L’oligarchie euro-atlantique est inquiète : pour préserver la « construction » européenne, que son indifférence à la crise sanitaire a (encore plus) discréditée, pour remettre en marche les critères de Maastricht qui encadrent la monnaie unique, pour préserver le remboursement de la « dette souveraine » existante « due » aux « marchés financiers » par la France et par d’autres Etats, pour éluder toute forme de mutualisation des dettes existantes entre pays européens surendettés (dont le nôtre) et pays budgétairement excédentaires (la RFA principalement, l’euro étant un clone du mark…), le couple Merkel/Macron a trouvé une parade en invitant la commission de Bruxelles à emprunter 500 milliards d’euros sur les « marchés » afin de répartir cette manne en forme de cadeau empoisonné aux « régions d’Europe sinistrées » par le coronavirus.
Aussitôt, les « élites » de la « Françallemagne », les euro-béats Bernard Guetta (l’ex-gourou de France-Inter) et Laurent Joffrin (maître à penser de Libé) ont dansé de joie.
Plus gravement, les confédérations CGT et CFDT viennent de féliciter le couple franco-allemand (c’est beau l’indépendance syndicale par rapport au politique!) et de concélébrer la proposition Macron/Merkel. Alors que Berger venait de tonner sans mesure contre l’ « irresponsabilité de la CGT » chez Renault, Philippe Martinez, décidément peu rancunier, s’accorde avec le patron de la CFDT (ET président de la Confédération européenne des syndicats) pour supplier Bruxelles (quel intolérable suspense!) de valider la proposition germano-française et, tels des touristes scrutant les eaux glaciales du Loch Ness, les deux principaux chefs de file syndicaux français guettent une fois de plus l’introuvable (et impossible) émergence de l’ « Europe sociale »…
Comme si cette nouvelle tranche d’endettement au prix fort auprès des marchés financiers de la France et des autres pays déficitaires pouvait annoncer autre chose qu’une terrible rallonge d’austérité pour les salaires et les services publics ! Après quoi on pourra toujours défiler pour l’hôpital public, la SNCF et l’Education nationale asphyxiées par les purges budgétaires…
Comme si le fait que cet emprunt soit fléchés, non vers les Etats-nations concernés (qui néanmoins paieront pour les « régions d’Europe » sinistrées les intérêts de l’emprunt…), mais vers les « régions d’Europe en difficultés » ne conduisait pas à mettre les régions de France en concurrence les unes avec les autres tout en court-circuitant de plus en plus l’échelon national. Donc en aggravant la dissolution de la « République une et indivisible » (de ce point de vue la dénonciation de l’initiative Merkel-Macron faite par Mélenchon à l’Assemblée nationale est irréprochable) au profit de ce que Macron et toute la clique anti-jacobine formée par la vraie droite et par la fausse gauche appellent « le pacte girondin »: en clair, la dissolution à bas bruit de la notion même de territoire national qu’appelait de ses voeux le MEDEF dès 2011 (dans son manifeste patronal « besoin d’aire ») quand il revendiquait la « reconfiguration des territoires » et la multiplication des régions transfrontalières dans le cadre des « Etats-Unis d’Europe ».
Comme si les conditions financières étaient identiques pour la France, déjà en déficit abyssal, et pour sa voisine allemande – dont la puissance industrielle a été renforcée de mille façons par la zone euro-mark alimentant ses énormes excédants commerciaux et la désindustrialisation concomitante de notre pays (dont le responsable n°1 est le grand patronat « français » délocaliseur, Guillaume Sarkozy en tête). Il est pourtant aisé de comprendre que si deux voisins, dont l’un est déjà endetté et dont l’autre est cousu d’or, empruntent ensemble à un usurier, l’Harpagon de service et l’emprunteur « riche » se mettront à deux sur le dos du débiteur pauvre pour veiller à ce qu’il rembourse à temps sou et centime. Et si la prétendue « cigale » en question est un Etat, il faudra bien que son gouvernement garant du remboursement SUREXPLOITE SA POPULATION LABORIEUSE en la faisant travailler plus pour gagner moins, en privatisant les services publics et en diminuant la protection sociale… Bref, le contrôle des « marchés » ET DE BERLIN sur l’économie française va encore s’alourdir en même temps que l’euro-austérité salariale et que la strangulation mortelle de l’hôpital public. Que Berger trouve cela encourageant, quoi de plus normal, c’est le président de la C.E.S., autrement dit le chef de file de l’officine pseudo-syndicale qui cogère avec Bruxelles et avec le syndicat patronal européen les « ressources humaines » du sous-continent européen. Que Philippe Martinez, qu’on avait connu plus combatif contre la Loi El Khomri, se réjouisse de cela à l’unisson du DRH européen Berger, c’est d’une gravité inouïe, qui doit interpeller tous les syndicalistes encore attachés à l’honneur de la classe ouvrière, au « produire en France » et, tout bonnement, à la dignité nationale de nos pays (pas seulement celle de la France, celle de tous les pays emprunteurs qui vont voir s’aggraver la tutelle des « marchés », de Bruxelles… et de Berlin. Et c’est cette horreur antisociale et antinationale que le communiqué commun Berger-Martinez nous somme d’appeler marche vers l' »Europe sociale »…
Comme s’il ne revenait pas aux peuples de définir eux-mêmes, c’est-à-dire souverainement, le « fléchage » des flux financiers et les objectifs sociaux et écologiques des nouveaux investissements. En l’occurrence, c’est évidemment la Commission européenne, la BCE et le Parlement européen dominé par la droite, l’extrême droite et la social-eurocratie qui définiront les objectifs et qui trieront les « projets » des « régions européennes » mises en concurrence : que des syndicalistes s’imaginent une seconde que Mmes Ursula von der Leyen et Christine Lagarde puissent prioriser le social et la transition écologique sur les profits du grand capital relève du cauchemar!).
