Les personnes migrantes qui squattent le Parc Maximilien et la Gare du Nord de Bruxelles sont également victimes régulièrement de rafles policières et d’arrestations. Le gouvernement belge n’a jamais voulu apporter d’aide à ces 400 à 500 personnes. Théo Francken, secrétaire dÉ’tat d’extrême droite membre de la NVA a tout le temps répété qu’aucune aide ni hébergement n’est possible pour des gens qui ne font pas de demande d’asile en Belgique. Dès lors, il y a conflit puisque la plupart des personnes migrantes qui vivent et dorment dans ces lieux ne veulent pas rester en Belgique mais aller en Angleterre. Elles parlent anglais et espèrent y retrouver des membres de leur famille qui y vivent déjà. Ce sont des citoyens organisés en plate-forme de soutien citoyen aux réfugiés qui organisent la solidarité avec ces centaines de personnes migrantes : ils organisent des distributions de repas et les logent. Ce réseau de soutien comprend des milliers de citoyennes et citoyens. Il est à noter que l’aide au logement apporté par cette plate-forme, c’est bien sûr pour permettre que ces gens et aussi des enfants mineurs ne dorment plus dehors par tous les temps, mais aussi pour les protéger des opérations policières régulièrement organisées. Si nous ne vivons pas dans un régime fasciste, le bruit des bottes se fait entendre régulièrement. Que des citoyens soient obligés de loger des personnes ou des enfants mineurs pour qu’elles ne soient pas arrêtées rappellent les plus ombres heures de l’histoire de l’humanité. Ces mêmes citoyens, quand ils ont connaissance d’opérations policières qui s’envisagent au Parc Maximilien ou à la Gare du Nord, organisent des chaines humaines pour les empêcher. Deux opérations policières d’envergure ont ainsi pu être annulées cette année.
Le gouvernement Michel et son secrétaire d’État d’extrême droite à l’asile et à la migration ne comptent pas s’arrêter là. Sur la table de travail de ce gouvernement, un projet de loi dit de « visites domiciliaires » permettant à la police d’organiser de véritables perquisitions au domicile de sans-papiers ou dans les lieux où ils se trouvent afin de pouvoir les arrêter et les mettre en centre fermé pour ensuite les expulser. Ce projet de loi vise non seulement à la criminalisation des sans papiers mais aussi à celles des personnes qui les aident. Il a aussi pour fonction de faire peur aux gens solidaires des sans-papiers puisque la police pourrait aussi venir perquisitionner chez des hébergeurs. C’est un projet de loi d’une violence extrême. Ces pratiques sont des intrusions insupportables dans la vie prive des gens et mettent en cause les principes d’inviolabilité du domicile qui font partie pourtant des réglementations internationales qui protègent les droits humains.
Tout cet arsenal répressif et cette diffusion de l’idée que les migrants, surtout dits illégaux, représenteraient à tel point un danger qu’il faudrait aller les arrêter chez eux, crée une pression sur la police qui peut conduire à des drames. Aujourd’hui, en Belgique, l’étranger dit illégal est traqué. Sur nos aires d’autoroute, les autorités ont même fait abattre des arbres pour que les cachettes soient moins nombreuses ! La soi-disant lutte contre les passeurs a amené il y a quelques mois à une poursuite entre des policiers et une camionnette remplie de personnes et d’enfants migrant-e-s qui a abouti à la mort d’une petite fille de deux ans, la petite Mawda qui a été inhumée dans un cimetière de la région bruxelloise il y a peu. C’est sur les parents victimes que la NVA veut faire peser la responsabilité de la mort de cette enfant tuée par le tir d’un policier. Pour le président de ce parti, c’est la décision d’avoir quitté leur pays d’origine qui au bout du compte a provoqué ce drame. Or, cette famille venait d’Irak, un pays fortement perturbé depuis que l’occident et les Etats-Unis l’ont mis à feu et à sang. Il ne viendra pas à l’idée bien entendu de la NVA d’accuser la Grande Bretagne qui s’est fortement impliquée avec les Etats-Unis dans cette guerre pour le pétrole et qui a fait les choux gras des entreprises d’armement pendant des années. Grande Bretagne, pays dans lequel cette famille voulait se rendre pour vivre un peu en paix et en tranquillité. Cet accès à l’Angleterre qui leur est tout le temps refusé alors que celle-ci, après avoir détruit leur pays, leur doit bien ça. Qui devrait se sentir coupable ?
