Depuis les années 1990 et notamment le traité de Maastricht, le démantèlement des monopoles publics de chemins de fer est au programme dans l’Union Européenne. Il s’agit bien sûr pour les capitalistes de ne laisser aucun secteur d’activité hors de la « concurrence libre et non faussée », pour mieux encaisser les dividendes, mais aussi, de tenter de briser l’unité, la solidarité et toutes les possibilités de résistance collective d’un secteur de la classe ouvrière particulièrement rouge, notamment en France.
Du morcellement du monopole du service public ferroviaire
Tout d’abord, imposer la séparation de l’exploitation du matériel roulant et de l’infrastructure réseau (une aberration complète pour un mode de système guidé comme le chemin de fer !), cette dernière se prêtant plus difficilement à la concurrence et se montrant structurellement non rentable : donc gardée dans le giron public (création de Réseau Ferré de France en 1997, devenue SNCF Réseau en 2015). Témoignage des choix criminels (au vu des conséquences, connues de leurs promoteurs, en termes de mortalité par accidents de la circulation ou par la pollution, auxquels le train ne contribue que de façon négligeable tandis que l’automobile en est une source majeure) des gouvernements en matière de transports, à savoir de privilégier de façon quasi-exclusive la route (et l’aviation pour les très longues distances), cette séparation du réseau ferré a accéléré le désinvestissement public des voies ferrées, entraînant de forts ralentissements sur des milliers de kilomètres, des fermetures de lignes (malgré les luttes des cheminots, usagers, progressistes et écologistes authentiques), la multiplication des incidents par l’abandon de la maintenance préventive régulière de haut niveau qui avait naguère lieu, voire quelques accidents graves.
À l’ouverture à la concurrence du fret engendrant l’effondrement du trafic de marchandises
Une dizaine d’années plus tard, c’est le fret ferroviaire qui est ouvert à la concurrence, avec pour effet en France l’exact inverse de ce que les « libéraux » soi-disant pro-ferroviaires promettaient : le déclin du transport de marchandises par rail au profit de la route s’est accéléré.
Mais la carnage sanitaire et environnemental, le gâchis économique considérable (réseau routier usé à très grande vitesse par l’explosion du trafic de camions, qui entraîne aussi l’aggravation des engorgements routiers, et « justifié » le développement du réseau autoroutier, pourtant bien plus ruineux que la modernisation des voies, embranchements ou triages ferroviaires existants, qui ont été largement démantelés, au contraire) n’ont bien sûr pas arrêté la feuille de route de la dictature euro-capitaliste, dont le dernier acte de la casse ferroviaire – préparé en France par la contre-réforme macronienne de 2018 de la SNCF, devenue ainsi Société Anonyme le 1er janvier 2020 concerne les trains de voyageurs, promis à l’appétit du secteur de façon imminente.
Et maintenant la privatisation des TER, intercités et bientôt des TGV…
Et pas dans n’importe quelles conditions. Ainsi, dans les Hauts de France, dirigés par le « Républicain » Xavier Bertrand, parmi les trois lots de lignes de trains régionaux soumis de façon anticipée à une procédure d’appels d’offres, figure l’étoile ferroviaire de Saint-Pol-sur-Ternoise… dont l’infrastructure connaît une cure de jouvence (y compris la réfection complète d’une branche totalement fermée au trafic depuis quelques années pour cause de vétusté) de la part de SNCF Réseau ! Même la Voix du Nord a reconnu qu’on attribuait un beau lot au privé.
Le fait de concéder les lignes dont les voies viennent d’être refaites, alors que la vétusté générale du réseau ferré demeure effroyable et que de nouvelles fermetures ont encore eu lieu l’an passé (dont Lille-Comines, dans les mêmes Hauts de France, en décembre 2019… alors que l’agglomération lilloise est saturée de trafic routier et de pollution !) n’a rien d’une exception : pour les grandes lignes ferroviaires hors TGV (baptisées Intercités), le premier appel d’offres concerne un lot de deux lignes transversales, Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon.
Non seulement le matériel roulant est entièrement neuf sur ces lignes, mais la portion La Roche-sur-Yon/La Rochelle de la ligne Nantes-Bordeaux, limitée depuis quelques année à 60 km/h (la moitié de sa vitesse normale !) en raison de sa vétusté (entraînant un allongement de près d’une heure du trajet) est en train d’être régénérée (certes au rabais – sur une seule voie, et seulement pour rétablir les performances antérieures alors que des améliorations auraient été possibles – mais permettant donc de gagner presque une heure par rapport au service opéré par la SNCF ces derniers temps !), tiens donc…
Quant à Nantes-Lyon, son tronçon Saint-Pierre-des-Corps/Vierzon a été électrifié il y a une dizaine d’années.
Privatisation des bénéfices mais nationalisations des investissements !
Bref, les très rares et timides investissements en faveur du rail (obtenus par la lutte…), quand ils existent, vont être mis en priorité au service des dividendes d’actionnaires, grâce à l’argent public… sauf si nous imposons tous ensemble une autre politique, en dénonçant le capitalisme et son Union Européenne qui interdit toute politique progressiste de transports, si nous unissons les travailleurs et les usagers du rail, les citoyens soucieux d’un aménagement harmonieux du territoire (impliquant une irrigation fine et efficace par le chemin de fer plutôt qu’une dépendance à la voiture individuelle), les vrais écologistes, avec bien sûr en première ligne les communistes, défenseurs les plus conséquents des cheminots, qui sont les fers de lance de nombreuses luttes de classes comme on le voit encore depuis décembre dernier.
Adrien Delaplace pour www.initiative-communiste.fr