D’après un sondage de 2017, 51% des monténégrins sont opposés à l’entrée du Montenegro dans l’OTAN. 54% estime que son rôle est négatif. C’est dans ce contexte que l’OTAN tente d’imposer l’installation d’une base militaire dans le pays.
Un titre bien surprenant et pourtant. Le Monténégro, petit état arraché à la Serbie à la suite de manœuvres impériales douteuses, possède une façade sur l’Adriatique dont les rives magnifiques sont très prisées en particulier par les riches ukrainiens exilés. Mais il s’étend vers le Nord en direction de la Serbie dans une zone montagneuse assez reculée où l’élevage des moutons est une activité traditionnelle encore bien vivante dans un pays peu industrialisé.
Cette activité pastorale est aujourd’hui menacée par l’installation d’un camp militaire et les éleveurs s’opposent à ce projet.
Première surprise : Le Monténégro province de la Serbie jusqu’à son indépendance en 2007 n’a que 650 000 habitants et une armée de moins de 3000 hommes pauvrement équipée avec ce qui est resté sur place de l’armée serbe au moment de la séparation soit quelques hélicoptères et un armement léger. Son point fort, si l’on ose dire, est sa marine puisque le Monténégro s’est approprié la totalité de la marine serbe en même temps que le port qui l’abritait. Au total deux patrouilleurs en état de marche.
Pourquoi et avec quels moyens installer un camp militaire dans le Nord du pays. La réponse se trouve dans des articles publiés en France par le journal écologique REPORTERRE en Novembre 2022 et repris par le journal du Larzac « Gardarem Lo Larzac » (n° 369 Janvier- février 2023) publié régulièrement par un collectif d’habitants du plateau.
Mais c’est une réponse discrète et sans aucun commentaire : il s’agit d’un projet de camp militaire non pas du gouvernement de Podgorica mais de l’OTAN à créer ex nihilo. Le Monténégro, après avoir franchi sans bruit toutes les étapes de la procédure d’adhésion, est effectivement membre de l’OTAN depuis 2017.
Cette simple mention donne l’ampleur du combat entamé par les éleveurs monténégrins : en s’opposant ils affrontent directement les États-Unis sans pouvoir attendre aucun soutien de la part d’un gouvernement qui ne pèse rien devant le maitre de l’OTAN.
Le coupable car il n’est pas abusif d’employer ce terme de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN est un personnage qui alternant les positions de premier ministre et de président après avoir conduit la sécession d’avec la Serbie et a été à la tête du Monténégro depuis l’indépendance : Milo Djukanovic.
Son affaiblissement politique ne s’est produit que très récemment : échec à l’élection présidentielle en 2020 confirmé par l’échec de son parti aux dernières élections législatives de Juin 2023.
Mais cet échec n’est survenu que lorsque les États-Unis eurent réussi, grâce à sa très active participation, à atteindre leur objectif : incorporer le Monténégro à l’OTAN. La première dimension de ce succès n’est pas mince : la Serbie, toujours rebelle, a été privée d’un accès à la mer mais surtout il a fait, grâce à la mise en place de l’avant dernière et minuscule pièce – 200 km de littoral sur l’Adriatique – d’un puzzle de grande taille ourdi de longue date, de la totalité de la rive nord de la Méditerranée de Gibraltar jusqu’à la frontière turco-syrienne une rive totalement sous contrôle otano/étasunien.
A un détail prés : resterait pour l’OTAN à prendre le contrôle des seuls 20km du littoral de la Bosnie Herzégovine autour de la ville de Neum. Mais dans son état actuel la Bosnie H. état fabriqué aux États-Unis sous la menace militaire en 2015 n’est pas un état souverain. Si jamais pour la maitrise symbolique de ces 20 derniers km les États-Unis forçaient la Bosnie H. à rentrer dans l’OTAN ils ouvriraient la porte à une sécession de la Republika Serpska qui rejoindrait aussitôt la Serbie comme elle le souhaite depuis 1995. La Bosnie H. éclaterait et la poudrière yougoslave se rallumerait.
