En cas de referendum, la France sortira de l’Union Européenne. C’est ce qu’explique le sociologue Thomas Guénolé interviewé par Figarovox, en analysant non seulement l’état de l’opinion sur la base des sondages publiés, mais également en confrontant les résultats de ces sondages avec les résultats réels des élections.
De fait si les sondages réalisés par la grands instituts d’opinion ne pronostiquent pas encore tous la victoire du FREXIT en cas de referendum, ils démontrent déjà la volonté du peuple français qu’un tel referendum ai lieu. Et surtout les réserves de voix de ceux qui ne souhaitent²& pas indiquer ce que serait leur vote en cas de referendum sont largement suffisante pour permettre au vote pour la sortie de l’UE de l’emporter. On observera d’ailleurs que les instituts de sondage français ne publient pas de sondage concernant cette question majeure. Sans doute de peur qu’en posant la question ils n’obtiennent pas la réponse attendue par l’oligarchie capitaliste. Il est toutefois plus probable que ces sondages existent et que la réponse majoritaire des français en faveur de la sortie de l’UE ne conduisent les grands médias français unanimement pro UE à ne pas publier de tels résultats.
Une majorité de français veut un referendum sur la sortie de l’Union Européenne
Un sondage co réalisé en février dernier par l’université d’Edimbourg et un institut allemand dans six pays européen dont la France (pour lire les résultats détaillés cliquer ici) a démontré qu’à une écrasante majorité de 65% les français exigent un referendum pour la sortie de l’UE soit organisé en France. Et parmi ces 65 % une écrasante majorité de ceux qui sont motivés et intéressés par cette élection voterait pour le Brexit (à 57%).
Un sondage réalisé par l’institut européen Yougov/Eurotract entre le 30 juin et le 5 juillet 2016 après le Brexit vient confirmer ces résultats. 64% se déclarent très pessimistes à propos de l’avenir de l’Union Européenne. Une proportion égale de français (36%) jugent que la France à une influence ou n’a pas d’influence dans les affaires européenne et à majorité de 52% ils s’opposent à « l’approfondissement de l’unité de l’Europe ».
Interrogés sur leur vote en cas de referendum c’est une large minorité (44%) qui se prononcent pour rester dans l’Union Européenne, à 1 point de moins que les partisans de l’UE au Royaume Unis (44%) qui viennent de se prononcer pour la sortie de l’UE. Si 9% indiquent qu’ils ne voteraient pas à ce referendum.
En postulant une répartition identique le jour du referendum en France et en Grande Bretagne de ceux qui se déclarent aujourd’hui indécis ou ne voulant pas voter, c’est 46% des français (1 points de plus qu’au Royaume Uni) qui voterait pour le FREXIT.
La campagne de pétition pour que ce soit le peuple qui décide avec un referendum se poursuit en France
En cas de referendum sur l’Union Européenne, le FREXIT l’emporterait probablement !
Thomas Guénolé est politologue et maître de conférences à Sciences Po, docteur en sciences politiques (Sciences Po – CEVIPOF). Il est l’auteur de Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants? (Édition le bord de l’eau, 2015) et publiera La mondialisation malheureuse chez First le 15 septembre 2016.
FIGAROVOX. – Deux mois après le vote des Britanniques en faveur d’un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, que pensez-vous de l’hypothèse d’un Frexit?
Thomas GUENOLE. – Un sondage OpinionWay réalisé le 24 juin 2016 révélait que 52% des électeurs français souhaitent un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne. Aussi incroyable que cela puisse paraître, un référendum sur le Frexit serait probablement perdu par l’Europe. Comme au Royaume-Uni, le vote «Quitter» l’emporterait.
Au lendemain du vote du Brexit, j’avais expliqué dans vos colonnes que la répartition des votes s’était faite entre gagnants et perdants de la mondialisation: les territoires profitant de la mondialisation, comme Londres ou l’Irlande, ont voté «Remain» ; les territoires laissés-pour-compte de la mondialisation, tels que les arrière-pays anglais désindustrialisés, ont voté «Leave». Depuis, l’économiste Nouriel Roubini a exprimé début juillet dans Les Echos la même analyse: il parle de «retour de bâton de la mondialisation» pour expliquer le Brexit.
Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la clé de répartition des votes lors d’un référendum sur le Frexit serait vraisemblablement la même. Et puisque la population des territoires perdants de la mondialisation est plus nombreuse, en France comme outre-Manche, que la population des territoires gagnants, le référendum aboutirait vraisemblablement à la victoire du vote «Quitter».
Le sondage OpinionWay de fin juin 2016 annonce pourtant que 53% des électeurs français voteraient «Rester», contre seulement 31% pour «Quitter» et 16% d’indécis…
Quand ils examinent les sondages, la plupart des analystes et commentateurs politiques oublient cette donnée fondamentale: l’électorat dépolitisé, fluctuant, et qui décide son vote dans les toutes dernières semaines voire les tout derniers jours de la campagne, est considérable. Tous les instituts de sondage vous le confirmeront.
