profit ; ils doivent choisir : cette contradiction s’impose tout autant aux cadres qu’aux soldats.
Elle s’impose aux soldats parce que tout engagement de leurs unités dans la défense des intérêts des plus gros capitalistes les conduira tôt ou tard à combattre les membres de leur propre famille, leurs proches les plus chers : nous en avons déjà fait l’expérience tout près de nous, à nos frontières, naguère en Yougoslavie, aujourd’hui en Ukraine : l’engagement européen a conduit des Yougoslaves à massacrer leurs frères, leurs sœurs et leurs compatriotes et à bombarder leurs propres villages et villes ; l’engagement européen conduit maintenant des Ukrainiens à bombarder des villages et des villes de leur propre pays habités par leurs cousins ou par leurs frères et sœurs !
Cette même contradiction entre la mission de défendre nos intérêts nationaux et celle de défendre la propriété privée du capital et l’appropriation privée du profit s’impose aussi aux cadres, parce qu’ils ont à évaluer les moyens nécessaires pour accomplir leurs missions, et qu’ils savent parfaitement que les missions de défense nationale mobilisent intensément les énergies de chaque citoyen dès que le peuple travailleur a reconnu qu’elles tendent à défendre ses intérêts sans rien sacrifier aux intérêts du capital, alors que les intérêts liés à la réalisation de la collecte du profit leur sont généralement indifférents.
Il importe que les communistes prennent conscience de cette contradiction, de sa réalité, de la complexité sociale qui l’entoure, car c’est la prise de parti des membre des forces armées au sein de cette contradiction qui dictera leur attitude dans les mouvements à venir de notre société.
Jean-Pierre Combe, le 16 juillet 2 017 pour www.initiative-communiste.fr