A la relecture des évènements politico militaires survenus depuis la présidence Obama sur les rives Est et Sud de la Méditerranée : printemps égyptien et tunisien, guerres de Libye et de Syrie une évidence s’impose : le projet était bien de transformer la Méditerranée en lac totalement otano/étasunien, le Maroc étant d’emblée d’accord avec le projet et Israël puissance nucléaire se trouvant ainsi protégé par le grand frère (Big Brother) de tous les côtés , côté mer par cet OTAN élargi de Haïfa à New-York , côté terre par l’Irak et la Jordanie.
Cet épisode du grand jeu a été perturbé et pour longtemps par divers événements : échec des printemps tunisien et égyptien, les partis affidés aux Frères musulmans ayant été chassés du pouvoir, le chaos libyen n’ayant pas trouvé d’issue stable favorable aux intérêts étasuniens et surtout la Syrie ayant résisté à la déstabilisation avec les soutiens iranien et russe. Le conflit Russie OTAN en Ukraine est même en voie de faire capoter le projet.
Mais pourquoi donc l’OTAN à qui aucun des dirigeants actuels du Monténégro ne peut rien refuser au point qu’est prévue la construction d’un terminal maritime pour recevoir du GNL étasunien veut-elle créer un nouveau camp militaire au Monténégro ? Déjà l’Albanie voisine intégrée à l’OTAN en 2009 met à disposition de l’OTAN son port d’origine soviétique et doit accueillir un grand aérodrome OTAN. Chacun sait aussi que les États-Unis ont installé au Kosovo leur plus grand camp militaire permanent en Europe qui ne se trouve qu’à une centaine de km de la frontière du Monténégro. La Croatie est dans l’OTAN et donc l’Adriatique est déjà totalement Otanisée.
La question ne semble pas avoir de réponse officielle et renvoie probablement aux incertitudes politiques monténégrines. Le retrait de Milo Djukanovic a été souhaité et probablement organisé par la communauté atlantique car ce personnage sulfureux connu pour ses activités mafieuses de trafic international de cigarettes devenait un peu encombrant et superflu une fois le pays entré dans l’OTAN. Restait la seconde étape de l’arrimage : l’intégration à l’Union Européenne. Or si la candidature du Monténégro à l’UE a bien été déposée en 2010 le dossier n’a toujours pas avancé ce qui explique les propos fermement pro-européens du nouveau président comme ceux du nouveau gouvernement élu ces derniers jours qui attendent avec impatience les fonds européens pour moderniser le pays.
Ce que savent aussi ces nouveaux dirigeants c’est qu’environ 40% de la population monténégrine est serbe qu’elle est très attachée à l’église orthodoxe qu’elle a gardé un souvenir très douloureux du bombardement du pays par l’OTAN en 1999 et qu’elle garde des sympathies pour la Russie. Donc l’alignement du Monténégro sur la politique furieusement antirusse de l’Union Européenne laisse prévoir des tensions intérieures fortes.
Un camp de l’OTAN au nord du pays et non un camp monténégrin pourrait permettre la création et l’installation d’une gendarmerie bien équipée, bien entrainée dans un espace arraché aux brebis, bien connectée aux réseaux otaniens et soustraite aux incertitudes politiques locales qui serait chargée de surveiller la population et la frontière toute proche avec la Serbie.
Tels sont les éléments d’une situation assez volatile à suivre de prés.
Ajoutons une donnée chinoise pour pimenter le débat géopolitique : la Chine fidèle à son programme continental de nouveaux réseaux de transport a soutenu la réalisation d’une autoroute qui relie aujourd’hui la capitale Podgorica à la frontière serbe où elle se raccorde au réseau serbe. Elle a également construit un pont qui relie entre elles les deux parties de la côte dalmate croate séparées par la fenêtre bosniaque de Neum.
Deux visions du monde à l’œuvre dans ce tout petit Monténégro :
logique du bloc impérialiste «;soit vous êtes avec nous soit vous être ou contre nous;»
logique chinoise;: échanges fluidifiés, interconnexion des réseaux de transport, facilitation des procédures du commerce et intensification des relations convenues.