C’est la raison pour laquelle depuis plus de trente ans, pour toutes nos élections présidentielles sans exception, les instituts de sondage font état d’une «énorme surprise» – tel candidat qui s’effondre, tel candidat qui monte en flèche, etc. – quelque part entre fin décembre et début avril. Mais en réalité, ce n’est pas une «énorme surprise»: c’est juste la population électorale dépolitisée et fluctuante qui commence à se manifester dans les sondages! Du reste, 2017 ne fera probablement pas exception: quand cet électorat-là se mettra à fixer ses intentions de vote, les sondages s’en trouveront chamboulés.
Pour en revenir à l’Europe, nous avons d’ailleurs un superbe exemple de ce mécanisme de sociologie électorale: le référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen. En automne 2004, le sondage TNS Sofres de fin octobre – début novembre annonçait le triomphe du «Oui» avec 66% des voix. Début mars 2005, un sondage Ipsos donnait encore le «Oui» largement victorieux avec 60% des voix. On connaît la suite: les sondages se sont retournés fin mars 2005, jusqu’à la victoire confortable du «Non» avec 55% des voix.
Or, au sein de cet électorat dépolitisé et fluctuant qui fixe son vote beaucoup plus tard que les autres, les perdants de la mondialisation sont dominants: c’est une population nettement plus pauvre et nettement plus précaire que la moyenne. Donc, on peut raisonnablement estimer qu’en cas de référendum sur un Frexit, cet électorat basculerait massivement dans le camp «Quitter» peu avant le vote.
La peur des conséquences négatives d’une sortie de l’Union européenne n’empêcherait-elle pas une victoire du vote «Quitter»?
Jusqu’à juin dernier, j’aurais répondu par l’affirmative. Mais le Brexit change profondément la donne. Voyez-vous, depuis que les promesses faites pour obtenir le «Oui» au traité de Maastricht n’ont pas été tenues – l’Union européenne ne nous protège ni du chômage, ni des crises économiques, ni de la hausse des prix -, les partisans de la construction européenne pro-mondialisation ont pris l’habitude de défendre l’Europe grâce à une argumentation catastrophiste. Cela donne ce type d’arguments: «rejeter l’Union européenne c’est provoquer le retour des guerres», «rejeter l’Union européenne entraînerait un effondrement économique», «rejeter l’Union européenne nous isolerait dans le monde», etc.
Or, maintenant que le Royaume-Uni est en train d’effectivement sortir, les électeurs français vont pouvoir juger sur pièces si les catastrophes annoncées se produisent. Et puisque manifestement le Brexit n’entraînera pour les Britanniques ni cataclysme économique, ni crise géopolitique majeure, l’efficacité de l’argumentation «rejeter l’Union européenne c’est provoquer l’Apocalypse» va vraisemblablement devenir nulle.
Par conséquent, s’il y avait un référendum sur le Frexit, agiter la peur du chaos ne fonctionnerait plus pour obtenir la victoire du vote «Rester».
D’ailleurs, dans le sondage OpinionWay que vous évoquiez, plus d’un Français sur deux déclare souhaiter qu’un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne soit organisé. Il me semble qu’on peut y voir la preuve d’une envie très puissante des électeurs que la question de notre participation à l’Europe soit remise sur la table et à nouveau débattue ; sans forcément avoir déjà eux-mêmes une opinion fermement arrêtée.
La peur des conséquences économiques négatives d’une sortie de l’euro ne suffirait-elle pas à empêcher la victoire du vote «Quitter»?
Vous savez, techniquement, l’exemple de Monaco ou d’Andorre démontre qu’on peut utiliser l’euro sans être membre de l’Union européenne.
En France, que peuvent faire les partis de gouvernement s’ils veulent endiguer le rejet de l’Union européenne en France?
Ils peuvent jouer leur va-tout en décidant d’organiser ce référendum ; mais comme je vous le disais, vraisemblablement le vote «Quitter» gagnerait. Ils peuvent aussi faire la part du feu en faisant sortir la France de certaines coopérations européennes: l’espace Schengen, par exemple. Enfin et surtout, ils peuvent décider d’engager un rapport de force avec l’Allemagne, qui dicte actuellement son agenda politique à l’Europe.
La façon la plus claire et nette de le faire serait que la France sorte unilatéralement du Traité budgétaire européen de 2012, surnommé «traité Merkozy»: au motif qu’il rend obligatoire pour ses pays signataires de conduire des politiques budgétaires d’austérité, alors que ces politiques – nous le voyons en Grèce – aggravent le marasme économique au lieu de rétablir la prospérité.
Cela étant, rien n’indique que les partis de gouvernement prennent le chemin de l’une ou l’autre de ces mesures: au contraire, les uns et les autres répondent au rejet de la construction européenne pro-mondialisation en proposant …davantage d’intégration européenne pro-mondialisation. C’est ubuesque.