Enfin signalons un dernier épisode très inquiétant qui touche actuellement une dizaine de personnes qui ont hébergé des migrants. Elles sont inculpées de traite d’êtres humains et il y aura un procès d’ici la fin de l’année. Des gens ont été mis sous écoute téléphonique. Une journaliste hébergeuse a été perquisitionnée et tous ses outils professionnels ont été emporté : ordinateur, portable,… Certaines de ces personnes hébergeuses, de nationalité étrangère mais vivant depuis longtemps en Belgique ont été carrément arrêtées et emprisonnées en détention préventive. Par exemple, Walid a été gardé en détention préventive pendant huit mois parce qu’il était étranger et que la justice avait la crainte qu’il quitte alors la Belgique. Walid qui n’a rien fait à part avoir hébergé une personne migrante sans abri risque une condamnation pour traite d’êtres humains. Ces huit mois de prison ont détruit toute sa vie car le jeune homme migrant qu’il a hébergé est soupçonné être un passeur. Voilà donc maintenant que le gouvernement belge se sert de la loi sur la traite des êtres humains pour criminaliser aussi la solidarité. Une manière de créer en Belgique le délit de solidarité.
– Cette répression des sans- papiers ne date pas d’hier…
Freddy Bouchez: La répression des sans-papiers ne date pas d’hier, en effet. Depuis longtemps, le mouvement des sans-papiers veut faire entendre l’idée que ce sont les politiques migratoires qui les mettent en danger mais qu’eux ne sont pas dangereux. Entre 2005 et 2009, les sans-papiers ont occupé en Belgique plus de 50 églises dans tout le pays, en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles. Cette lutte a abouti à une opération de régularisation limitée dans le temps. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont pu, grâce à cette mobilisation très déterminée, obtenir la régularisation. Les sans-papier avaient créé leur propre organisation qui s’appelait l’UDEP (Union pour la défense des sans-papiers) Cette auto-organisation de leur lutte leur avait permis d’aller à la rencontre de la population belge, des associations et aussi des organisations syndicales. Le fait de l’émergence de cette lutte menée et organisée par les sans-papiers eux-mêmes a permis que petit à petit une solidarité se développe de la part de belges, des syndicats et du monde associatif. Le mouvement des sans-papiers avait des revendications précises et fixait lui-même l’agenda des actions poussant ainsi les grandes organisations sociales du pays à bouger avec eux. Cette lutte d’envergure de plusieurs années avait amené le gouvernement de l’époque à fléchir. Aujourd’hui, la situation n’est plus la même. Le combat est plus large car c’est toute la politique migratoire de nos gouvernements qu’il faut contester et par rapport à laquelle il faut imposer des alternatives. L’accès même au droit d’asile est mis en question et la convention de Genève risque de devenir petit à petit un vulgaire bout de papier dont on ne tiendra plus compte tout comme la déclaration universelle des droits de l’homme dont on commémorera le septantième anniversaire le 10 décembre 2018. La solidarité est plus difficile à obtenir car l’austérité détruit aussi les droits des travailleurs avec et sans emploi et de l’ensemble des allocataires sociaux. La sécurité sociale ne protège plus autant qu’avant et certains d’entre nous en ont été carrément exclus et se trouvent à devoir vivre avec des minimas sociaux en dessous du seuil de pauvreté. Depuis 17-18 ans, la précarité et la pauvreté ont encore augmenté. Dès lors, « l’étranger » peut passer plus facilement comme quelqu’un de dangereux. « S’il n’était pas là, notre situation serait sans doute meilleure » L’extrême droite, les populistes jouent sur toutes ces peurs mais la droite classique et moderne (Macron et Michel) et la sociale démocratie aussi. Il est dès lors beaucoup plus difficile aujourd’hui de développer de la solidarité par rapport au thème de la défense des droits des personnes migrantes. En même temps que les mobilisations qu’il faut bien sûr continuer à organiser, il faut sensibiliser, déconstruire les préjugés et montrer qu’un combat commun à tous les travailleurs belges et étrangers, avec et sans emploi, avec et sans papier, est incontournable. C’est le capitalisme et les partis qui les soutiennent qui sont dangereux pour nous les travailleurs et pas les étrangers qui n’ont pas le choix de quitter leur pays pour envisager une vie un peu meilleure.
