« L’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale » disait Jean Jaurès
Alors que la cécité résulte d’un défaut rédhibitoire des organes de la vision, l’aveuglement est le propre de ceux qui « ont des yeux mais ne voient pas »… parce qu’ils ne veulent pas voir et parce qu’ils aiment mieux se mentir à eux-mêmes que regarder les réalités en face.
Or c’est bien d’aveuglement qu’il faut parler à propos de ceux, syndicalistes ou militants se réclamant parfois du communisme, voire du marxisme-léninisme, qui continuent d’affirmer contre toute évidence que la France n’est pas en danger d’euro-dilution existentielle, et avec elle, que ne sont pas en danger d’arasement imminent tous les acquis sociaux, institutionnels ou culturels qui se sont construits, au prix du sang et de luttes séculaires, au sein de l’Etat-nation, ou plutôt, des Etats-nations formés dans la foulée de la Révolution française et du Risorgimento.
Mais qu’est-ce qu’il leur faut donc pour qu’ils finissent pas voir un éléphant foncer sur une autoroute ? Déjà le produire en France industriel a été dévasté par le MEDEF et par les euro-gouvernements à telle enseigne que le pourcentage du PIB français consacré à l’industrie est d’ores et déjà inférieur, non seulement, et de très loin, à celui de l’Allemagne, mais à celui de l’Italie… et de la République du Nicaragua ! Après quoi on se demandera gravement pourquoi notre pays est lourdement endetté !
Déjà les marins-pêcheurs, et désormais, la masse des paysans travailleurs se dressent pour la SURVIE de l’agriculture française concurrencée à mort par les accords transatlantiques de type CETA ou Mercosur.
Déjà les services publics construits, non seulement par nos camarades Marcel Paul, Thorez ou Croizat en 1945, mais des services publics édifiés par la République bourgeoise comme l’école publique de Condorcet et de Ferdinand Buisson, quand lesdits services en voie de destruction ne datent pas de l’Ancien Régime comme c’est le cas de la Poste (Louis XI!) ou de ce qu’on appelait jadis l’Equipement (Sully!) ou les Eaux et forêts (Colbert!), sont dépecés au nom de l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » des traités européens.
Déjà la République « une et indivisible » articulée aux communes de France et aux départements fait place aux euro-régions se faisant concurrence entre elles, Pécresse en étant à revendiquer un SMIG régional pour l’Ile de France, quand ces néo-Länder hexagonaux ne réclament pas carrément « l’autonomie » (Corse, Bretagne…) ou ne sont pas déjà érigés, avec la bénédiction de Macron, en « euro-région » d’Alsace et autre « eurodépartement de Moselle ».
Déjà Macron annonce en Suède que la force de frappe atomique française, conçue par de Gaulle pour défendre le territoire national « tous azimuts », serait désormais au service de l’armée européenne en construction dans le cas d’une guerre avec la Russie. Et les pressions allemandes sont plus ouvertes chaque jour pour que la France cède son siège (et son droit de veto) au Conseil de sécurité de l’ONU… Mais à gauche comme à droite, c’est « motus et bouche cousue » car sans doute, dire que cette orientation militaire ferait de la France et de sa population la cible n°1 des missiles hypersoniques russes en cas d’incident de frontière entre la Pologne et la Biélorussie, c’est évidemment « être un proxi de Poutine »…
Déjà l’anglais devient chaque jour un peu plus la seule langue officielle de l’Europe (et officieuse de la France et des autres pays de l’UE) comme il est déjà la seule langue de travail de la Commission européenne, du Parquet européen et de la Cour de justice européenne; et déjà la propagande de l’UE se fait EN ANGLAIS de Gibraltar à Riga (« You are EU! ») pour habituer les « Européens » à considérer l’allemand, l’italien ou le français comme des « patois domestiques » voués au folklore… et à l’extinction à la manière dont l’a été le gaélique en Ecosse, au pays de Galles ou en Irlande ! Bien entendu, ce n’est pas grave, c’est « seulement » la muséification programmée des langue de Goethe, Dante ou Hugo! Que l’on est loin ici du souffle patriotique authentique qui animait Aragon et Elsa lors de la création clandestine des « Lettres françaises » !
