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Les directives européennes « Paquet Ferroviaire », cause de la privatisation, de la découpe et des catastrophes ferroviaires
A lire : la vente à la découpe et l’euro privatisation de la SNCF
2018, le régime Macron dans un violent bras de fer impose sa « réforme ferroviaire ». Le terme plus exact serait la transcription en droit français des premier, deuxième, troisième et enfin quatrième « paquets ferroviaires ». Entre 2001 et 2016, cet ensemble de directives européennes impose successivement l’ouverture à la concurrence et la libéralisation du rail, ainsi que la privatisation de ces services publics, d’abord dans le transport de marchandise, puis pour les lignes internationales et enfin – et c’est l’un des objets de la contre-réforme Macron – pour les lignes régionales et nationales, notamment TER et TGV. Il n’y a plus guère que le réseaux ferrés d’Ile-de-France (RATP et RER) qui échappent encore (pour combien de temps ? ) à l’euro-privatisation.
Le résultat de ces directives a été le morcellement accéléré du service public ferroviaire unifié, la SNCF, en différentes entités et filiales de plus en plus indépendantes, antagonistes voir concurrentes, ainsi que l’introduction d’entreprises privées, notamment étrangères sur les rails français.
D’abord en séparant le réseau (les voies, les aiguillages etc…) en une entreprise distincte – RFF – de la SNCF. Puis en filialisant l’ensemble des activités de la SNCF. D’un coté les gares (gares et connections), de l’autre la surveillance des voies, d’un autre encore la vente des billets, ailleurs la circulation des TGV etc… Cette balkanisation s’est évidemment accompagnée d’une course à la rentabilité de chaque entité, avec pour première conséquence dramatique le défaut patent d’entretien du réseau. Dramatique car il faut rappeler que le premier résultat tangible de ces directives européennes c’est que d’un des réseaux les plus sûr du monde, exempt d’accidents, la sécurité s’est dégradée jusqu’à connaitre la terrible catastrophe de Bretigny.
Outre les conséquences sur la sécurité, la balkanisation du service public en des entités guidées non plus par la sécurité et l’intérêt général, mais par la course à la rentabilité, le résultat c’est également la dégradation constante du service principalement pour les lignes régionales, celles qui amènent les travailleurs à leur travail. Retards, trains supprimés sont désormais monnaie courante là où il y a 30 ans, avant le début du processus de privatisation, la régularité et le nombre de trains et de ligne étaient bien meilleurs. Mais également la suppression de nombre de gares, de lignes entières, participant à la désertification des campagnes et à l’enclavement des territoires périurbains.
Sans oublier, alors que l’urgence écologique commande l’inverse, la quasi éradication du transport de marchandise – le fret – par train au profit du tout camion. La SNCF euro-libéralisée étant d’ailleurs leader de ce marché en France avec sa filliale Geodis Calberson.
Pour se rendre compte de l’effet de destruction des directives européennes, il faut se rendre compte de ce que le nombre de tonnes de marchandise transporté par train en France en 2009 avait chuté au niveau de… 1889 !
La SNCF, en tant que service public du rail, est euro-détruite : ses billets sont de plus en plus chers, ses trains de voyageurs disparaissent des lignes les moins rentables, les trains régionaux et de banlieue sont de moins en moins fiables, ses trains de marchandises en voie de disparition.
Ses salariés sont de plus en plus précarisés – leur statut a été supprimé en 2018 – et mal traités alors que le nombre de cheminots a été réduit de moitié en 30 ans, et quasi divisé par 5 depuis l’après guerre. D’un demi millions de cheminots salariés par la SNCF en 1947 (1 cheminots pour 10 habitants) , il n’y en a qu’à peine plus d’une centaine de milliers en 2019 (2 pour 100 habitants).
jbc pour www.initiative-communiste.fr
Les désastreuses conséquences de la libéralisation : un cheminot témoigne sur « l’exemple » de la séparation des gares et des trains
Chronique du quotidien décadent : Avant il y avait SNCF qui avait un réseau, des gares et des trains. Aujourd’hui ce sont des entreprises distinctes et voilà comment cela se traduit dans le quotidien.
Les gares appartiennent à Gares et Connexions, bidule qui doit faire du chiffre. Une gare ça doit faire de l’argent car tout plein de monde y passe alors c’est un super point de vente. Mais pas de vente de billets de train. Pas assez glamour.
Et puis Gares et Connexions se veut indépendante donc hors de question de vendre du billet SNCF sans encaisser un loyer pour ça. En face, SNCF mobilités (les trains) doit aussi faire du chiffre et dépenser moins. Alors rajouter des paiements de loyer, non merci. Adieu guichets.
Le bidule Gares et Connexions doit marquer son indépendance, aussi un de ses décideur s’est dit qu’il n’y avait pas de raison de laisser les cheminots entrer dans les gares comme dans un moulin. Pensez donc, un cheminot dans une gare, en voilà une idée stupide.
Alors pour sécuriser ça, on va mettre des portes à lecteur de badge partout. Et à chaque porte et pour chaque cheminot SNCF, il faudra une demande particulière d’accès. Une fois validée, il aura accès, sinon c’est niet ! Chacun chez soi !
Et quand un décideur estime que l’encodage du lecteur n’est plus assez sécurisé, il change de code. Du jour au lendemain, les cheminots autorisés n’ont plus accès. Et vu que G&C est indépendant, ils ne prennent pas la peine d’avertir SNCF mobilités à l’avance. Tant pis pour eux.
C’est beau l’indépendance ! Un matin, l’usager ne trouve pas son train. On va lui annoncer un problème technique. Et en effet, il y a bien un problème technique : le conducteur n’a pas pu rejoindre son train, G&C a changé les codes et n’a avisé personne.
Autre exemple : on change les horaires du collègue qui ouvre la gare tôt le matin. On le fait embaucher plus tard comme ça il coûtera moins cher. Il arrivera juste avant le départ du premier train. Et on en parle a personne car on est bien indépendant et on travaille pour nous.
Sauf que le train pour partir, il doit être préparé, des essais réalisés, faut du temps, le conducteur doit arriver bien avant le départ. Pas le problème du gars qui décide, lui il n’est pas de SNCF mobilités, chacun sa merde. Lui il fait des économies, le chef est content.
Et un chef content ça vaut tout l’or du monde. Et pour appuyer encore le truc, quand le train partira en retard (car il sera obligatoirement en retard) je vais déclarer que c’est la faute à mobilités, ils n’avaient qu’à deviner.
Du coup on aura pas de pénalités à payer. Car oui, le sport interne est de trouver un coupable pour savoir qui va payer. Entre économies et pénalités évitées, la qualif’ est à portée de main c’est certain. L’usager ? Pas mon problème, c’est mobilités qui en a besoin.
On pourrait dire « tout ça c’est SNCF, ils n’ont qu’à se parler ». Erreur, ils n’ont plus le droit car se parler et se coordonner ça peut être vu comme magouille interne et les autres opérateurs vont direct en justice pour favoritisme, concurrence déloyale.
Et vous savez quoi ? Ça arrive souvent. Et vous savez quoi ? Y’a plein d’autres exemples avec les autres entreprises bien indépendantes de la très belle famille SNCF qui n’en est plus une. Vous avez voulu la réforme, l’ouverture à concurrence ? Vous l’avez.
(Indépendance des bidules rendue obligatoire par la loi afin de garantir un traitement équitable pour tous les opérateurs ferroviaires : SNCF mobilités, Thello, Flixtrain, Transdev … d’où le lien avec la réforme ferroviaire)
source : fil Twitter, Le Cheminot Masqué, 25-08-2019 et les-crises.fr