– Cette chasse aux sans-papiers fait écho à la traque des plus précaires, chômeurs et allocataires sociaux. A y regarder de plus près, on a l’impression que ça pèse sur les salaires et les conditions de travail des prolétaires ayant encore un boulot. Et à travers les sans papiers, on tente de criminaliser les mouvements sociaux et les éventuelles ripostes des travailleurs…
Freddy : En fait, les gens doivent comprendre que les partis au gouvernement qui prennent des mesures contre les personnes migrantes ne sont pas leurs amis pour autant. Théo Francken, le secrétaire d’état à l’asile et à la migration du gouvernement Michel est particulièrement anti-migrants. Mais en même temps, il est membre d’un gouvernement qui applique une austérité sévère détruisant la Sécurité Sociale et notamment dans celle-ci, les droits aux allocations de chômage et à la pension. Les droits des personnes malades sont aussi passés à la moulinette. Nous sommes face à un gouvernement très dure avec les migrants mais ce n’est pas pour autant que la vie de tous les autres s’améliorent. La politique migratoire très répressive menée par Théo Francken et avant lui par Maggie De Block(dans le gouvernement précédent) a fait diminuer fortement le nombre de demandeurs d’asile dans notre pays. En parallèle de cette politique qui vise à accueillir le moins possible de migrants, les attaques contre les droits des personnes les plus fragiles se poursuivent :
Ce gouvernement a appliqué la mesure de limitation dans le temps des allocations de chômage d’insertion qui a provoqué, depuis le 1er janvier 2015, l’exclusion de dizaine de milliers de personnes qui ont dû faire appel à l’aide des centres publics d’action sociale (CPAS) Certain-e-s exclu-e-s, particulièrement des femmes, parce que cohabitant-e-s, n’ont pas même eu droit à cette aide et ont perdu tout revenu personnel. Il a supprimé, pour les jeunes qui sortent de l’école à partir de 25 ans, la possibilité d’accéder à des allocations de chômage d’insertion. Il a rétabli la possibilité de visites au domicile des chômeuses et chômeurs pour autant qu’il y ait l’autorisation d’un juge… Il voudrait faire travailler les chômeuses et chômeurs de longue durée (2 ans de chômage) pour rien, …
Les centres publics d’action sociale ont subi de nouvelles réformes : Généralisation du projet individualisé d’intégration sociale (contrat) à tous les bénéficiaires du revenu d’intégration dans lequel ceux-ci doivent s’engager à des démarches particulières sous peine de subir des sanctions qui peuvent aller jusqu’à trois mois de suspension ; Possibilité pour les CPAS de mettre sur pied des services communautaires, c’est-à-dire de faire travailler pour rien des bénéficiaires de l’aide sociale ; Organisation d’une soi-disant chasse à la fraude sociale par l’organisation de visites domiciliaires, en tout temps, sans prévenir les personnes pour vérifier leur composition familiale. Celles-ci sont de véritables intrusions dans la vie privée des gens. Les CPAS peuvent pratiquer ces visites quand ils le veulent et il n’y a pas de balises particulières pour empêcher les abus et les atteintes à la vie privée.
Les travailleurs malades de longue durée doivent, quant à eux, entrer dans un parcours de réinsertion au travail. Il s’agit là de leur faire signer une convention. Si celle-ci n’est pas respectée, sanction de 5 à 10% sur le montant des allocations de mutuelle.
Et on pourrait ajouter tout ce qui touche et a touché les travailleurs victimes de licenciements comme le fait que les prépensions sont supprimées pour être remplacées par un système de chômage avec complément de l’employeur qui oblige à demeurer disponible sur le marché du travail sous peine de subir une sanction financière. C’est aussi le gouvernement de Charles Michel et de Théo Francken qui a décidé de porter l’âge de la pension à 67 ans au lieu de 65 ans. Et c’est encore ce même gouvernement anti-migrants et anti-social qui continue à démanteler et à privatiser l’ensemble de nos services publics.
Enfin, s’il y a criminalisation des migrants, il y a également criminalisation des travailleurs qui se rebiffent : Le droit de grève est attaqué et le service minimum a été imposé à la SNCB (société nationale des chemins de fer) Non, vraiment, Théo Francken et Charles Michel ne sont ni les amis des migrants, ni ceux de l’ensemble de la population. Tout le monde trinque et belges et étrangers, avec et sans emploi, avec et sans papiers, nous devons nous unir pour défendre nos droits.