Voici la réaction – adressée au courier des lecteurs du Monde Diplomatique – à l’éditorial du Monde Diplomatique de Juillet 2016 de notre camarade Aurélien Djament. Puisque les lecteurs de ce mensuel ne peuvent la lire dans le numéro d’Aout, IC a ouvert ses colonnes.
Une Europe à refaire ?
L’éditorial Une Europe à refaire du numéro 748 du Monde diplomatique présente le grand mérite de reconnaître le caractère de plus en plus réactionnaire et anti-démocratique de l’actuelle « construction européenne » et de balayer l’imputation du « Brexit » à la xénophobie par l’idéologie dominante.
Toutefois, je conteste vigoureusement l’analyse suivante que livre ce même éditorial : « Projet d’élites intellectuelles né dans un monde clivé par la guerre froide, l’Union a raté il y a un quart de siècle l’une des grandes bifurcations de l’histoire, un autre possible ».
Tout d’abord, présenter l’U.E. comme un projet essentiellement intellectuel relève d’un idéalisme naïf. L’ouvrage de l’historienne Annie Lacroix-Riz L’intégration européenne de la France – La tutelle de l’Allemagne et des États-Unis montre clairement qu’il s’agit d’un projet des élites économiques du continent qui porte un contenu de classe extrêmement fort.
Surtout, ce contenu de classe rend bien étrange la « refondation sociale et pacifique » de la construction européenne dont rêve M. Serge Halimi. La seule Europe sociale qui ait jamais existé (quelles que soient par ailleurs les critiques qu’on puisse lui porter), c’est l’Europe socialiste contre laquelle l’U.E. s’est bâtie. Comment croire que la destruction de ladite Europe socialiste aurait pu permettre une inflexion progressiste à l’Europe de la « libre concurrence » ?
Au contraire, la disparition de ce contre-poids gênant a permis à l’U.E. d’accélérer les contre-réformes « néolibérales » et de prendre un tour de plus en plus ouvertement impérialiste et dictatorial. Il suffit de regarder ce qui se passe à l’Est de notre continent pour constater la nature revancharde et fascisante de l’U.E..
Quelles que fussent les insuffisances et erreurs de l’expérience socialiste en Europe de l’Est, comment croire un instant que l’U.E. eût pu « oppos[er] au triomphe de la concurrence planétaire un modèle de coopération régionale, de protection sociale, d’intégration par le haut des populations de l’ex-bloc de l’Est », alors qu’elle porte dans son code génétique la « concurrence libre et non faussée » et l’alignement sur les États-Unis d’Amérique et l’OTAN ?
Aurélien Djament
Lien vers l’éditorial de Serge Halimi sur le site du Monde diplomatique :