Déjà des syndicalistes traîtres – à leur classe comme à leur pays, et ce n’est pas sans rappeler l’union sacrée de 1914 ou le « choix de la défaite » de 1939/40 !- se disent alléchés par ce « saut fédéral européen » imminent qui veut mettre en place un gouvernement européen, une libre circulation des armées de l’OTAN de Séville à Helsinki, une marche au « conflit global de haute intensité » avec Moscou et Pékin, d’énormes lois de programmation militaire ruineuses et dangereuses; sans parler de la suppression du droit de veto des Etats européens qui permettra demain au grand patronat de « Businesseurope » d’araser les droits sociaux existant nationalement en construisant des « majorités d’idées » multinationales et à géométrie inter-étatique variable permettant d’abattre l’un après l’autre le résultat de trois siècles de lutte sociale !
Mais à part ça, Madame la Marquise « internationaliste », tout va très bien! La France se porte à merveille, la langue française « must go on« , et les cabris du patronat et de l’euro-réformisme peuvent tranquillement toucher les dividendes, financiers pour les uns (car les « partis européens », le « parlement européen » et la C.E.S. paient grassement leurs élus et permanents bien apprivoisés !), ou pour d’autres, leurs dividendes moraux : pas d’affrontements idéologiques pénibles avec les appareils syndicaux et politiques, pas de lutte idéologique difficile à mener « en bas » pour associer le combat social au combat patriotique et ce dernier au combat anti-impérialiste, anticolonial (en Afrique et ailleurs) et antifasciste. TOUT VA POUR LE MIEUX et on n’engagera une lutte sérieuse pour le Frexit progressiste (et pour commencer, pour le boycott des européennes destinées à valider le saut fédéral européen) que… quand il sera devenu trop tard. Alors là, on regrettera la République française ensevelie et la Révolution française enterrée comme d’autres, en Russie, ont trop tard regretté les acquis, jusqu’alors inaperçus par eux, de la Révolution d’Octobre et de l’Union soviétique!
Les mêmes nous riaient au nez hier quand le PRCF dénonçait la fascisation en faisant le lien entre la cntre-révolution anticommuniste à l’Est, la « construction » de l’empire germano-atlantique dit « UE » et la destruction des acquis sociaux. Aujourd’hui ils acceptent enfin, tant sa réalité crève les yeux hélas, l’idée de fascisation, voire de phase « préfasciste » comme nous disons désormais au PRCF, mais sans la rattacher à la lutte frontale contre l’UE. Ni voir que l’on ne peut pas construire d’Alternative révolutionnaire, ni a fortiori reconstruire de parti communiste de combat, ni même de syndicalisme de classe durablement offensif, sans COUPER LES LIENS entre l’euro-réformisme atlantiste et ses tentacules hexagonaux institutionnalisés.
Ce qui est impossible sans une position claire de défense – sur des bases antifascistes, antiracistes, anti-impérialistes que résume l’expression « Frexit progressiste » – de la souveraineté nationale et sans associer, comme surent le faire en leur temps les marxistes-léninistes Thorez, Duclos ou Frachon, sans parler de Manouchian ou de Léon et Roger Landini – entre le patriotisme républicain symbolisé par le drapeau tricolore, et l’internationalisme prolétarien dont l’emblème est le drapeau rouge orné des outils ouvrier et paysan.
De noires nuées envahissent l’horizon. Chacun doit choisir son camp, celui de la honte ou celui de l’accompagnement, maintenant. Plus que jamais, l’alternative rouge et tricolore est indissociable du combat pour la « forme-parti » de la Renaissance communiste, pour le léninisme, pour le centralisme démocratique, pour la rupture totale des militants franchement communistes et des syndicalistes de classe avec celles et ceux qui dissimulent leurs hésitations derrière des déclamations antipatriotiques qui laissent le terrain décisif, d’une part aux agresseurs euro-atlantiques de la paix mondiale et de la nation, d’autre part à leur ombre portée: celle de l’extrême droite fasciste, européiste elle aussi, atlantiste elle aussi… et pseudo nationale.
Pôle position PRCF du 11 février 2024 – Par Floréal