La véritable solution n’est évidemment pas dans ce cadeau empoisonné du nouvel emprunt faussement « collectif » et « mutualisé ». Elle est dans :
- l’annulation pure et simple de la dette illégitime « due » aux marchés financier,
- la sortie française -fût-elle unilatérale -, de cette prison des peuples tournant au coupe-gorge qu’est l’UE,
- la nationalisation sèche (zéro euro d’indemnités pour les gros actionnaires du CAC-40 gavés d’argent public depuis des décennies) des banques et des entreprises stratégiques,
- la reconstitution de notre souveraineté monétaire et budgétaire et la possibilité pour l’Etat d’emprunter directement, non pas à la BCE mais à la Banque de France,
- la reconstruction planifiée du produire en France sur la base d’un puissant secteur public industriel démocratisé et élargi,
- la fin de la ruineuse « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée »,
- la mise en place de coopérations d’Etat à Etat en Europe et hors d’Europe avec tout pays désireux d’échanger à égalité,
- la taxation du fret routier extrêmement polluant transitant par l’Hexagone,
- à des rapprochements internationalistes avec tous les pays d’Europe et du monde qui veulent échapper à la suicidaire course capitaliste au profit maximal, et aussi – pourquoi nos syndicats n’en disent-ils jamais un mot – à la baisse drastiques des crédits destinés à l’OTAN et à la course aux armements euro-atlantiques qui mène tout droit à une guerre contre le peuple russe. Qui, rappelons-le aux ignares, a « joué le rôle principal dans notre libération » (dixit le Général de Gaulle en visite à Moscou en septembre 1944). D’autant qu’il ne faut pas oublier que derrière ce nouveau pas en avant gravissime de la « Françallemagne », il y a toujours le « Traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, dont une observatrice comme Yvonne Bollmann a démonté la nature spoliatrice à l’égard de la France, et que, tout dernièrement, l’Alsace a été érigée – avec l’approbation de PAris – en « collectivité européenne », tandis que la Moselle a adopté le statut d' »euro-département ». Les élites strasbourgeoises ne faisant nul mystère de leur volonté de se mettre en orbite derrière les régions allemandes voisines, comme « le Grand Annecy » devient un appendice de la place forte financière de Genève.
Cerise empoisonnée sur cet immangeable gâteau, Mme Frédérique Vidal, la secrétaire d’Etat macroniste aux Universités, a profité de la sidération résultant de la crise sanitaire pour imposer en catimini (par un simple « arrêté »!) un viol incroyable de notre langue et de l’actuelle Constitution. (lire ici), imposant de fait l’anglais comme langue officielle bis de la France.
Emmenée par le grand patronat « français » (qui n’a plus en tête que de fusionner avec les Chrysler, Siemens, FIAT, General Electrics, etc.) et par ses serviteurs maastrichtiens successifs, les Sarkozy, Hollande et autre Macron, la défaisance de la nation sous l’égide d’une UE dominée par Berlin et supervisée par Washington fait actuellement des pas de géant : tel est le « saut fédéral européen » macroniste. Il viole grossièrement le principe constitutionnel selon lequel la souveraineté appartient au seul peuple français. Pendant ce temps, d’aveugles utopistes de salon pérorent en tenue rosâtre ou en bleu-étoilée sur le « jour d’après » en omettant volontairement de parler de l’essentiel: il faudra bien qu’au plus tôt, s’il ne veut pas disparaître comme tel, notre pays, emmené par le monde du travail, sorte par la porte à gauche et sans craindre de marcher au socialisme, de l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, de l’UE, ce collier étrangleur passé au cou de Marianne, et de l’OTAN, cette police mondiale des impérialismes en mal de revanche sur les Soldats de l’An II, sur Stalingrad et sur le programme du Conseil National de la Résistance.
Rendez-vous donc, chers lecteurs, le 29 mai 2020, pour célébrer ensemble et dans l’action le NON historique prononcé en 2005 par le peuple français, ouvriers et jeunesse en tête, à cette construction européenne hideuse qui est à l’Europe des lumières ce que la très réactionnaire « Sainte-Alliance » de Metternich fut aux aspirations universalistes de la Révolution française.
- Georges Gastaud Secrétaire national du PRCF
- Fadi Kassem Secrétaire national adjoint du PRCF